Par le Dr Pauline Arias (infectiologue, CHI Villeneuve-Saint-Georges), d’après la mise à jour 2024 des recommandations de prescription des antibiotiques du groupe de pathologie infectieuses pédiatrique (GPIP)
INTRODUCTION
Les maladies infectieuses sont en perpétuelle évolution, ce qui nécessite une mise à jour régulière des recommandations de prise en charge. Le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) a publié en 2024 une actualisation du guide d’antibiothérapie pédiatrique. Ont été prises en compte : l’évolution de l’épidémiologie des résistances, la meilleure connaissance des effets indésirables et de l’impact écologique des différentes classes d’antibiotiques ainsi que leur disponibilité en médecine de ville.
Dans un article en deux parties, Le Quotidien du Médecin revient sur les grands principes et les principales évolutions apportées par ces recommandations pour la prise en charge des infections courantes de l’enfant.
Un premier volet paru dans Le Quotidien du médecin n° 10 041 était consacré aux infections respiratoires hautes et basses. Cette seconde partie traite des infections urinaires, digestives et cutanées, après un bref rappel des évolutions générales concernant l’arsenal antibiotique pédiatrique dans ces recommandations.
ÉVOLUTIONS GÉNÉRALES
À la suite de l’actualisation de la liste HAS/SPILF des antibiotiques critiques de 2022, le GPIP a défini deux classes d’antibiotiques pour les enfants en ambulatoire :
– la classe 1 concerne les antibiotiques à privilégier : amoxicilline, cotrimoxazole, macrolides à l’exception de l’azithromycine, céphalosporines de 1re génération et doxycycline,
– la classe 2 concerne les antibiotiques à éviter autant que possible, sauf situation clinique impérative : céphalosporines de 2e (céfuroxime – PO) et 3e générations (cefpodoxime – PO –, ceftriaxone – IV/IM), amoxicilline-acide clavulanique, et azithromycine.
• Du fait d’une biodisponibilité médiocre (40 à 50 %) et d’une forte pression de sélection de résistance, les céphalosporines orales de 2e et 3e générations ne doivent être utilisées qu'en l'absence d'alternative dans des situations d’infections sans critères de gravité.
• Grâce à l’évolution des connaissances sur sa toxicité, la doxycycline est maintenant utilisable chez l’enfant de moins de 8 ans dans le cadre d’un traitement de moins de 21 jours à une posologie ne dépassant pas 200 mg/jour (hors AMM). Si l’enfant a moins de 6 ans, il est nécessaire de prescrire la doxycycline sous forme de comprimés diluables (Tolexine).
• Du fait de l’arrêt de commercialisation de la josamycine et de la classification de l’azithromycine en antibiotique de classe 2, la clarithromycine est le seul macrolide recommandé en 1re intention ou alternative selon les indications. L’azithromycine est à réserver aux indications où elle est la seule à avoir fait la preuve de son efficacité ou en l’absence d’autre alternative : infection digestive à Shigella et Campylobacter.
• Le cotrimoxazole est la molécule alternative de 1er choix pour les infections urinaires et cutanées.
• La pristinamycine, ne pouvant être prescrite que chez l’enfant de plus de 6 ans et ne présentant pas d’avantage par rapport aux macrolides, n’est plus positionnée dans cette actualisation, notamment pour les infections cutanées.
INFECTIONS URINAIRES
> Principes fondamentaux
Toute suspicion d’infection urinaire chez un nouveau-né de moins de 3 mois ou chez un enfant atteint d’uropathie ou présentant des signes de gravité (sepsis) nécessite d’adresser le patient aux urgences pour une prise en charge hospitalière sans débuter une antibiothérapie de façon probabiliste préalable en l’absence de documentation bactériologique.
• En cas de prise en charge en ambulatoire, s’assurer de l’absence de vomissements, des capacités d’observance et de la possibilité d’une réévaluation systématique à 48-72 h avec les résultats de l’antibiogramme pour adaptation de l’antibiothérapie en fonction des résultats.
> Germes à couvrir
• Les entérobactéries sont très largement majoritaires, suivies des entérocoques et du Staphylococcus saprophyticus.
> Éléments d’orientation diagnostique
• La réalisation d’une bandelette urinaire (BU) doit être systématique devant toute suspicion d’infection urinaire.
• Le risque de contamination est élevé pour les méthodes de recueil urinaire les moins invasives : jusqu’à 60 % de contamination sur poche urinaire (contamination par les bactéries commensales du périnée), 25 % sur jet et 10 % sur sondage urinaire.
• Une BU négative leucocytes et nitrites élimine une infection urinaire avec plus de 90 % de valeur prédictive négative.
