« Suivi très insuffisant » de l'efficacité qualifiée « d'incertaine », « annonces parfois contradictoires », « circuit de la décision qui ne favorise pas l'acceptabilité », la commission des Affaires sociales du Sénat n'est pas tendre avec le gouvernement sur la gestion du passe vaccinal.
Pour la commission, si la levée du passe vaccinal doit être engagée « sans délai » – Olivier Véran ayant annoncé le 22 février lors de son audition au Sénat une possible levée du passe vaccinal mi-mars -, cela doit se faire « avec précaution et de manière transparente », est-il indiqué dans le rapport d'information présidé par Catherine Deroche (LR) présenté le 24 février.
Et pour la suite, les rapporteurs émettent quatre recommandations appelant « à fixer dès maintenant des indicateurs objectifs » pour la levée du passe vaccinal (niveaux d'incidence et d'hospitalisations), « à retrouver une gestion de crise plus démocratique » (prise de décision non limitée au huis clos du Conseil de défense), « à améliorer la transparence » (open data) et à réellement « protéger les plus vulnérables » (politique d'aller-vers efficace).
Une efficacité « incertaine »
Si « la mesure (était) justifiée face à une dynamique épidémique de la fin d'année 2021 marquée par la vague Delta », la commission déplore une efficacité incertaine du passe vaccinal. L'outil n'a pas rempli pleinement son objectif de favoriser la primovaccination, en particulier des personnes les plus vulnérables. Si la part de la population ayant reçu au moins une première injection est passée de 77,6 % au 21 novembre à 80,4 % au 13 février, « l'entrée dans la vaccination a davantage concerné les personnes âgées de moins de 40 ans ». Et d'ajouter : « les démarches “d'aller vers” pour inciter les personnes plus vulnérables à la vaccination (...) n'ont donc pas suffisamment porté leurs fruits. »
Un essoufflement de la vaccination a été constaté, non seulement en raison de la très forte contagiosité du variant Omicron (près d'un Français sur cinq aurait été contaminé), mais aussi de la succession de consignes parfois contradictoires qui a pu « brouiller le message adressé à la population ». La perspective d'une amélioration de la situation sanitaire, avec l'annonce dès le 20 janvier de la levée de certaines restrictions pour le début du mois de février, n'a pas incité les personnes non vaccinées à entrer dans la vaccination, est-il souligné.
La commission est particulièrement sévère sur le suivi de l'efficacité du passe sanitaire et du passe vaccinal, alors qu'ils « restreignent les libertés publiques et imposent d'importantes contraintes pour la population ». Les rapporteurs soulignent ainsi que « ni le gouvernement ni les agences sanitaires n'ont mis en place des outils de suivi pour évaluer la contribution (du passe sanitaire) à la vaccination et à l'évolution de l'épidémie ».
Comme l'a indiqué le Pr Arnaud Fontanet, l'un des membres du conseil scientifique auditionné, s'exprimant sur les deux types de passe : « Nous disposons d'éléments assez ténus sur l'efficacité du passe sanitaire » et « Nous ne disposons pas d'une évaluation de l'impact vaccinal ». Et le modélisateur Simon Cauchemez a ajouté lors de la même audition : « Je ne suis pas sûr que l'on en produise davantage. »
Une exception qui dure depuis deux ans
Pour les rapporteurs, la levée du passe vaccinal doit prévoir les conditions de la réversibilité de la décision au vu de l’imprévisibilité de l'épidémie et doit s'envisager de façon territorialisée. Mais surtout, la levée du passe vaccinal « n'est pas synonyme de la levée du passe sanitaire dans les hôpitaux ni de l'obligation vaccinale pour les soignants ».
La détermination des indicateurs de levée ou de rétablissement reste « un problème épineux », ont souligné les rapporteurs. Faut-il considérer la situation hospitalière (taux d'occupation des lits, en soins intensifs, en réanimation et en hospitalisation classique), les déprogrammations, le nombre de contaminations ou l'acceptabilité des mesures ? Lors de son audition début février, le Pr Jean-François Delfraissy, le président du conseil scientifique, reconnaissait ne pas avoir de réponse arrêtée.
Le ministre de la Santé Olivier Véran a proposé trois critères : le nombre d'hospitalisations, le taux d'incidence ainsi que « le temps nécessaire pour vérifier qu'il n'y a pas d'impact négatif de la levée des mesures de freinage ». Le ministre a annoncé un chiffre pour le premier critère d'après les modélisations : que la charge sanitaire en réanimation n'excède pas 1000-1500 malades. Les rapporteurs écrivent leur grand étonnement que la couverture vaccinale de la population ne fasse pas partie des critères envisagés, en concluant que « le passe vaccinal a semblé un pur gadget ».
Alors que l'assise scientifique est insuffisamment expliquée, les rapporteurs critiquent la place prépondérante du conseil de défense, avec près de 80 réunions depuis le début de la pandémie, est-il souligné. « Un tel mode de gouvernance achève de déséquilibrer les institutions », écrivent les rapporteurs, ajoutant que « la substitution du conseil de défense au conseil des ministres, et donc la soustraction de la décision au jeu normal des institutions, ne trouve sa justification que dans le caractère exceptionnel de la situation. Or, l'exception dure depuis deux ans. »
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce