LA SÉRIE du « Lancet » consacrée à la santé des adolescents ne saurait faire mentir l’écrivain d’« Aden Arabie » Paul Nizan : 20 ans n’est définitivement pas le plus bel âge de la vie. Les 1,8 milliard d’adolescents (10-24 ans) d’aujourd’hui connaissent des risques accrus par rapport aux précédentes générations. Des risques qui s’échelonnent dans une temporalité plus longue aussi. Alors que la puberté s’invite précocement chez les jeunes, l’allongement des études dans les pays développés, ou le coût de la cérémonie et de l’habitat dans les pays en voie de développement, retardent l’âge du mariage. En outre, les changements hormonaux, qu’on tenait jadis pour responsables des attitudes rebelles des adolescents ne sont plus les seuls étudiés. L’impact de la maturation du cerveau, qui court selon les chercheurs contemporains jusqu’à l’âge de 24 ans, ne serait pas pour rien dans les réactions épidermiques des jeunes.
Un monde à la dérive.
L’adolescence n’est pas une sinécure et les comportements à risque semblent en être le lot. Mais les chercheurs tirent la sonnette d’alarme. De nouveaux paramètres s’invitent dans la santé des 10-24 ans. Selon le Pr Susan Sawyer et col., les médias, qui diffusent des attitudes et produits à un public toujours plus large, l’industrialisation, la mondialisation et l’urbanisation ont bouleversé les influences traditionnelles de la famille ou de la communauté, brisant le processus d’ascension sociale. Les stratégies de marketing des industries du tabac, de l’alcool, ou d’une alimentation riche en sucre, sel, ou graisse, ciblent les jeunes, voire les fillettes. L’expansion des réseaux sociaux comme facebook et twitter apporte avec elle de nouvelles formes de harcèlement sexuel comme le « sexting » (envoi de message sexuel ou pornographique par téléphone).
Parallèlement, les chiffres de la santé des adolescents rapportés dans l’étude du Pr Susan Sawyer, dépeignent un monde à la dérive. Les principaux facteurs de la réduction de l’espérance de vie chez les 10-24 ans sont la consommation d’alcool (7 %), les relations sexuelles non protégées (4 %), des carences en fer (3 %), l’absence de contraception (2 %) et la consommation de drogues illicites ( 2 %). Quant à la mortalité adolescente, elle trouve son origine dans les blessures (qui représentent 40 % des décès), involontaires, comme les accidents de la route, ou volontaires, comme les suicides. Viennent ensuite les pathologies de la grossesse, les maladies transmissibles (VIH/SIDA, tuberculose, méningite), nutritionnelles, et non transmissibles. Les troubles mentaux sont un autre des fléaux de l’adolescence. Ils représentent 45 % des affections des 10-24 ans, loin devant les blessures involontaires (12 % des maladies), et les maladies infectieuses (10 %), qui ne cessent de diminuer.
Angle mort.
La santé des adolescents reste marginalisée et hors des sentiers des politiques publiques, qui se préoccupent davantage, et avec succès, de la santé de la mère et de l’enfant. « Alors que la mortalité des moins de 5 ans a décliné de 80 % ou plus dans plusieurs pays ces 50 dernières années, la mortalité des jeunes n’a que marginalement régressé. Par exemple au Brésil, les adolescents sont plus nombreux à mourir de la violence que les moins de 5 ans de maladies infectieuses », écrit le Pr Susan Sawyer. Même en matière de santé sexuelle, les adolescents passent à travers les mailles des dispositifs sanitaires. Chaque année, plus d’un million de nouvelles infections par le VIH frappe les 15 25 ans, soit 41 % des nouvelles infections.
Les conséquences de ce trou noir que représente la santé à l’adolescence dans le parcours d’une vie sont catastrophiques. Les problèmes cardiaques, cancers, diabètes, obésités ou maladies de l’appareil respiratoire prennent en effet leur origine dans la consommation de tabac, de drogue et d’alcool des adolescents ou encore dans leur hygiène alimentaire et leur activité physique.
Pas de fatalité.
Pourtant, il n’y aucune fatalité, argumentent les auteurs du « Lancet », qui déplorent l’absence de la santé des adolescents dans le champ des politiques publiques. « Quelles que soient les régions, la plupart des décès des adolescents peuvent être prévenus, ce qui plaide fortement en faveur du renforcement de mesures pour leur santé », écrit Susan Sawyer, en revendiquant la mise en place d’un agenda sur la santé adolescente. Concrètement, l’amélioration de l’accès à l’éducation et au marché du travail pour les jeunes, ainsi que la réduction des risques routiers seraient des changements structurels favorables à la santé des 10-24 ans estiment dans une deuxième étude le Pr Russell Viner et col. Les pays où les adolescents sont fortement scolarisés affichent un faible taux de décès suite à des blessures chez les garçons, et tout aussi faible taux de décès par maladie non transmissible chez les femmes. La démonstration vaut aussi pour le VIH, moins prégnant dans les pays à intense tissu éducatif. Un environnement social présent, comme en Grande-Bretagne, Liban ou Brésil, et l’entourage familial, jouent également le rôle de garde-fou à l’encontre de comportements à risque.
D’autres mesures, déjà expérimentées aux États-Unis, Europe, Afrique, et Australie, ont fait leur preuve : accessibilité facile à la contraception, augmentation des taxes sur l’alcool, sanctions sur la route, visites d’infirmières auprès des mères-enfants. Mais sans la conviction de la part des parents, des communautés médicales et scientifiques et des gouvernements de l’efficacité de la prévention et non pas seulement du traitement, aucune politique ne pourra se développer à grande échelle et répondre à des besoins locaux.
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