L’appel du président de MG France au gouvernement

Dr Leicher : « Il faut un plan ambulatoire »

Publié le 14/11/2013
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Crédit photo : S TOUBON

LE QUOTIDIEN – Il y a quelques semaines, vous étiez à la tête d’un front contestataire de médecine générale. Après la présentation de la stratégie nationale de santé, êtes-vous dans une position de soutien ou d’opposant au gouvernement ?

DR CLAUDE LEICHER – Ni l’un ni l’autre. MG France soutient les mesures qui vont dans le bon sens et dit quand il n’est pas d’accord. Nous sommes satisfaits de la volonté affichée par le gouvernement de recentrer la politique de santé sur le secteur ambulatoire mais attendons toujours les moyens indispensables. Nous voyons arriver régulièrement des plans "Hôpital". Il est aujourd’hui nécessaire d’avoir un plan ambulatoire pour le développement des soins à domicile, et en proximité autour du médecin généraliste traitant.

Vous réclamez un plan Marshall pour la médecine générale. Jugez-vous favorablement la vingtaine de millions d’euros qui sont affectés aux équipes de soins ambulatoires dans le PLFSS ?

Non. Ces moyens sont notoirement insuffisants et s’ils se limitaient à cette vingtaine de millions, ce serait ridicule. Le gouvernement doit nous donner les moyens de garder des personnes âgées à domicile dès lors qu’il y a une perte d’autonomie, par exemple. Dès la moindre décompensation, nous n’avons pas d’autre solution que de les envoyer à l’hôpital. L’hôpital est la roue de secours d’une organisation défaillante de l’ambulatoire et cela coûte très cher – chaque passage aux urgences coûte 240 euros. Dans les maisons médicales de garde, le coût unitaire de passage est d’environ 60 euros... Soit le gouvernement affecte des moyens à l’ambulatoire, soit on reste dans une politique d’annonces. Il n’y aura jamais de bon usage de l’hôpital ni de maîtrise correcte de la dépense de soins hospitalière excessive en France. Il faut investir dans l’ambulatoire et faciliter l’accès aux médecins libéraux.

La démographie médicale est en berne, les revenus en stagnation, la filière universitaire est bloquée. Les pouvoirs publics font-ils assez pour la médecine générale ?

Non, absolument pas. Nous réclamons l’abrogation de l’avenant 19 de la convention de 2005 qui a mis en place la majoration de coordination (MPC) de 2 euros de chaque consultation pour la totalité des spécialités sauf une : la médecine générale. Je trouve scandaleux que le président de l’UNOF réclame la consultation à 25 euros alors que son syndicat en prive les généralistes depuis 2007. Le médecin traitant a été mis en place en 2005 mais le gouvernement ne nous donne toujours pas les moyens de la coordination des soins. Un forfait de 45 euros par patient existait avec le médecin référent mais il a été supprimé. MG France a réussi à obtenir un forfait annuel médecin traitant mais il n’est que de 5 euros. Il manque 40 euros par patient...

Le forfait ALD, fixé à 40 euros par an et par patient en 2005, est toujours au même tarif huit ans après. Dernier exemple, on demande aux généralistes de s’installer en zone rurale où ils font beaucoup de déplacements. Or, la valeur de l’indemnité kilométrique est la même qu’en 1996.

La diversification de la rémunération doit-elle s’accentuer ?

Nous sommes favorables à la diversification des revenus des généralistes. C’est la raison pour laquelle nous avons fait avancer la rémunération sur objectifs de santé publique ou défendu le forfait médecin traitant. Ces autres modes de rémunération représentent 10% des revenus généralistes. Ce n’est pas négligeable dans un contexte économique difficile. La population n’aurait pas supporté une hausse des consultations. Mais MG France continue de demander une rémunération à l’acte correcte.

IL FAUT INVESTIR DANS L’AMBULATOIRE ET FACILITER L’ACCÈS AUX MÉDECINS LIBÉRAUX.

Comprenez-vous l’opposition du corps médical à la généralisation obligatoire du tiers payant ?

Pour MG France, il n’est pas question d’instaurer un tiers payant généralisé dans les conditions actuelles. Tous ceux qui l’ont testé savent quel cirque cela peut être et quel travail supplémentaire cela représente. Les généralistes ne peuvent pas se payer une secrétaire à 3 ou 4 pour s’occuper du tiers payant. Nous voulons un tiers payant simplifié que les médecins utiliseront s’ils le souhaitent et quand ils le souhaitent et pas de façon obligatoire. Nous voulons un seul flux. Il faut que le régime obligatoire paie la totalité des actes et se débrouille avec les complémentaires quand ils existent.

Le gouvernement mise sur les mesures incitatives à l’installation : bourses, praticiens territoriaux... Sont-elles de nature à résoudre les problèmes de démographie médicale ?

Ces mesures sont homéopathiques. Ce n’est pas avec 200 PTMG [praticiens territoriaux de médecine générale] que l’on va résoudre la crise démographique. On ne sera qu’à 24 PTMG en Rhône-Alpes, une quinzaine en Ile-de-France... Il faudrait passer au mode industriel car plusieurs milliers de médecins vont partir à la retraite dans les 5 ans. Un élément du PTMG est positif et innovant : l’amélioration de la protection sociale. Nous avons aussi obtenu une amélioration de la protection maternité en libéral pour les jeunes femmes dans le budget de la Sécu. Les jeunes médecins qui s’installent sont majoritairement des femmes, nous devons agir.

 PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 9280