Professionnels de santé et associations de patients s'indignent d'une même voix de la décision de la décision de la Haute Autorité de santé de dérembourser les allergènes préparés spécialement pour un seul individu (APSI) injectables, et de limiter à 15 % (au lieu de 65 %) le remboursement des APSI par voie sublinguale.
Dans une décision datée du 21 février 2018 mise en ligne le 27 mars, en réponse à une saisine de la direction de la sécurité sociale, le collège de la Haute autorité de santé (HAS) avance que « les données disponibles montrent une efficacité des APSI faible et mal démontrée » ; que la voie sous cutanée peut entraîner des effets indésirables graves plus fréquemment que la voie sublinguale ; que les APSI devraient être prescrits en deuxième (ou troisième) intention après les traitements symptomatiques médicamenteux. « Malgré l’importance de la population concernée, les APSI ne sont pas susceptibles d’avoir un intérêt pour la santé publique », tranche la HAS. Le collège dit souhaiter les réévaluer d'ici à 5 ans maximum, au vu de nouvelles études des industriels, censées démontrer les bénéfices des APSI.
« Une perte de chance pour de nombreux patients »
« Incompréhension la plus totale », « sentiment de ne pas avoir été écoutés », déplorent les professionnels de santé (Association des Jeunes Allergologues de France, association de formation continue en allergologie, Fédération française d'allergologie, Société française d'allergologie, Syndicat français des allergologues) et les associations de patients (Association française pour la prévention des allergies et association Asthme & Allergies), qui se battent depuis deux ans contre ce projet. « Les APSI sont seuls à pouvoir modifier l'histoire de la maladie, à pouvoir enrayer la marche de la forme modérée à sévère, et à avoir un effet rémanent qui permet aux patients, après trois ans, de s'en passer », expliquait la Pr Jocelyne Just, pneumo-pédiatre et présidente de la SFA en avril 2017.
Le déremboursement des APSI injectables et la limitation à 15 % des formes sublinguale entraînent « une perte de chance pour de nombreux patients, créent une inégalité d’accès aux soins et constituent un frein diagnostique et thérapeutique profondément alarmant », écrivent les allergologues et les patients.
Selon eux, 40 % des patients suivis n’auront plus accès à leur traitement, dont les enfants qui encourent un risque plus important de développer de l'asthme. Seule la désensibilisation permet de traiter la cause de l'allergie, argumentent-ils. Elle est peu coûteuse et permet de faire des économies sur l'aval, notamment de réduire le coût des hospitalisations en urgence. Et de rappeler le coût des allergies respiratoires : première cause de perte de productivité en France, 4e affection chronique au monde, selon l'organisation mondiale de la santé.
Interpellation de la ministre de la Santé
« La HAS ne reconnaît pas le fardeau que représente la maladie chez les patients qui souffrent des formes les plus sévères d’allergie. Nous souhaitons interpeller la ministre de la Santé sur les conséquences de cette recommandation de la HAS en termes de santé publique, de qualité de soin et de traitement de nos patients », lit-on.
C'est en effet à Agnès Buzyn que revient la responsabilité d'entériner ou non les déremboursements.
Les signataires concluent sur leurs craintes quant aux conséquences de cette décision sur l'allergologie elle-même, qui vient d'être reconnue comme spécialité. « Quel interne va choisir l'allergologie pour exercer en libéral si les traitements qui font la spécificité de notre métier ne sont plus suffisamment remboursés ? », s'inquiétait début janvier le Dr Isabelle Bossé, présidente du SYFAL.
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