Une dose unique de vaccin contre la fièvre jaune ne protège pas durablement les jeunes enfants

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Publié le 20/09/2019

Crédit photo : PHANIE

Environ la moitié des enfants vaccinés contre la fièvre jaune à 9 mois ne seraient plus protégés efficacement dans les deux à cinq années qui suivent, révèle une étude INSERM publiée dans « The Lancet Infectious Diseases ».

« Ces résultats confortent l'idée de la nécessité d'un rappel chez les jeunes enfants, explique au « Quotidien » José Enrique Mejia, chercheur INSERM à l'unité « centre de physiopathologie de Toulouse Purpan » et coauteur de l'étude avec Cristina Domingo de l'Institut Robert Koch à Berlin. Il y a des discussions au niveau international à l'OMS et au niveau des autorités de chaque pays ».

Un manque de données à combler chez l'enfant

Depuis 2013, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande une dose unique de vaccin pour une protection à vie à partir de l'âge de 9 mois. Néanmoins, l'agence onusienne avait appelé à évaluer l'efficacité à long terme de la primovaccination chez le nourrisson, les données faisant défaut dans cette tranche d'âge en particulier, alors que les 9-12 mois sont la première cible de la vaccination de routine dans les pays d'endémie.

La fièvre jaune, cette maladie virale transmise par différentes espèces de moustiques, sévit dans 34 pays d'Afrique et 13 d'Amérique latine. Le virus s'attaque aux cellules du foie, entraînant une jaunisse, d'où le nom donné à la maladie. Des troubles hémorragiques graves surviennent dans 25 à 50 % des cas, avec une mortalité élevée observée 7 à 10 jours après le début des symptômes.

Deux cohortes d'enfants au Mali et au Ghana

Dans leur étude, les chercheurs ont analysé deux cohortes d'enfants au Mali (587 enfants) et au Ghana (436 enfants). Les taux d'anticorps spécifiques du virus avaient été mesurés 4 semaines après la vaccination puis de nouveau plusieurs années après. Précédemment, l'équipe avait estimé qu'un taux supérieur à 0,5 UI/ml était nécessaire pour protéger les enfants.

Dans la cohorte malienne, les chercheurs ont constaté dans la cohorte malienne, que 4 ans et demi après la vaccination, seulement la moitié des enfants présentaient encore un taux d'anticorps neutralisants > 5 UI/ml. Environ 19 % présentaient des anticorps détectables mais à un taux < 5 UI/ml. Au total, le pourcentage d'enfants séropositifs était de 69,7 % alors qu'il était de 96,7 % juste après la vaccination.

Dans la cohorte ghanéenne, 2 ans et demi après la vaccination, seulement près de 30 % des enfants étaient encore protégés contre l'infection et 11,7 % présentaient des anticorps spécifiques mais en faible concentration (0,5 UI/ml). Au final, 39,4 % étaient considérés séropositifs contre 72,7 % peu après la vaccination.

Des débats en cours

Ces résultats suggèrent qu'un fort pourcentage d'enfants n'est plus protégé au bout de 2 à 6 ans. « C'est un souci au niveau individuel mais aussi au niveau de l'immunité d'une population dans les zones d'endémie, fait remarquer José Enrique Mejia. D'ailleurs, dans certains pays, le rappel à 10 ans a été maintenu dans la population, parfois à 5 ans pour les enfants ».

Quelles recommandations tirer en pratique ? « Pour le moment, ces résultats vont contribuer au débat en cours, explique José Enrique Mejia. Dans les pays d'endémie, tout rappel va s'inscrire dans le calendrier vaccinal de l'enfance, sachant que la première dose pour la fièvre jaune est administrée avec le vaccin ROR. Ce n'est pas à considérer de façon isolée. Les autorités sanitaires au niveau national disposent d'une flexibilité d'action plus grande qu'à l'OMS, où le consensus s'inscrit dans un protocole impliquant l'ensemble des pays membres ». 


Source : lequotidiendumedecin.fr