Maltraitance de l’enfant

L’ordre invite à la prudence dans les signalements à Paris

Publié le 14/01/2013
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Crédit photo : Phanie

L’OBSERVATION d’un hématome ou d’une ecchymose suspecte chez un enfant, comme la suspicion de violences physiques ou sexuelles plonge le médecin dans d’affreux doutes, face auxquels il ne peut rester seul. Aussi, avant d’envisager le signalement d’une information préoccupante, mieux vaut en connaître le cadre et les limites. Cette démarche s’entoure d’une certaine prudence que les conseillers ordinaux précisent tous les jours par téléphone aux médecins qui ont le bon réflexe de les contacter. Pour guider les confrères dans le choix de parler ou de se taire, le conseil départemental de l’ordre des médecins de la ville de Paris vient de faire le point avec le chef de la section des mineurs du parquet de Paris et le CRIP 75 pour établir les contours de l’information à signaler avec prudence et circonscription.

3 000 informations.

À Paris, plus de 3 000 informations préoccupantes atterrissent chaque année sur le bureau du procureur Sylvain Barbier Sainte-Marie, qui pilote la section des mineurs du parquet de Paris. Seulement 10 % émanent d’une alerte lancée par le corps médical alors que dans la capitale, des cellules spécifiques ont été constituées dans les hôpitaux pédiatriques pour faciliter le recueil d’information.

Face au nombre de signalements qui a bondi de 130 % en six ans, Maître Danièle Ganem-Chabenet, avocat du conseil ordinal parisien met en garde les médecins libéraux : « Les parents n’ont pas besoin d’un certificat d’un médecin de ville pour déposer une plainte dans un commissariat. » La brigade des mineurs prend aussi de plus en plus souvent l’initiative d’appeler directement les médecins et Irène Kahn Bensaude présidente du conseil de l’ordre parisien invite les confrères à ne pas céder aux pressions. « Les médecins ne doivent rien divulguer a fortiori par téléphone et lorsque des confrères sont confrontés aux interrogatoires musclés de la brigade des mineurs, nous devons les contraindre à saisir les dossiers médicaux dans le cadre de commission rogatoire. » Dans les faits, les juges ne le décident que dans 3 à 4 % des dossiers instruits et des médecins ne doivent pas être instrumentalisés. C’est malheureusement de plus en plus souvent le cas notamment dans les procédures de divorce déplore Irène Kahn Bensaude, qui met en garde contre les fausses plaintes de parents par rapport à des sévices pour lesquels les enfants sont invités à mentir.

Signaler sans certifier

En délivrant un certificat médical, le médecin est pris en otage dans le tourbillon d’un mensonge familial. Des abus qui ne doivent pas permettre de passer à côté des signalements utiles. Cette année, 58 % des alertes ont donné lieu à des rapports médico-sociaux où le secret médical paraît peu étanche et 29 % ont déclenché des procédures judiciaires sur la base de présomptions de faits graves, le reste étant classé sans suite. Globalement, les 9 magistrats de la brigade parisienne des mineurs qui est la seule dotée d’enquêteurs de police judiciaire en France, ont vu passer 20 000 affaires dont 15 000 suivies au pénal. Guidés par le danger, la gravité ou le niveau d’urgence des situations révélées, ces signalements pour lesquels l’ordre invite les médecins à s’en tenir aux modèles disponibles sur son site Internet donnent très rarement lieu à un retour d’information. Le médecin est tenu à l’écart de ce que la justice aura finalement décidé et les nombreux médecins parisiens réunis au conseil s’en sont clairement plaints. Raison de plus de redoubler de vigilance en rédigeant les signalements. Irène Kahn Bensaude livre un dernier conseil : « Ne faites pas l’économie des guillemets pour encadrer le report de la parole stricte de l’enfant. Nul ne sait au départ la suite donnée à ce type d’affaires et l’absence de guillemets se résume à 10 jours d’interdiction d’exercer. »

 LAURENCE MAUDUIT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9209