Jean Sarkozy est-il compétent pour présider l’EPAD ?

Au nom du père...

Publié le 14/10/2009
Article réservé aux abonnés
1276109752F_600x_94185_IMG_20608_1255591477451.jpg

1276109752F_600x_94185_IMG_20608_1255591477451.jpg
Crédit photo : AFP

UNE POLÉMIQUE par jour. On ne volera pas au secours de la famille Sarkozy en niant qu’il y règne un népotisme qui ne se cache guère et prend, en l’occurrence, l’allure d’une provocation. On plaint aussi ces membres de l’UMP chargés de faire le sale travail et, une fois de plus, de défendre l’indéfendable. On se demande pourquoi le président n’a pas déconseillé à son fils de se porter candidat et pourquoi il l’approuve, en déclenchant ainsi une nouvelle et vive querelle, lui qui en a déjà provoqué beaucoup. On est inquiet de voir que l’action politique française, dans un contexte de crise et d’insécurité nationale et internationale, se borne à des guerres picrocholines qui détournent l’attention de l’opinion des dossiers plus sérieux. On a beau dire à l’opposition que son combat politique ne doit pas se limiter à l’antisarkozysme, il n’y a que l’antisarkozysme qui l’anime. Attention, M. le président, vous commencez à nous lasser : une provocation fait sourire, deux sont au moins une de trop, plusieurs ne constituent guère un programme de gouvernement. La France n’est pas une monarchie et ne se transmet pas de père en fils.

Une vulgarité partagée.

Mais, s’il y a beaucoup de vulgarité à afficher ainsi des ambitions doublées d’arrogance, il n’y en a pas moins à hurler avec les loups, à faire d’Internet l’égout où se déversent toutes les calomnies, à clouer au pilori ce jeune homme de 23 ans, même s’il se croit tout permis, mais qui, somme toute, ressemble à son père en ce qu’il fait de la politique avec passion, ou plutôt avec frénésie. Il a sa logique : Patrick Devedjian, numéro un des Hauts-de-Seine, est atteint par la limite d’âge et ne peut donc pas présenter sa candidature. Jean Sarkozy est le numéro deux, donc il est candidat au poste de président de l’EPAD. N’est-ce pas un trop gros morceau à avaler pour un jeune homme qui a du mal à finir ses études de droit, tant il est absorbé par son itinéraire fulgurant ? Bien sûr. De là à en faire la mère de tous les scandales, c’est d’autant plus excessif que, après tout, on l’a laissé arriver jusque là. S’il faut l’évaluer, on ne saurait contester que, avec ou sans l’appui de son père, il a su se tirer sans dommages d’une élection très compliquée à Neuilly et que, si la maturité lui manque, il exerce sur les foules un certain charisme, fût-il le produit d’un transfert de sentiments d’un père omnipotent à un fils qui, en plus, pourrait faire aussi bien que le président et dispose d’une belle prestance et d’une précieuse jeunesse.

On n’ira certes pas jusqu’à dire, comme un député UMP que le ridicule ne tue pas, que Jean ayant les gènes, donc le génie, de son père, il est normal qu’il fasse une carrière identique (ou même meilleure, n’est-ce pas ?) à la sienne. Mais il y a du vrai dans l’idée que ce n’est pas parce que Jean s’appelle Sarkozy qu’il n’aurait pas le droit de faire lui aussi une carrière politique ; et du vrai encore dans la dénonciation d’une de ces campagnes aussi vastes qu’automatiques, soutenues par l’énorme caisse de résonance qu’est Internet, qui cumulent mensonges, amalgames, calomnies, insultes, tous produits d’une haine populaire spécifique, celle des gens humiliés par une vie terne et qui ne trouvent de plaisir ou d’espoir qu’en rabaissant à leur niveau les hommes ou les femmes dont on dit qu’ils « réussissent socialement ».

Quel mot pour le crime ?

Coup sur coup, les affaires Polanski, Mitterrand et Jean Sarkozy ont fait remonter à la surface du marais la vase des mauvais sentiments : jalousie, envie, détestation, cruauté, jugements impitoyables, condamnations définitives, refus de peser le pour et le contre, incapacité totale à l’objectivité : un marais ? Un océan de médiocrité, amplifié par les médias qui se livrent eux aussi à des matches de démagogie : répondez par oui ou par non, exprimez votre jugement et surtout n’essayez pas d’échapper au manichéisme. Le pire, pour la démocratie, c’est la disparition de la nuance, le rejet de l’argumentation, la sainte horreur de la modération. Quand l’opposition dit népotisme, monarchie, OPA sur la France, quels mots trouvera-t-elle pour le crime de sang ? Ce crescendo sémantique qui franchit allègrement les échelons de la stridence, du fracas, du tonnerre, ne qualifie plus ce que l’on réprouve que par un nombre de décibels comparable à celui d’un marteau-piqueur. Comme si 63 millions de Français avaient laissé à leur président le monopole du népotisme, l’une des dérogations au droit les plus répandues en France. Comme si personne, mais vraiment personne, à part Sarkozy, n’avait jamais donné un coup de piston à ses amis ou à sa famille. Bien entendu, un président doit être exemplaire. Mais citez-moi un seul de ses prédécesseurs, même de Gaulle, qui n’ait jamais rendu un service à l’un de ses proches. Le népotisme, c’est nul, injuste, antisocial. Mais c’est aussi le travers le mieux partagé par les Français.

› RICHARD LISCIA

LE PIRE, POUR LA DÉMOCRATIE, C’EST LA DISPARITION DE LA NUANCE

Nicolas et Jean : la France, de père en fils

Le Quotidien du Mdecin

Source : lequotidiendumedecin.fr