À partir du 16 mars, il n'y aura plus aucune référence à l'orientation sexuelle dans le questionnaire préalable à un don du sang, annonce ce 11 janvier le ministère de la Santé, en amont de la publication imminente d'un arrêté au « Journal officiel ». Concrètement, les homosexuels n'auront plus à observer une abstinence de quatre mois avant de proposer un don du sang ; seules des pratiques à risque, indifféremment du sexe et des préférences sexuelles, seront recherchées pour éviter tout risque sanitaire. « Il n'est plus question de stigmatiser un groupe ou une orientation sexuelle : nous recherchons seulement des pratiques individuelles à risque », résume le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé (DGS).
La fin de cette discrimination s'inscrit dans une longue évolution des critères du don du sang depuis 1983 et l'exclusion permanente des hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH) en pleine épidémie de sida. Dès 2013, le Dr Olivier Véran préconisait dans un rapport sur la filière sang la fin de cette exclusion, mais il a fallu attendre juillet 2016 pour instaurer un ajournement de 12 mois après le dernier rapport sexuel pour les HSH, réduit à 4 mois en avril 2020, les études n'ayant pas montré de surrisque transfusionnel. Désormais, la mention de l'orientation sexuelle disparaît. L'arrêté à venir est ainsi la déclinaison de la loi de bioéthique du 2 août 2021 qui stipule que : « Les critères de sélection des donneurs de sang (...) ne peuvent être fondés sur aucune différence de traitement, notamment en ce qui concerne le sexe des partenaires avec lesquels les donneurs auraient entretenu des relations sexuelles, non justifiée par la nécessité de protéger le donneur ou le receveur. »
4 mois d'ajournement après un recours à la PrEP ou PEP
Comment traquer les comportements à risques ? L'arrêté précise de nouveaux critères de sélection. La prise d'une prophylaxie pré-exposition (PrEP) ou post-exposition (PEP) conduira à une contre-indication au don d'une durée de 4 mois suivant la prise de ce traitement. Le questionnaire prédon intégrera donc des questions spécifiques sur le recours à ces traitements. « Ils traduisent une prise de risques individuelle, et peuvent perturber - en raison des molécules antivirales - les résultats du diagnostic génomique viral (risque de faux négatifs) auquel sont soumis tous les dons », commente la DGS.
Toujours pour cibler des comportements individuels à risque, les questions actuelles sur des relations sexuelles sous drogue, en échange d'argent ou avec de multiples partenaires seront maintenues dans le nouveau questionnaire.
Enfin, la liste des médicaments qui représentent des risques pour le don est actualisée (en fonction des connaissances scientifiques).
Un risque résiduel lié au VIH très faible
Ces critères ont été travaillés avec le comité de suivi (qui réunit depuis 2016 les associations de donneurs et de receveurs de produits sanguins et les représentants LGBT, aux côtés des autorités sanitaires), et s'inspirent notamment d'un avis du Haut Conseil de la Santé publique et de deux enquêtes du département de psychologie de l’Université Rennes 2, auprès des donneurs et des personnels de collecte.
Ces évolutions prennent notamment en compte la diminution du risque résiduel, c'est-à-dire le risque qu’un don soit potentiellement infecté par le VIH alors que les marqueurs biologiques de l’infection ne sont pas encore présents. Ce risque a été divisé par 40 pour le VIH ces trois dernières décennies, passant de 1 pour 310 000 dons en 1990 à 1 pour 11 600 000 dons en 2018-2020, soit 1 don potentiellement infecté par le VIH tous les 4 ans. Selon le HCSP, plusieurs facteurs entrent en jeu : l'amélioration de la sélection des donneurs de sang, la diminution de la fenêtre silencieuse qui est passée de 45 jours en 1990 à 9 jours aujourd’hui, et le contexte épidémiologique favorable du VIH en population générale (diminution de moitié de l’incidence du VIH en 30 ans, et une proportion de personnes connaissant leur séropositivité supérieure à 85 %).
Néanmoins, la modification du questionnaire pourrait, selon le HCSP, multiplier au maximum par un facteur 1,5 le risque résiduel estimé de sélectionner un donneur infecté par le VIH. Mais celui-ci serait toujours plus faible que le risque résiduel de la période 2015-2017 qui est de 1 sur 6 millions ; et c'est sans compter l'ajout des questions sur la PrEP et la PEP.
Les autorités s'engagent en outre à une vigilance accrue des conséquences éventuelles de ces nouveaux critères, tout en soulignant qu'il n'y a jamais eu d'évolution péjorative jusqu'à présent.
L'enjeu est désormais de faire de la pédagogie. La DGS insiste sur la notion de confiance avec les donneurs. « Pas question de leur intenter un procès en insincérité », exhorte le Pr Salomon. Et d'insister sur leur responsabilité, qui suppose une bonne compréhension, comme l'a montré l'enquête Complidon. D'où le délai de deux mois d'ici au 16 mars, le temps de former les acteurs du secteur et de diffuser les nouveaux questionnaires sur tout le territoire. Avant la France, de nombreux pays comme l'Espagne, l'Italie, Israël et récemment l'Angleterre, ont déjà fait évoluer dans ce sens leurs conditions d'accès au don du sang.
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce