LES ITALIENS vont-ils devoir dire adieu au fameux médecin de campagne ? Cela se pourrait bien. Selon l’Association des médecins généralistes du pays, 25 000 médecins de campagne partiront en retraite entre 2015 et 2025 et ne seront pas remplacés. Du coup, quelque 12 millions d’Italiens vont se retrouver progressivement isolés sur le plan médical. Une catastrophe, notamment pour les personnes âgées ou celles qui résident dans des zones montagneuses et dans les campagnes où la couverture sanitaire est déjà réduite au minimum. Il y a quelques jours, la Fédération nationale des médecins chirurgiens et des orthodontistes (FNOMCeO) a tiré la sonnette d’alarme. Elle a réclamé des solutions pour éviter des répercussions en cascade.
En trouver paraît pourtant quasiment inenvisageables en l’état actuel du système de santé italien. Pour remplacer les médecins qui partiront en retraite, il faudrait d’abord que les comptes de la Sécurité sociale ne soient plus dans le rouge ; ce qui est improbable. Et il faudrait surtout, que les universités d’Italie « produisent » plus de diplômés spécialisés en médecine générale qui aient ensuite envie « d’être mal payés et de travailler sans interruption », souligne le Dr Alessandro Sabatini.
Ce médecin de famille, basé dans un quartier romain, connaît bien le problème. Il doit être disponible six jours sur sept, de 8 heures du matin à 8 heures du soir (22 heures le samedi). Quant au salaire, les médecins traitants perçoivent chaque année 40,05 euros par patient, chacun suivant en moyenne 982 patients. Enfin, les frais de roulement du cabinet (secrétariat, matériel, entretien) sont à leur charge. « Dans de telles conditions, les candidats ne se bousculent pas au portillon, qui plus est dans les campagnes », explique Alessandro Sabatini.
Écueils géographiques.
D’autant qu’en zones rurales, les médecins ont moins de patients par la force des choses – ou plutôt de la nature. « Pour réunir 850 patients, un médecin devrait carrément couvrir toute une vallée ! », s’exclame Alessandro Sabatini. Cette technique, certains médecins ont pourtant essayé de la mettre en œuvre. Le Dr Carlo Ponte, par exemple, a raconté son histoire au quotidien romain « La Repubblica ». Jusqu’en 2006, ce médecin avait huit cabinets ; aujourd’hui, il n’en a plus que trois. « Je ne pouvais pas être partout en même temps. Avec les nouvelles normes par ailleurs, j’aurais dû transférer sur ordinateur toute la documentation de mes patients. À moins 15 ° dans les zones reculées, les ordinateurs et les imprimantes se bloquent. J’ai du progressivement jeter l’éponge », confie le Dr Ponte. Quand son premier cabinet, installé dans les locaux de la mairie, a fermé, les 24 habitants d’Elva, un petit village de montagne, ont eu l’impression d’être abandonnés à un bien triste destin. D’autant que là-haut, l’ambulance s’essouffle sur la route plutôt raide. Reste la solution de l’hélicoptère… quand il réussit à atterrir.
La sonnette d’alarme tirée par les associations de médecins a peu de chance d’être entendue. La Santé est déjà largement dans le collimateur du ministre du Trésor qui veut économiser 24 milliards d’euros d’ici à 2012 tous secteurs confondus pour éviter que l’Italie ne soit mangée à la sauce grecque. Dans ce contexte, la question du remplacement des médecins de campagne n’est pas vraiment à l’ordre du jour puisqu’il faudrait revoir les conditions salariales pour susciter de nouvelles vocations.
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