Des résultats inégalés avec un inhibiteur d'IGF1

Une biothérapie se fait une place dans l'ophtalmopathie de Basedow

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Publié le 04/05/2017
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Basedow

Basedow
Crédit photo : PHANIE

Le teprotumumab, un inhibiteur du récepteur de l'IGF1, est le premier traitement médical de l'ophtalmopathie de la maladie de Basedow à faire preuve d'un tel niveau d'efficacité et de tolérance, selon une étude du « The New England Journal of Medicine ».

Au terme de 25 ans de recherche, des scientifiques du centre ophtalmologique Kellogg à l'université du Michigan publient des résultats convaincants dans les formes modérées à sévères d'apparition récente (≤ 9 mois). Ces résultats inégalés sur une petite centaine de patients (n = 88) ont valu à cet anticorps monocolonal initialement développé en cancérologie de recevoir de la FDA le statut de « breakthrough therapy » en août 2016.

Près de 70 % des patients du groupe traité (n = 29/42) ont répondu à 24 semaines au teprotumumab (1 perfusion/3 semaines, soit 8 perfusions au total) avec une meilleure qualité de vie et une réduction de la diplopie, par rapport à 20 % du groupe placebo (n = 9/45). L'obtention d'effets thérapeutiques était rapide, avec 43 % du groupe teprotumumab (n = 18/42) ayant répondu à 6 semaines. La réduction de l'exophtalmie, de l'ordre de 2 mm à 24 semaines, est comparable à ce qui est attendu avec la chirurgie de décompression.

Un créneau vacant

L’atteinte ophtalmique est retrouvée dans 30 à 60 % des cas de maladie de Basedow, principalement chez les femmes. « L'atteinte auto-immune cible souvent les muscles oculaires et les tissus conjonctifs périorbitaires », explique le Dr Raymond Douglas, chirurgien ophtalmologique au centre Kellogg et auteur senior.

Pourtant, jusqu'à présent, les traitements médicaux, essentiellement des corticoïdes, se sont avérés peu satisfaisants avec une efficacité limitée et des problèmes de tolérance. Quant à la chirurgie, elle peut entraîner des réactivations de l'ophtalmopathie et exacerber un strabisme, soulignent les auteurs.

Si l'ophtalmopathie est bien décrite dans la maladie de Basedow, la physiopathologie l'est beaucoup moins. L'équipe dirigée par le Dr Terry Smith, endocrinologue, est partie de leurs travaux précédents suggérant un rôle important de l'IGF1 dans la maladie auto-immune.

Le récepteur de l'IGF1 surexprimé

Comme l'explique le Dr Smith : « Nous avions montré en particulier qu'il y a une présence forte inhabituelle de récepteurs de l'IGF1 sur les cellules autour de l'œil dans l'ophtalmopathie des dysthyroïdies. »

En effet, alors que l'IGF1 augmente de façon synergique l'action de la thyrotropine, le récepteur de l'IGF1 est surexprimé par les fibroblastes orbitaires ainsi que par les cellules B et T chez les sujets atteints par la maladie de Basedow.

Forts du fait qu'in vitro des anticorps inhibiteurs du récepteur de l'IGF1 se sont révélés prometteurs, les chercheurs se sont intéressés au teprotumumab, un anticorps anti-IGF1, jusque-là décevant en cancérologie.

La persistance en question

Le critère principal d'efficacité était un critère composite basé sur une réduction de 2 points ou plus d'un score clinique allant de 0 à 7, les sujets ayant une atteinte cotée ≥ 4/7 à l'inclusion, et sur une diminution de 2 mm de l'exophtalmie. Le score clinique évalue la douleur (spontanée, lors des mouvements), la rougeur (paupières, conjonctives) et l'œdème (paupières, conjonctives, caroncule).

Le score, de 5,1 en moyenne à l'inclusion, a diminué de 3,43 dans le groupe traité par rapport à 1,85 dans le groupe placebo. L'exophtalmie a diminué de 2,46 mm dans le groupe traité, par rapport à 0,15 mm dans le groupe placebo.

Les auteurs font valoir un profil de sécurité du médicament « encourageant ». Les effets secondaires les plus fréquents étaient digestifs avec des nausées mais aussi des spasmes abdominaux et de la diarrhée, en particulier chez des sujets ayant une maladie gastro-intestinale. Des hyperglycémies ont été constatées chez des sujets diabétiques et ont été contrôlées en ajustant le traitement antidiabétique.

Cet essai marque une étape importante, mais le teprotumumab est encore à l'étude. La persistance de l'effet reste à évaluer et un suivi des patients est prévu jusqu'en 2018. De plus, comme le font remarquer les auteurs, les patients inclus avaient une maladie d'apparition récente avec un score ≥ 4, « par conséquent, les bénéfices potentiels du teprotumumab chez des patients ayant une forme plus légère, moins active ou une maladie stable, n'ont pas été évalués ». Le teprotumumab pourrait aussi se révéler intéressant dans d'autres maladies auto-immunes, avec participation du récepteur de l'IGF1, telle que la polyarthrite rhumatoïde.

 

 

 

 

 

 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9578