Multiplicité des organismes de recherche en sciences de la vie, fonctionnement cloisonné et saupoudrage des crédits concourent à une « situation confuse » au sein de l’Inserm qui « complique singulièrement le positionnement » de l’Institut et « qui n’a fait l’objet de clarifications ni de sa part, ni de celle de ses tutelles », tacle un rapport de la Cour des comptes sur la gestion de l’Inserm pour la période 2015 à 2021, publié le 23 janvier.
Les critiques de la Cour visent aussi bien le ministère de la Recherche qui a créé l’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé (Avisean) plutôt que de désigner l’Inserm comme chef de file de la recherche en santé, que l’Institut lui-même qui « ne s’est pas recentré sur certaines disciplines et a continué d’être présent sur l’ensemble du spectre des sciences biomédicales, malgré la persistance de redondances entre ses activités de recherche et celles d’autres organismes, en particulier le CNRS ».
Le rapport pointe également « des difficultés structurelles liées à la complexité du système des unités mixtes » et une organisation qui ne « permet pas de tirer le meilleur parti de la plus-value de ses activités de recherche ». Et, si une déclinaison de stratégies scientifiques par site permettant de dégager des priorités s’est mise en place, l’Institut « n’est pas allé au bout de la logique de la politique de site », est-il indiqué.
Des réalisations « de qualité », mais des « marges de progression »
Si des « marges de progression » sont possibles, les réalisations l’Inserm sont « de qualité » : « l’impact de ses publications est, tout domaine confondu, supérieur à la moyenne mondiale », est-il relevé. Mais les ressources en chercheurs et les subventions aux laboratoires souffrent d’une « dispersion excessive », poursuit le rapport.
Autre critique, « l’Institut n’est pas véritablement présent "au lit du patient" (recherche clinique) contrairement au positionnement qu’il revendique ». Dans sa réponse à la Cour, le patron de l’Inserm, Gilles Bloch, qui, non renouvelé à son poste, quittera bientôt l’Institut, rappelle la stratégie de l’Inserm en faveur d’une complémentarité avec les CHU, d’une priorité donnée aux études cliniques conçues dans ses unités, en lien direct avec les recherches, ou sur quelques thématiques scientifiques précises. Il ne peut ainsi « pas être reproché à l’Inserm le faible nombre d’essais qu’il promeut concernant des produits de santé et, singulièrement, des médicaments : c’est un choix délibéré qui résulte de ce positionnement », souligne Gilles Bloch.
Sur le plan financier, la Cour souligne « quatre exercices déficitaires » sur la période examinée, sans « réel plan de redressement » de la part de l’Inserm, ni « demande de retour à l’équilibre » de la part des ministères de la Santé et de la Recherche. Et quant au résultat fortement excédentaire en 2021, ce « n’est pas fondamentalement le signe d’une amélioration de la situation financière de l’Inserm mais traduit surtout une activité croissante de l’Institut, notamment en tant qu’agence de moyens, et confirme, pour une large part, l’illisibilité de sa situation financière », lit-on.
Dans sa réponse, Gilles Bloch minimise ces critiques soulignant les signaux d’un « rétablissement de la situation financière » avec les exercices excédentaires de 2020 et 2021 issus des revenus engrangés : « les revenus de licence [issus d'Inserm Transfert], notamment, sont le résultat d’une stratégie de valorisation payante sur le long terme, et qui devrait continuer à alimenter le budget de l’établissement dans les années à venir, même si dans des proportions moindres qu’en 2021 », défend-il.
Le statu quo n'est plus tenable
La gestion des ressources humaines est ciblée par la Cour pour sa déconnexion de la stratégie scientifique. Les dispositifs spécifiques de contrat à durée déterminée pour l’accueil de médecins ou de chercheurs sont par exemple jugés « insuffisants », tandis que la politique scientifique ne se traduit pas dans sa stratégie de recrutement. Quant aux systèmes d’information, leur mutation a été « tardive » et reste « largement inachevée ».
Pour l’avenir, si la Cour salue le renforcement des moyens et les financements - avec pour la première fois une enveloppe du ministère de la Santé - dans le contrat d’objectifs signé en février 2022, elle appelle à une « évolution radicale », jugée « indispensable », tant le statu quo « n’est plus tenable ».
La création de l’ANRS-MIE et celle de l’Agence de l’Innovation en santé sont « la marque d’un nouveau dynamisme, illustré par l’ambition de rattrapage portée par le plan Santé innovation 2030 », estime la Cour. Mais « il paraît peu probable que ces mesures permettront à l’Inserm de mieux se situer dans sa mission nationale et de contribuer à la structuration de la recherche biomédicale ».
La Cour avance trois options envisageables : un rôle de chef de file dans la programmation de la recherche en santé au plan national confié à l’Inserm ; une fusion de l’Inserm avec l’Institut des sciences biologiques du CNRS (INSB) ; ou une gestion de la recherche confiée aux universités permettant de recentrer l’Inserm sur le financement de la recherche en sciences de la vie et en santé. Seul le premier scénario, proche de celui proposé par le Pr Alain Fischer dans son récent rapport sur la recherche biomédicale, a les faveurs de Gilles Bloch. Mais il reviendra au futur PDG de l’Inserm, Didier Samuel, dont la nomination est attendue dans les prochains jours, d’opérer cette évolution.
Des clarifications à apporter sur le rôle d’Inserm Transfert
Dans un second rapport, la Cour des comptes se penche sur la filiale Inserm Transfert, dédiée au transfert de technologie et à la recherche de financements collaboratifs. Son activité s’inscrit dans un écosystème « en grande partie illisible pour les industriels et les chercheurs » et où « des logiques de concurrence persistent » entre les dispositifs de valorisation issus du programme d’investissement d’avenir. L’enjeu, selon la Cour, est de « mieux définir les modalités d’articulation entre sa stratégie nationale de valorisation, portée par Inserm Transfert, et l’échelon territorial ».
Le rapport invite par ailleurs l’Inserm à « ouvrir plus largement la gouvernance d’Inserm Transfert à ses partenaires », comme les sociétés pharmaceutiques ou les fonds d’investissement.
Des évolutions récentes, introduites dans le nouveau contrat d’Inserm Transfert (juillet 2022), sont saluées. Elles ont notamment permis de limiter les « flux financiers croisés inutilement complexes » entre l’Inserm et sa filiale. Le nouveau dispositif de rémunération forfaitaire apporte également des évolutions « positives » mais « incomplètes », est-il indiqué. Malgré des « marges de progression », notamment sur les délais de contractualisation, les réalisations sont « globalement conformes aux objectifs », conclut la Cour.
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