4 500 euros par généraliste: « Nous essuyons un peu les plâtres avec la nouvelle ROSP », reconnaît le patron de la CNAM

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Publié le 25/04/2018
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

LE QUOTIDIEN : Comment jugez-vous le cru de cette nouvelle ROSP ?

NICOLAS REVEL : Nous sommes dans une année de transition, forcément atypique, qui inaugure un dispositif profondément renouvelé. Cette refonte était nécessaire car de nombreux indicateurs avaient épuisé leurs effets et parce que c’est le principe même de la rémunération sur objectifs de santé publique que d’évoluer ! En 2016, je rappelle qu’il y a eu un consensus partagé par les partenaires conventionnels et le collège de la médecine générale sur le principe et le contenu de cette révision.

Cette année, nous essuyons un peu les plâtres même si nous avions prévu ce risque de trou d’air dans les résultats et la rémunération. C’est la raison pour laquelle nous avons intégré une clause de sauvegarde qui vise à maintenir la rémunération collective versée au titre de la ROSP et protéger les médecins des effets de ce renouvellement d’indicateurs.

La baisse que nous constatons est d’abord liée à l’abandon d’indicateurs anciens et matures, notamment sur l’efficience des prescriptions, au relèvement des objectifs pour les indicateurs que nous avons conservés et enfin à la valorisation plus forte de la prévention dont les indicateurs sont exigeants.

Précisément, sur la prévention, les résultats ne marquent-ils pas un semi-échec ?

Ce bloc « prévention », malheureusement, a toujours été en deçà des espérances même si, cette année, nous observons une amélioration nette sur le dépistage du cancer colorectal, avec un rebond de +6,2 points. C’est un vrai progrès, même s’il nous reste encore du chemin à faire pour assurer un dépistage suffisamment large.

Pour le cancer de col de l’utérus, les résultats sont stables. Sur le cancer du sein, le plus fréquent chez la femme, c’est une nouvelle fois décevant et cela renvoie à la nécessité d’une meilleure organisation du dépistage. Il y a une pédagogie à renforcer qui va au-delà de l’intervention des généralistes même si ceux-ci doivent continuer de jouer un rôle clé.

Quant à la vaccination antigrippale, on a une progression en valeur absolue du nombre de personnes vaccinées puisque les populations incluses dans les publics prioritaires augmentent. Les pouvoirs publics restent mobilisés. Sur l’antibiothérapie enfin, la ROSP a de vrais effets positifs !

En dépit de ces résultats en demi-teinte, nous assumons d’avoir choisi de valoriser fortement ce bloc prévention qui est une des clés pour évoluer vers une meilleure santé et une meilleure médecine. Et je suis convaincu que le médecin traitant doit occuper une place déterminante dans cette stratégie.

Sur le suivi des pathologies chroniques (diabète, HTA, risque cardio-vasculaire) les résultats sont contrastés…

Quatre indicateurs sont en recul et deux en progression. C’est particulièrement difficile sur le risque cardio-vasculaire, nouvel indicateur. Mais avec une seule année, nous manquons encore de recul. En revanche, le taux de patients diabétiques ayant bénéficié d’un dépistage de maladie rénale chronique augmente nettement, soit près de 100 000 patients mieux pris en charge.

Sur l’efficience des prescriptions, quelle est votre analyse des résultats ?

En 2016, les objectifs de prescription avaient été atteints, voire dépassés, pour plusieurs classes (taux de prescription dans le répertoire génériqué pour les IPP, statines, antihypertenseurs, antidépresseurs). On a donc revisité tout ce volet efficience, d’où des résultats désormais plus loin des objectifs. Mais, là aussi, nous n’en sommes qu’à la première année. Les marges de progrès sont encore devant nous.

Nous continuons à réfléchir sur de nouvelles pistes pour élargir ces indicateurs. Pourquoi pas sur le sujet de la pertinence des actes d’imagerie : nous venons en effet de conclure avec la Fédération des radiologues un protocole fondé sur la pertinence et qui commencera par une action sur la lombalgie dont le succès devra évidemment impliquer les prescripteurs.

Devant ce bilan mitigé de la nouvelle Rosp, les indicateurs sont-ils bien calibrés ?

Je ne crois pas qu’il y ait une inadéquation de nos indicateurs de manière générale. Encore une fois, le trou d’air dans les résultats s’explique par le relèvement des seuils et le rééquilibrage assumé entre les différents blocs de la Rosp : on a basculé beaucoup de points sur la prévention, d’expérience plus difficile.

4 522 euros par généraliste, après clause de sauvegarde

4 522 euros : la rémunération moyenne versée depuis hier aux 52 939 médecins généralistes et médecins à expertise particulière (MEP) libéraux, après application de la clause de sauvegarde (soit une enveloppe de 240 millions d'euros) 

1 726 euros : la rémunération moyenne versée aux 4 223 cardiologues (pour 7 millions d'euros) 

1 486 euros : la rémunération moyenne versée aux 1 939 gastroentérologues (soit 2,9 millions d'euros)

7 487 euros : la prime moyenne touchée par les 367 centres de santé (2,7 millions d'euros)

Ne craignez-vous pas que les généralistes soient déroutés par les montants qu’ils perçoivent aujourd’hui au titre de la Rosp, en moyenne 4 500 euros contre 7 000 euros l’an passé ?

Dans cette phase de transition, il peut certainement y avoir un risque d’incompréhension. Je rappelle que le montant moyen versé au titre de la ROSP 2017 ne repose pas sur le même périmètre que les années passées puisque tout le volet sur l’ « organisation du cabinet » a été sorti : il est désormais rémunéré à travers le forfait structure, versé en juin 2018, et le forfait patientèle, payé en plusieurs fois. Il peut donc y avoir de la confusion. Par exemple, j’ai reçu des retours de médecins qui pensaient que l’acompte de 25 % reçu à la mi-avril sur le forfait patientèle, correspondait à leur ROSP…  

Ensuite, par définition, les résultats de chaque médecin évoluent d’une année à l’autre, en fonction de leur pratique clinique. Nous ne sommes pas dans une logique de sanctuarisation des primes individuelles ! L’application de la clause de sauvegarde garantit la stabilité de la rémunération totale pour 2017 mais la performance individuelle de chaque médecin par rapport à la moyenne des confrères varie forcément et cela aboutira à des résultats parfois décevants pour certains.

Au-delà de cette première année de transition, il importe que le dispositif retrouve une dynamique de progression des résultats, et donc des rémunérations. Nous regarderons s’il y a lieu de rééquilibrer certains indicateurs pour lesquels les niveaux d’exigence auraient été calés trop haut par rapport à l’ancien dispositif.

Les remplaçants sont toujours exclus de cette rémunération…

La ROSP est construite sur une logique de suivi de patientèle. Il est impossible de calculer un montant pour un remplaçant qui intervient ponctuellement, un mois ou deux. C’est au médecin et au remplaçant de s’accorder entre eux sur un éventuel partage de cet élément de rémunération.

Propos recueillis par Cyrille Dupuis

Source : Le Quotidien du médecin: 9660