Malnutrition, accès à l'eau, maladies, canicules… : le GIEC alerte sur notre capacité à habiter la terre d'ici à 2050 si le réchauffement climatique se poursuit

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Publié le 23/06/2021

Crédit photo : AFP

De quelle Terre hériteront les enfants nés cette année lorsqu’ils auront 30 ans ? Le réchauffement climatique pourrait les condamner à des chaleurs mortelles, des pénuries d'eau, des crises alimentaires et à l'explosion de certaines maladies, sans oublier les troubles liés aux migrations, alerte un projet de rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), que l'AFP s'est procuré.

« La vie sur Terre peut se remettre d'un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. L'humanité ne le peut pas », cingle le résumé technique de 137 pages (l'ensemble du projet faisant 4 000 pages).

Le rapport final des experts de l'Organisation des Nations unies (ONU), à la tonalité bien plus alarmiste que le précédent de 2014, sera officiellement publié en février 2022, après approbation des 195 États membres. Trop tard, par rapport à la Conférence des Parties des Nations unies sur le changement climatique (COP26) qui se tiendra à Glasgow en novembre 2021. D'autant que le temps presse.

Même 1,5 °C d'augmentation des températures n'est pas acceptable

Le GIEC remet en cause les engagements de l'accord de Paris de 2015, à savoir une limitation d'ici à 2100 du réchauffement climatique à +2 °C par rapport à l'ère pré-industrielle, voire à + 1,5 °C si possible. Encore trop : dépasser de + 1,5 °C pourrait déjà entraîner « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles pour les systèmes humains et écologiques », considèrent les experts. Or selon l'Organisation météorologique mondiale, la probabilité que ce seuil de +1,5 °C soit dépassé dès 2025 est déjà de 40 %. La hausse des températures moyennes depuis le milieu du XIXe siècle atteint déjà 1,1 °C.

Les êtres humains risquent de ne pas parvenir à s'adapter, prévient le GIEC. Même en limitant la hausse à 2 °C, 420 millions de personnes de plus sur Terre feront face à des canicules extrêmes et jusqu'à 80 millions de personnes supplémentaires auront faim d'ici à 2050, conséquence de mauvaises récoltes, d'une baisse de la valeur nutritive de certains produits et d'une envolée des prix (+ 30 % d'ici à 2050). La malnutrition chronique devrait toucher plus de 180 millions d'habitants, en grande majorité en Afrique et en Asie du Sud-Est, où le rachitisme infantile devrait sévir.

Maladies liées aux moustiques et à la pollution

Plus de la moitié de la population mondiale est déjà en situation d'insécurité en termes d'approvisionnement en eau. Et le changement climatique pourrait impacter près de 75 % des approvisionnements en eaux souterraines, si bien qu'entre 350 à 400 millions de citadins supplémentaires seront exposés aux pénuries d'eau. Et 130 millions de personnes pourraient tomber dans la pauvreté extrême d'ici à dix ans.

En termes de maladies, le réchauffement risque d'entraîner une explosion des cas de dengue, de fièvre jaune ou de Zika, en ce qu'il agrandit les territoires propices aux vecteurs comme les moustiques. Les experts s'attendent aussi à une augmentation de l'incidence du paludisme et de la maladie de Lyme, et à une hausse des décès liés aux diarrhées infantiles. Les maladies liées à la qualité de l'air devraient « substantiellement augmenter », tout comme les risques de contamination de l'eau ou des aliments par des toxines maritimes.

En face, les systèmes de santé devraient être plus que jamais sous pression, comme la pandémie de Covid-19 en a donné un avant-goût.

Inégalités selon les territoires

Tous les territoires ne sont pas (encore) égaux devant le réchauffement climatique. Les villes côtières, qui concentrent 10 % de la population mondiale, sont en première ligne. « Le niveau de la mer continue à monter (le niveau de l'océan pourrait gagner 60 cm d'ici à la fin du siècle), les inondations et les vagues-submersion sont de plus en plus fréquentes et intenses, le réchauffement accroît l'acidité de l'océan et intensifie les canicules », écrivent les scientifiques, s'alarmant d'un « danger pour les sociétés et l'économie mondiale en général ».

Au-delà des zones côtières, ce sont des régions entières qui risquent d'être frappées par trois ou quatre catastrophes simultanées : est du Brésil, Asie du Sud-Est, Chine centrale, Arctique, sans oublier l'Afrique, à l'égard de laquelle « les coûts d'adaptation devraient augmenter de dizaines de milliards de dollars par an au-delà de +2 °C », prédit le rapport.

« Chaque fraction d'un degré compte », insiste le GIEC, qui ne propose pas de remède miracle, mais glisse une note d'espoir en rappelant qu'une seule action peut avoir des effets positifs en cascade. « Nous avons besoin d'une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement, nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation », plaide le rapport.

« Nous ne pouvons pas faire face à cette crise sans dire les choses telles qu'elles sont et regarder la réalité en face. Donc (ce rapport) peut contribuer à ce que les gens se réveillent, ce qui est très utile », a salué Greta Thunberg, figure de la lutte contre le dérèglement climatique.


Source : lequotidiendumedecin.fr