Dépôt de plaintes à l'hôpital, prise en charge des victimes... des chantiers en cours un an après le Grenelle des violences conjugales

Par
Publié le 03/09/2020
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : AFP

Le 3 septembre 2019 s'ouvrait le Grenelle des violences conjugales, qui a donné lieu à une quarantaine de mesures, rendues publiques le 25 novembre 2019. De la parole aux actes, où en est-on ?

C'est ce dont Élisabeth Moreno, nouvelle ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, doit s'enquerrir ce jeudi 3 septembre 2020, en rencontrant les binômes à la tête des 11 groupes de travail* mis en place dans le cadre du Grenelle. Elle doit également s'entretenir avec sa prédécesseure Marlène Schiappa, ainsi qu'avec les personnalités qualifiées et se rendre auprès de l'association SOS FEMMES 77, à Meaux, après un déplacement à la Maison des Femmes ce 2 septembre, en compagnie du Premier ministre Jean Castex.

Alors que certaines associations regrettent dans le Grenelle une « occasion manquée », le cabinet de la ministre fait valoir que sur les 46 mesures dévoilées le 25 novembre dernier, 17 sont entrées en vigueur (37 %) - dont la dérogation au secret médical pour un médecin qui estime « en conscience » que les violences mettent la vie de la victime « en danger immédiat » et qu’il y a situation d’emprise. Quelque 23 autres mesures (50 %) sont en cours de réalisation et 6 (13 %) sont encore en construction.

30 conventions entre hôpitaux et police

Au-delà de ces 46 propositions, Édouard Philippe, alors Premier ministre, avait annoncé il y a un an une dizaine de mesures d'urgence, dont six ont été réalisées. Parmi les actions en cours figure la généralisation du dépôt de plainte dans les hôpitaux. Selon les services d'Élisabeth Moreno, 30 conventions ont été passées entre un hôpital et la police ou la gendarmerie. Pas suffisant pour considérer cette mesure pleinement réalisée, estime le cabinet.

Autre dispositif également en cours de déploiement : le bracelet anti-rapprochement destiné à géolocaliser et maintenir à distance les conjoints et ex-violents, objet d'une loi adoptée fin 2019. La Commission nationale de l'informatique et des libertés vient de donner un avis positif mi-juillet. Le Conseil d'État devrait rendre son avis en septembre. Puis les 1 000 premiers bracelets devraient être déployés dans cinq juridictions (Bobigny, Angoulême, Nanterre, Douai, Aix-en-Provence) avant d'arriver sur tout le territoire en 2021, selon les services en charge du dossier.

L'extension des horaires du 3919, la ligne téléphonique dédiée aux victimes de violences, et son accessibilité aux personnes handicapées, devraient n'être effectives qu'à l'été 2021, en raison de délais liés à la procédure d'appels d’offres.

Polémique autour de l'hébergement

Le Premier ministre Jean Castex a assuré que les 1 000 places d'hébergement promises pour 2020 avaient bien été créées (dont un tiers dans des structures d'urgence), portant à 6 500 fin 2020 le nombre de places destinées aux femmes et enfants. Sont-elles occupées ? Le cabinet attend des réponses de la part des acteurs locaux d'ici le 25 novembre, alors que les associations s'interrogent dès aujourd'hui sur la réalité de ce millier de places.

Le Premier ministre a aussi annoncé que 1 000 autres seront financées en 2021. « Je vais tout mettre en œuvre pour que les 1 000 autres le soient et que l'on s'assure que la cartographie de ces nouveaux hébergements soit équitable, que l'on soit dans les zones rurales, urbaines ou en Outre-mers », a assuré Élisabeth Moreno.

30 centres pour les auteurs prévus entre 2020 et 2021

Le gouvernement s'est engagé à identifier 15 centres de prise en charge globale des auteurs de violences conjugales d'ici à la fin de l'année, puis 15 autres en 2021. Les candidatures à l'appel à projet lancé en juillet seront étudiées en septembre, sur la base d'un cahier des charges qui s'inspire du centre pionnier Le Home des Rosati d’Arras.

Quant à la prise en charge des victimes, le cahier des charges d'unités dédiées, proposant un suivi médical et psychosocial, est en cours de finalisation. « Nous voulons systématiser le modèle et mobiliser des crédits, notamment auprès du ministère de la Santé », indique le cabinet d'Élisabeth Moreno.

Celui-ci devrait à ce sujet voir son budget passer de 30 millions en 2020 à 41,5 millions en 2021. « Une augmentation historique » souligne-t-il, alors que deux sénateurs viennent de rendre un rapport d'information dénonçant un affichage trompeur des financements consacrés à la lutte contre les violences faites aux femmes.

En 2019, 146 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, soit 25 de plus qu'en 2018, selon les derniers chiffres officiels. Chaque année, plus de 210 000 femmes majeures sont victimes de violences conjugales.

* Violences intrafamiliales, éducation, accueil dans les commissariats et gendarmeries, outre-mer, santé, monde du travail, hébergement justice, violences psychologiques et emprise, violences économiques.


Source : lequotidiendumedecin.fr