Les nombreux points communs entre les virus Zika et de la dengue mènent à des liaisons dangereuses... mais aussi peut-être à la piste d'un vaccin universel contre ces deux flavivirus transmis par le moustique tigre.
C'est le double constat que tirent des chercheurs français de l'Institut Pasteur et du CNRS en collaboration avec des équipes européennes et thaïlandaises dans deux études complémentaires publiées, l'une dans « Nature » et l'autre dans « Nature Immunology ».
« La plupart des anticorps développés contre la dengue augmentent la virulence de l'infection à Zika, explique le Pr Félix Rey, de l'Institut Pasteur/CNRS. Quelques-uns au contraire sont neutralisants. Toute la difficulté dans le développement d'un vaccin va être de faire le tri et de présenter les bons sites et pas les autres. »
Des anticorps neutralisants très puissants
La découverte d'anticorps neutralisants aussi puissants contre le Zika a surpris les chercheurs. « C'était totalement inattendu, poursuit le Pr Rey. Dans "Nature" en 2015, nous avions identifié dans le sérum de patients des anticorps capables de neutraliser les 4 sérotypes de dengue. Comme le virus Zika est très proche de la dengue, il était probable qu'il existe un effet aussi pour ce virus. Mais on ne s'attendait pas à ce qu'ils se révèlent aussi efficaces. »
Ces deux études publiées simultanément se complètent. Dans « Nature Immunology », l'équipe sous la direction des britanniques Judathip Mongkolsapaya et Gavin Screaton de l'Imperial College London montre que la plupart des anticorps dirigés contre l'enveloppe du virus de la dengue, dont l'épitope de la boucle de fusion (ou fusion-loop epitop FLE), se lient aussi à Zika mais sont incapables de le neutraliser.
La dengue favorise la virulence du Zika
Pire que cela, une infection préalable au virus de la dengue favoriserait la multiplication du Zika, via un phénomène dit ADE dépendant des anticorps (ou antibody-dependant enhancement), comme cela avait été décrit précédemment pour la dengue. Une réinfection dengue par un sérotype différent est plus grave que le premier épisode. « Les anticorps sont produits pour protéger d'une réinfection par le même sous-type, explique Félix Rey. Le complexe anticorps-virus est reconnu par les macrophages pour le détruire. En cas de réinfection par un autre sous-type, ces anticorps ne se fixent pas de manière aussi efficace au virus ». Une fois à l'intérieur du macrophage, le virus se détache de l'anticorps, se multiplie en utilisant la machinerie intracellulaire et se diffuse dans tout l'organisme.
Alors que le virus du Zika était considéré jusque-là comme bénin, le Pr Gavin Screaton explique que « ce pourrait être pourquoi l'épidémie actuelle a été si grave et pourquoi cela s'est produit dans des régions où la dengue est prévalente ». Concernant les formes fœtales graves avec microcéphalie, il est possible que le phénomène dépendant des anticorps soit en cause. Comme le co-auteur Juthatip Mongkolsapaya le souligne, « il reste à savoir si ce phénomène d'ADE aide le transfert du Zika à travers le placenta ».
Protéger d'ores et déjà les femmes enceintes
Dans les travaux publiés dans « Nature », les chercheurs ont testé deux anticorps EDE précédemment identifiés pour les 4 sérotypes de dengue. Ces anticorps se révèlent capables de stopper également la prolifération du Zika, voire pour l'un d'eux (EDE1) de façon plus efficace que pour la dengue. « L'étude cristallographique nous a permis de caractériser le site de fixation », explique le scientifique français. À l'aide de rayons X des synchrotrons de Saclay et Grenoble, les chercheurs ont observé que ce site de fixation est le même sur le virus Zika et celui de la dengue.
La prochaine étape est de définir la protéine du vaccin, qui doit présenter les bons sites. « C'est un gros travail de design du vaccin qui nous attend avant les études précliniques chez l'animal », explique Félix Rey. En attendant le vaccin, l'identification de ces anticorps neutralisants contre le virus de la dengue et le virus Zika, rend possible leur utilisation pour protéger les femmes enceintes à risque de contracter le Zika « à la seule condition de trouver les moyens de production », conclut le Pr Rey.
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