Jeux dangereux

La prévention doit commencer à l’école

Publié le 26/01/2012
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UN ENFANT sur dix a déjà joué à un jeu d’apnée ou d’évanouissement : cette pratique est « un peu plus le fait des garçons que des filles » mais concerne toutes les tranches d’âge et tous les milieux sociaux, indique une enquête réalisée pour l’Association de parents d’enfants accidentés par strangulation (APEAS). Sur les 1 012 enfants interrogés (du 29 novembre au 8 décembre dernier), âgés de 6 à 15 ans, près de deux enfants sur trois (63 %) disent connaître au moins un de ces jeux, dont celui du foulard et celui « de la tomate ».

Il s’agit principalement d’une pratique collective qui se passe à l’école : la quasi-totalité des enfants qui y ont joué l’ont fait avec des copains (91 %), souvent plus âgés et essentiellement dans la cour de récréation. La moitié ont seulement voulu suivre l’exemple tandis que 32 % trouvent ce jeu est « rigolo » et 16 % qu’il « procure des effets particuliers, bizarres ». La majorité des enfants qui jouent à ces jeux n’ont pas conscience des risques qu’ils courent : ainsi, 51 % n’ont pas le sentiment qu’en y jouant, ils risquent de mourir, 63 % qu’ils risquent d’abîmer leur cerveau, 73 % qu’ils peuvent convulser et 75 % rester handicapé. Seule la conscience de pouvoir s’évanouir (60 %) ou de ne plus pouvoir reprendre leur souffle (59 %) leur vient à l’esprit. À l’inverse, les non joueurs savent qu’il s’agit de jeux « très dangereux » (82 %) qui peuvent entraîner la mort, de faire arrêter leur cœur ou encore d’abîmer leur cerveau.

Des signes d’alerte.

Pour Catherine Vince, de l’APEAS, qui a perdu son fils victime du jeu du foulard, l’implication des pouvoirs publics contre ces pratiques dangereuses est essentielle. L’enquête, qui a été financée par le ministère de la Santé, confirme que ces jeux apparaissent dès l’école primaire. « Il ne faut donc pas attendre que les enfants arrivent au collège pour les avertir », estime-t-elle, convaincue que « la prévention principale doit être fondée sur la physiologie. Il faut que les enfants, qui découvrent les sciences en CE2, CM1 et CM2, sachent quelles sont les conséquences sur le corps lorsque la respiration est coupée. C’est un travail de fond qui mérite d’être répété d’année en année ». Cette prévention primaire n’empêche pas le travail spécifique de l’association qui intervient dans les écoles où de tels jeux se développent. « Nous avons des outils pour intervenir (plaquettes d’information, vidéos, mallette pédagogique) mais ce problème mérite d’être traité comme une question de santé publique ».

Le Dr Jean Lavaud, responsable du SMUR de Paris pendant 27 ans, rappelle que tous les jeux d’évanouissement ont pour but d’arriver à hypo-oxygénation cérébrale. « Certains signes doivent alerter : les maux de tête fréquents, les vertiges incompris, la diminution des performances scolaires, les ecchymoses au niveau des conjonctives, les bourdonnements », poursuit-il en indiquant que le jeu de la tomate commence même à la maternelle. Les cas de décès ont pour la première fois baissé l’année dernière (11 décès contre 20 à 23 cas les années précédentes). Tous les cas ne sont toutefois pas connus. L’APEAS demande d’ailleurs qu’une enquête épidémiologique soit menée sur cette problématique pour pouvoir mieux en mesurer l’ampleur et son évolution.

STÉPHANIE HASENDAHL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9073