Comment se fait-il qu'un sujet porteur d'une mutation rare ayant une probabilité de 99,9 % de développer une maladie d'Alzheimer précoce avant l'âge de 50 ans ne présente aucun trouble cognitif jusqu'à ses 70 ans ? C'est la question qui a conduit une équipe du Massachusetts General Hospital à Boston à identifier un variant génétique protecteur à l'état homozygote : le variant Christchurch du gène APOE3 (ou APOE3ch).
Dans « Nature Medicine », l'équipe de Joseph Arbodela-Velasquez rapporte le cas clinique d'une femme à très haut risque d'Alzheimer autosomique dominant en raison d'une mutation E280 A du gène de la préséniline 1 (PSEN1).
Habituellement, une démence à l'âge de 50 ans
Parmi les 1 200 porteurs de cette mutation rare dans une cohorte familiale de maladie autosomique dominante d'Alzheimer, c'était la seule à n'avoir développé des troubles cognitifs légers qu'après l'âge de 70 ans, tandis que, pour tous les autres, ces symptômes survenaient à l'âge médian de 44 ans et qu'une démence était constatée à l'âge médian de 49 ans.
Cette patiente à très haut risque d'Alzheimer s'est révélée présenter par ailleurs deux copies du variant APOE3 Christchurch, le gène APOE étant un gène d'intérêt bien identifié dans la pathogenèse de la maladie neurodégénérative.
Une neuroprotection en aval des dépôts amyloïdes
Fait curieux, à l'imagerie par TEP, la patiente présentait des plaques amyloïdes bêta étendues mais à l'inverse des dépôts de tau relativement limités et peu de neurodégénérescence.
Ces résultats sont cohérents avec ce qui est connu du gène APOE, le gène majeur de susceptibilité à la maladie d'Alzheimer, est-il rappelé. Ce gène a trois allèles fréquents – APOE2, APOE3 et APOE4 –, lesquels ne confèrent pas tous le même risque de développer la maladie. Si APOE3 est considéré comme étant neutre vis-à-vis du trouble neurodégénératif, APOE2 est décrit comme étant associé à un risque plus faible de développer la maladie et à un âge plus tardif, tandis que chaque copie additionnelle d'APOE4 augmente ce risque et pour un âge plus jeune.
APOE3ch et APOE2, des APOE protecteurs
Les chercheurs vont dans le sens d'un modèle classant les variants APOE selon leur degré de pathogénicité APOE3ch et APOE2 < APOE3 < APOE4. Les bénéfices du variant APOE3ch semblent s'exercer davantage en aval sur la protéine tau et la neurodégénérescence que sur les dépôts amyloïdes, notamment en raison d'une liaison altérée avec les héparanes sulfates.
Il est tout à fait possible que d'autres facteurs aient pu intervenir dans le phénotype de résistance, reconnaissent volontiers les auteurs, mais ils postulent que la modulation de l'expression du gène APOE, en particulier pour les interactions avec les héparanes sulfates, « pourrait avoir un impact profond sur le traitement et la prévention de la maladie d'Alzheimer », écrivent-ils.
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