Démocratie sanitaire

Les patients veulent s'emparer de l'évaluation des médicaments

Par
Publié le 06/07/2017
Article réservé aux abonnés

« Parfois, il faut vraiment agiter le bras et faire voir que l'on est là ».

Françoise Maillard, patiente experte de la Ligue française contre la sclérose en plaque (LFSEP), ne mâche pas ses mots en évoquant le manque de prise en compte du ressenti des patients lors de l'évaluation des produits de santé. Ce sujet sensible a été évoqué lors d'un débat* à Paris réunissant associations de patients, professionnels de santé et institutions.

La patiente experte déplore en particulier le peu d'intérêt accordé à la qualité de vie des patients lorsqu'un médicament est évalué. Et de prendre l'exemple du Sativex, traitement à base de cannabis, réservé aux patients qui résistent au traitement habituel de la sclérose en plaques. « Ce médicament améliore le quotidien car il ne fatigue pas et empêche la spasticité, explique Françoise Maillard. Il a eu l'autorisation de mise sur le marché en 2014 mais depuis les négociations bloquent, soi-disant à cause du prix, alors que nos voisins européens l'ont commercialisé. » Les malades se procurent le traitement ailleurs. « Cela crée une médecine à deux vitesses », regrette la patiente.

Ces propos ont été corroborés par l'économiste de la santé Gérard Viens, vice-président de l'Alliance des maladies rares, qui regroupe plus de 200 associations de malades. « Il semble que les industriels ne considèrent pas le parcours de vie comme un élément essentiel pour évaluer le produit », a-t-il poursuivi.

Les représentants des institutions font peu ou prou le même constat. « Il y avait jusque-là peu de place donnée aux patients », admet Dominique Polton, présidente de l'Institut national des données de santé (INDS). L'ancienne conseillère auprès du directeur de l'assurance-maladie assure toutefois que « l'émergence des données de patients est de plus en plus prise en compte ». 

Des couples médecin/patient

Lors du débat, les médecins spécialistes du processus d'évaluation ont réclamé plus de souplesse dans les critères. Le Dr Jean-François Thébaut, cardiologue, ex-membre de la Haute autorité de santé, a reconnu que les questionnaires de la HAS étaient beaucoup trop « éloignés de la qualité de vie ». Il appelle à recueillir les avis des patients « seuls habilités à dire si cela représente un progrès pour leur pathologie ou si cela répond à une attente ». « Les effets secondaires sont parfois un tribut trop lourd à payer par rapport à l'efficacité du médicament, il faut le prendre en considération dans la détermination du prix », plaide le Dr Thébaut.

Président de l'Union des médecins spécialistes de la CSMF (UMESPE), le Dr Patrick Gasser souhaite de son côté l'émergence d'un véritable « couple » décisionnaire médecin/patient « plutôt que nos vieilles organisations où le médecin dit ça, le patient exécute et tant pis pour les effets secondaires ». « Le médecin doit être utilisé pour son expertise, il faut faire de la délégation de tâches », ajoute le Dr Gasser, souhaitant que cette réorganisation professionnelle permette d'améliorer l'observance.

Le message des malades semble être entendu par le Comité économique des produits de santé (CEPS). « Il est important que les patients participent à la fixation du prix, ils pourraient voter ou s'opposer à des décisions », suggère Jean-Patrick Sales, vice-président, récusant toutefois le procès « en opacité » fait au CEPS.

* Débat organisé par Observia et le cabinet Nile.

Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin: 9595