• Une BU avec présence de leucocytes et/ou nitrites seuls est à considérer comme positive et doit conduire à la réalisation d’un ECBU avant toute administration d’antibiotique.
• L’identification des germes et l’antibiogramme ont un impact sur le choix de l’antibiothérapie : en cas de présence de Cocci à Gram positif au direct, il est nécessaire de couvrir les entérocoques ou le Staphylococcus saprophyticus. Le traitement probabiliste doit donc être adapté au plus tôt (voir tableau ci-dessous).
> Principales évolutions des modalités thérapeutiques
• La prévalence du portage d’entérobactéries productrices de BLSE en population pédiatrique s’établit autour de 9,9 % en 2022.
• En cas de pyélonéphrite, le traitement probabiliste de 1re intention est l’amikacine. La ceftriaxone est une alternative possible mais expose l’enfant à une plus forte pression de sélection des résistances au sein de son microbiote.
• Le cotrimoxazole est la molécule de relais oral à privilégier en cas de sensibilité confirmée à l’antibiogramme. Les céphalosporines de 3e génération et les fluoroquinolones sont à éviter au maximum en raison de leur impact écologique fort sur la sélection de résistance. Le céfixime (C3G orale) 8 mg/kg/jour peut être proposé en alternative uniquement pour les infections peu graves.
Les critères cliniques et modalités thérapeutiques sont détaillés dans le tableau ci-dessous :
INFECTIONS DIGESTIVES
> Principes fondamentaux
• Les gastro-entérites aiguës (GEA) de l’enfant sont principalement (> 90 %) d’origine virale (rotavirus et norovirus principalement), spontanément résolutives et ne nécessitent pas d’investigations étiologiques ni de traitement antibiotique.
• Dans tous les cas, il est nécessaire d’informer l’entourage des mesures d’hygiène indispensables pour éviter les transmissions/réinfection intra-familiale.
> Modalités diagnostiques
• L’examen des selles par coproculture est indiqué en cas de :
- sepsis,
- nourrisson de moins de 3 mois,
- syndrome dysentérique (sang et glaires dans les selles),
- retour de voyage, ou entourage d’un patient atteint de shigellose confirmée même si pas de diarrhée chez les contacts,
- suspicion de toxi-infection alimentaire collective (Tiac),
- enfant immunodéprimé (pathologie tumorale, déficit immunitaire médicamenteux ou congénital), drépanocytaire ou atteint de Mici,
- symptômes prolongés.
• Les résultats des PCR multiplex n’affirment pas le diagnostic d’une infection digestive bactérienne ou parasitaire en raison du portage fréquent chez les sujets sains. Il est donc nécessaire de se baser sur la clinique pour juger de l’indication ou non d’un traitement selon le germe identifié et d’attendre les résultats de confirmation de la coproculture en cas de PCR positive.
• En cas de signes de sepsis, l’enfant doit être adressé en milieu hospitalier pour réalisation d’hémocultures (formes bactériémiantes de S. typhi et paratyphi, Shigella, Yersinia et Campylobacter jejuni).
> Indications microbiologiques justifiant une antibiothérapie
• Seules les infections bactériennes à Shigella (quelle que soit l’espèce), Campylobacter jejuni, Yersinia sp, Salmonella typhi et Salmonella paratyphi A, B ou C justifient d’un traitement antibiotique systématique. (Le rendu d’une salmonelle sp/spp sur une PCR multiplex ne permet pas de connaître l’espèce de salmonelle en cause et donc de décider ou non d’un traitement).
• Les salmonelles mineures ne seront traitées par antibiotiques que chez les patients à risque de forme sévère.
• Si les symptômes ont régressé lors de la réception des résultats à C. jejuni, il n’est pas nécessaire de traiter.
• Toute fièvre typhoïde Salmonella typhi et Salmonella paratyphi A, B ou C doit être adressée en milieu hospitalier.
• En cas d’infection à E. coli toxinogène entéro-hémorragique, il existe un risque de syndrome hémolytique et urémique (SHU) pouvant être aggravé en cas de prescription d’antibiotiques entraînant un relargage massif de toxines.
• Concernant les diarrhées parasitaires, seules Entamoeba histolytica et Giardia justifient un traitement antiparasitaire. Entamoeba dispar est non pathogène et ne nécessite pas de traitement.
• La détection de toxine de C. difficile ne doit pas être prise en compte chez l’enfant de moins de 2-3 ans en raison de l’absence de récepteurs toxiniques sur les cellules épithéliales avant cet âge, sauf en cas d’occlusion intestinale. Après cet âge, l’interprétation des résultats se fait en fonction de la clinique et de la notion d’exposition récente à un traitement antibiotique.
