Le Dr Arnaud Depil Duval était l’urgentiste qui osait aborder la question de la qualité de vie des équipes des urgences – dont le taux de burn out annoncé est de 57 % - dans des congrès plutôt théoriques. Cette bienveillance affichée envers les internes et les médecins ont fait qu’en plein désert médical, à Évreux et Vernon, les équipes médicales étaient au complet. « J’ai été chef de service très jeune, c’est peut-être pour cela que j’ai fait très attention à la façon dont les internes et les jeunes seniors pouvaient s’épanouir dans un service réputé difficile, au sein d’une région un peu délaissée par manque d’attractivité », explique au « Quotidien » le Dr Depil Duval.
Dès le début de son mandat de chef de service à Évreux, il a choisi de faire que la qualité de vie au travail des soignants ne soit plus une utopie en prenant en compte les conditions de travail et de vie extra-professionnelles, la capacité à s’exprimer et agir, et le contenu du travail (autonomie, valeurs de travail, possibilités d’apprentissage…).
Manger, dormir, rien de nouveau
Comme l’affirme le Dr Depil Duval, il n’a rien inventé. Il a mis en place des mesures simples comme par exemple l’obligation de prendre les repas à des heures « décentes », un temps de repos régulier au cours des gardes de 24 heures (temps de sieste ou de déconnexion). Il a tenté de redévelopper l’esprit d’équipe avec une transmission du savoir aux plus jeunes par compagnonnage (qui a été qualifié de cocooning excessif par certains collaborateurs)…
« L’idée de la sieste m’est venue d’une application aux services d’urgences de mesures adoptées au sein du service de santé des armées pour lutter contre la fatigue des militaires. La fatigue aiguë survient chez des individus sains, elle a un rôle d’alerte et prévient la personne qu’un repos est nécessaire. Elle s’accompagne d’une moindre capacité à percevoir l'environnement, une difficulté d’attention, de concentration, de troubles de l’humeur, de la mémoire. Mais la fatigue qui serait à l’origine de 10 à 15 % des accidents en médecine, reste encore un sujet tabou », continue le Dr Depil Duval.
Vaincre les réticences
On sait qu’il existe des creux de vigilance entre 14 et 16 heures et entre 2 et 6 heures du matin. On sait aussi que la vigilance diminue après 4 heures de travail continu. D’où l’idée du Dr Depil Duval d’instaurer un temps de repos dans des créneaux favorables : entre 23 heures et 7 heures et entre 13 heures et 15 heures « Il a fallu vaincre des résistances notamment de la part de soignants qui se sentaient indispensables, capables de travailler dur et qui ne voulaient pas mettre plus à contribution leurs collègues pendant leur temps de repos », analyse le Dr Depil Duval, « mais dès que les temps de repos ont été mis en place, toutes les équipes les ont adoptés, moi y compris ».
Trois types de siestes ont été individualisés : les siestes courtes (30 à 45 minutes) qui permettent une recharge cognitive qui peuvent être réalisées dans des salles de siestes ou des chambres, les siestes longues (90 minutes) qui permettent en outre une recharge physique et qui doivent être réalisées dans une chambre et les micro-siestes (5 à 10 minutes) qui se prennent sur un fauteuil et agissent comme « booster ». « Une organisation opérationnelle et un entraînement sont nécessaires. Il faut aussi une rigueur (utiliser un réveil) et admettre que, la plupart du temps, il existe une inertie post-sieste pendant laquelle les performances ne sont pas optimales », continue le Dr Depil Duval.
Il est possible d’associer la prise de caféine avant une « sieste caféine » dotée d’effets stimulants 30 à 45 minutes après l’absorption, soit au réveil.
« Je conseille à tous les jeunes médecins de déterminer rapidement dans leur cursus leur chronotype c’est-à-dire leurs besoins de sommeil. Une fois cette étape accomplie, ils peuvent mieux planifier leurs gardes en générant des pauses régulières et en améliorant la qualité des pauses en privilégiant par exemple les repas en équipe », explique le Dr Depil Duval.
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