C’EST L’HÉTÉROGÉNÉITÉ qui est la caractéristique même de la médecine humanitaire. Et en toute logique, c’est elle qui fournit à Rony Brauman la trame de son « Que sais-je ? »*, en bon praticien de terrain qu’il est, acteur de son sujet et non chercheur en bibliothèque. Son découpage sera donc empirique : la médecine des situations d’exception, d’abord, à commencer par les guerres et la majorité des conflits armés de ces cinquante dernières années, depuis l’événement fondateur de la guerre du Biafra et la création, en 1968, du GIMCU (groupe d’intervention médico-chirurgical d’urgence), une organisation de type SAMU, qui allait devenir en 1971 MSF (Médecins sans frontières). La chirurgie de guerre, avec son pénible triage, la médecine de guerre, avec ses déplacements de populations et tous ses enjeux politico-médiatiques, sont évoqués au travers de leurs différents stades : évaluation initiale, phases aiguës, puis chroniques, décision de terminer la mission, avec la survenue de la paix et le démantèlement progressif des camps.
Pour les catastrophes naturelles, en dépit d’une abondante littérature, beaucoup des données indispensables à l’organisation des interventions médicales restent méconnues, estime Rony Brauman. Des mythes, en particulier, ont la vie dure : non, le risque épidémique immédiatement après un séisme, en lien avec l’omniprésence des cadavres et la source d’infection qu’ils représenteraient, ne justifie aucunement de lancer des campagnes de vaccination de masse. Les corps porteurs occasionnels de maladies transmissibles représentent une menace bien moindre que quand ils étaient en vie. Non, à la différence des conflits, les catastrophes naturelles ne nécessitent guère des interventions chirurgicales massives, à la différence des conflits armés où l’on relève beaucoup plus de blessés que de morts. Non, encore, les populations ne sombrent pas dans la torpeur et la sidération, sous l’effet, discuté, d’un stress post-traumatique, mais elles se démènent dans diverses actions de solidarité et d’urgence.
Et au passage, la question de la sécurité des équipes humanitaires est réglée avec celle de la militarisation des interventions de secours : la « profession » humanitaire n’est en réalité statistiquement pas plus risquée que celles de bûcheron, d’ouvrier métallurgiste ou de pilote, métiers marqués par une mortalité comparable ou plus élevée.
L’idée fausse d’une CMU planétaire.
Quant à la médecine humanitaire des situations dites ordinaires, elle se joue d’abord dans les pays du Sud avec les conséquences de la malnutrition sur des centaines de milliers d’enfants, ou la bataille du sida, avec à la clé des débats toujours pas clos sur les médicaments sous copyright et le dilemme des soins payants. L’apparition du phénomène de la grande pauvreté, depuis les années 1990, aura même étendu à la France les nouveaux champs humanitaires.
Toutes ces pratiques humanitaires, parce qu’elles ne peuvent être que fragmentaires, ne sauraient former l’embryon d’une CMU étendue à la planète. Et Rony Brauman de flétrir, au final, ces ONG qui seraient tentées de se développer pour elles-mêmes, confondant leur volonté d’exister avec leur raison d’être. Une tentation que le débat interne, si cher aux associations, est destiné à combattre sans relâche.
« La Médecine humanitaire », Rony Brauman, coll. « Que sais-je ? », PUF, 128 pages, 8 euros.
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