« La nation a une dette à l'égard de la Polynésie française. Cette dette est le fait d'avoir abrité ces essais, en particulier ceux entre 1966 et 1974, dont on ne peut absolument pas dire qu'ils étaient propres », a déclaré Emmanuel Macron, au dernier jour de sa première visite dans l’archipel. Le 27 juillet en Polynésie (le 28 juillet matin en métropole), le chef de l’État a assuré vouloir « la vérité et la transparence » sur ce dossier qui a affecté « la confiance » entre Papeete et Paris.
« C’est vrai, on n'aurait pas fait ces mêmes essais dans la Creuse ou en Bretagne. On l'a fait ici parce que c'était plus loin, parce que c'était perdu au milieu du Pacifique », a-t-il reconnu devant des responsables polynésiens.
Des conséquences sanitaires encore difficiles à évaluer
En 30 ans, 193 essais nucléaires ont été réalisés en Polynésie sur les atolls de Mururoa et Fangataufa, où la France avait transféré en 1966 son champ de tir du Sahara. Les essais, qui ont pris fin en 1996, ont d’abord été atmosphériques avant de devenir souterrains en 1974. Alors que les Polynésiens considèrent que les essais sont la cause de nombreux cancers dans l’archipel, le président a annoncé une meilleure indemnisation des victimes.
Les conséquences sanitaires des retombées radioactives entraînées par les 46 essais atmosphériques effectués de 1966 à 1974 sont encore mal connues. En février dernier, une expertise collective de l’Inserm, menée à la demande du ministère de la Défense, via l’Observatoire de la santé des vétérans en 2013, estimait que le lien entre des pathologies et les essais restait difficile à établir dans la population polynésienne.
Parmi les rares études épidémiologiques spécifiques à la Polynésie française, une étude cas-témoins menée sur 602 Polynésiens, dont 229 avec un diagnostic de cancer de la thyroïde entre 1983 et 2001, suggère une augmentation du risque de cancer de la thyroïde en lien avec l’augmentation de la dose de radioactivité reçue à̀ la thyroïde avant l'âge de 15 ans. Une autre étude menée sur les vétérans présents sur les sites d’essais met en évidence une augmentation du risque de mortalité́ par hémopathies malignes chez les sujets dont le suivi dosimétrique indiquait une exposition aux rayonnements ionisants. Mais les résultats sont jugés insuffisants pour affirmer ou infirmer des liens entre retombées radioactives et survenue de pathologies radio-induites en Polynésie française, selon les auteurs.
23 pathologies reconnues par le Comité d'indemnisation des victimes
Actuellement, 23 pathologies pouvant être radio-induites (essentiellement des cancers) sont reconnues par le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen), créé après une loi d'indemnisation votée en 2010. Mais le processus de dépôt et de traitement des dossiers est critiqué, notamment par les associations de victimes des essais.
Lors d’une table ronde début juillet sur les conséquences des essais nucléaires en Polynésie française, le président du Civen, Gilles Hermitte, a estimé que « beaucoup plus de personnes, notamment de résidents polynésiens, pourraient déposer un dossier ». Selon lui, il faut « faire en sorte que l'information parvienne déjà jusqu'à ces personnes », mais également « les accompagner tout au long des démarches qu'elles doivent faire pour essayer d'obtenir les documents qui seront nécessaires à la constitution de ce dossier, notamment les pièces médicales ».
Alors que le Civen reçoit 140 à 150 demandes d'indemnisation par an, le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, a jugé que le nombre de personnes indemnisées pour une maladie radio-induite reste « particulièrement faible ». À l’occasion d’une rencontre avec des militants de l'association anti-nucléaire 193 (en référence au nombre d’essais), Emmanuel Macron s’est engagé « à ce que les choses changent en termes de procédures d'indemnisation parce que c'est vrai que la loi de 2010 aujourd'hui laisse des gens dans la détresse, avec des procédures qui sont trop longues ». Selon le président, « il est normal, et c'est un devoir de la nation, d'accompagner toutes les Polynésiennes et les Polynésiens qui aujourd'hui sont frappés par les nouvelles formes de cancer. Et il faut qu'il y ait une offre de soins, des médecins et des chercheurs, compte tenu de la double insularité dans laquelle vous êtes ».
Avec AFP
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