> Principales évolutions des modalités thérapeutiques
• L’évolution des résistances permet de maintenir la recommandation de l’azithromycine pour les infections à Shigella et Campylobacter, et de la ceftriaxone pour les infections à salmonelle.
Les critères cliniques et modalités thérapeutiques sont détaillés dans le tableau ci-dessous :
INFECTIONS CUTANÉES
> Principes fondamentaux
• Ces infections ne nécessitent pas toujours une antibiothérapie par voie générale, notamment pour les formes superficielles type folliculite. Le lavage au savon permet une élimination très efficace des bactéries impliquées et doit donc systématiquement être prescrit.
• En cas d’impétigo, infection de l’épiderme croûteuse ou bulleuse sans atteinte du derme profond (absence d’induration, érythème ne dépassant pas 2 à 3 cm), l’antibiothérapie locale est à privilégier. L’antibiothérapie systémique est à réserver aux cas avec plus de cinq sites lésionnels évolutifs et chez l’enfant immunodéprimé.
• En cas de lésion collectée (furoncle ou abcès bien limité de moins de 5 cm non localisé à la face), les pansements humides et l’incision drainage si nécessaire constituent le traitement, sans indication à ajouter une antibiothérapie complémentaire.
• En cas de signes toxiniques, il est recommandé de prendre l’avis d’un infectiologue pédiatrique avant la mise sous antibiotiques en l’absence de signes de gravité.
• Tout signe de gravité (sepsis), l’âge < 1 an, l’extension importante et rapide des lésions ou des antécédents d’immunodépression doivent conduire à une hospitalisation.
> Germes à couvrir
• Staphylocoque doré et Streptococcus pyogenes du groupe A. En cas d’atteinte de la région périnéale, tenir compte des entérobactéries et de la flore aérobie type Bacteroides.
> Éléments d’orientation diagnostique
• Ne pas faire d’écouvillons superficiels pour documentation. En effet, ces prélèvements n’ont pas de valeur diagnostique en termes d’imputabilité dans l’infection cutanée évolutive en raison de la contamination systématique par l’ensemble de la flore cutanée.
• En cas de panaris péri-unguéal sans atteinte de l’ongle, un TDR streptocoque peut être réalisé sur le pus pour décider de l’indication à une antibiothérapie : amoxicilline comme pour l’angine si TDR positif, pas d’antibiothérapie et soins locaux seuls si TDR négatif.
> Principales évolutions des modalités thérapeutiques
• La prévalence actuelle en France du staphylocoque doré résistant à la méticilline (Sarm) reste faible, inférieure à 10 % en 2022, il n’y a donc pas lieu de le couvrir en première intention en France. L’antibiothérapie de première intention recommandée reste inchangée par rapport aux recommandations HAS de 2019, soit : amoxicilline-acide clavulanique.
• Le taux de corésistance du Sarm en 2022 est de 24 % pour la clindamycine et de 13 % pour le cotrimoxazole. En cas de portage documenté de Sarm, ces alternatives peuvent être proposées.
• La seule céphalosporine orale utilisable en alternative en cas d’allergie à l’amoxicilline est la céfalexine (C1G). En effet, l’efficacité des C3G, notamment orales, est inférieure sur les staphylocoques.
Les critères cliniques et modalités thérapeutiques sont détaillés dans le tableau ci-dessous :
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Référence :
Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP). Guide de prescription des antibiotiques 2024. Journal de pédiatrie et de puériculture, volume 37, issue 3, juin 2024
En résumé
■ Pour les infections urinaires : la BU doit être systématique et confirmée par un ECBU en cas de positivité avant toute administration d’antibiotiques. En cas d’infection urinaire fébrile sans critères de gravité prise en charge en ambulatoire, le traitement probabiliste de 1re intention est l’amikacine. Le Bactrim est la molécule de relais oral de choix si elle est rendue sensible sur l’antibiogramme.
■ Pour les infections digestives : les diarrhées de l'enfant sont majoritairement d’origine virale et ne nécessitent pas d’antibiotiques. Les résultats des PCR multiplex réalisées sur les selles n'affirment pas le diagnostic d’infection digestive bactérienne ou parasitaire en raison du portage fréquent chez les sujets sains.
■ Pour les infections cutanées : les écouvillons superficiels n’ont aucune valeur diagnostique et ne doivent pas être réalisés. Le lavage à l’eau et au savon est le plus souvent suffisant +/- incision/drainage en cas de furoncle ou d’abcès sans critères de gravité. La présence de signes toxiniques est une indication à prendre un avis infectiologique pédiatrique ou à adresser l’enfant à l’hôpital. En cas d’indication à une antibiothérapie, l’amoxicilline acide clavulanique est le 1er choix.
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