Outils numériques de tracing : le Comité d'éthique du numérique plaide pour une complémentarité entre StopCovid et Contact Covid

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Publié le 15/05/2020

Crédit photo : PHANIE

Alors que les dispositifs de traçage des citoyens commencent à se mettre en place pour accompagner le déconfinement, le Comité national pilote d'éthique du numérique (CNPEN), instance installée en décembre dernier sous l'égide du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), rend public son rapport sur les enjeux éthiques de ces outils numériques. Une réponse à une saisine du ministre de la Santé Olivier Véran, et du secrétaire d'État chargé du numérique, Cédric O. 

Application de traçage des contacts (StopCovid), fichiers SI-DEP et Contact Covid, mais aussi outils d'autodiagnostic, de télémédecine, de modélisation, d'analyse, vidéosurveillance, robots, etc., « les nouveaux outils sont devenus essentiels d’un point de vue sociétal, économique et sanitaire, entraînant également une exacerbation de leurs enjeux éthiques », lit-on en introduction. Les impératifs sanitaires se retrouvent en effet mis en tension avec le respect des libertés fondamentales, la protection de la vie privée et des données personnelles, mais aussi du secret médical

Pour une complémentarité entre outils numériques et humains 

Le CNPEN bat en brèche l'idée qu'un outil de traçage humain comme Contact Covid et SI-DEP serait plus sûr qu'un outil numérique, comme StopCovid, qui devrait être prêt début juin. « Une base de données gérée par des opérateurs humains peut comporter autant, voire plus, de risques de rupture de la confidentialité que les données rassemblées par une application numérique », considèrent les experts. En outre, la procédure de Contact Covid « comporte des faiblesses potentielles » qui risquent de rendre la base « lacunaire et incorrecte » : impossibilité de joindre des contacts par téléphone, défaillance de la mémoire ou volonté de ne pas divulguer certains noms, voire actes de malveillance (fausse déclaration de contacts).

Par conséquent, le CNPEN considère que le recours à une application de traçage numérique pourrait compléter utilement la procédure Contact Covid, en permettant une détection « plus rapide, plus rigoureuse et plus robuste » des cas contacts.

Attention au secret médical 

Néanmoins, deux risques majeurs doivent être anticipés et évités : la perte du caractère anonyme de l'application, en cas de croisement des bases de données et la perte du caractère souverain de SI-DEP et Contact Covid (sous l'égide des autorités nationales, en l'occurrence de l'Assurance-maladie).

Le Comité préconise donc de former les membres des équipes sanitaires et de les sensibiliser aux enjeux de la protection des données personnelles et à la préservation du secret médical. Il souligne en outre que des données pseudonymisées ne sont pas anonymisées (le risque de ré-identification est réel) et doivent donc être considérées comme des données personnelles à protéger selon les principes imposés par le RGPD.

Transparence et consentement indispensables pour Stop Covid 

Reprenant des éléments déjà exposés le 7 avril, le CNPEN insiste par ailleurs sur le caractère transitoire de ces mesures, et proportionnel aux objectifs recherchés de lutte contre l'épidémie.

Si la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire prévoit que le médecin puisse renseigner le fichier Contact Covid sans le consentement du patient, l'application StopCovid doit, quant à elle, n'être téléchargée et utilisée qu'avec le consentement libre et éclairé de l'utilisateur. Cela implique que l'information autour de cette application soit transparente (conception et code accessibles à tous et compréhensible, contrôle et audit par des tiers de confiance et des institutions démocratiques, etc.). « Il est crucial que tous les citoyens, y compris en situation de handicap, aient accès aux protocoles qui sous-tendent les outils numériques et humains des outils de traçage », insistent le directeur du CNPEN Claude Kirchner et la co-rapporteure de l'avis Catherine Tessier.

Cela suppose aussi que le refus de consentir n’expose pas la personne à des conséquences négatives (stigmatisation, pression des employeurs ou des assureurs, etc.) et qu'il n'y ait pas, à l'inverse, de système de récompense pour ceux qui adopteraient l'application. Le CNPEN préconise en outre d'assurer aux consommateurs la possibilité de revenir à tout moment sur leur engagement et d'effacer les données collectées.

Enfin, il plaide pour la création d'un comité de suivi (réunissant professionnels du numérique, de la santé, des sciences humaines et sociales, des parlementaires et des représentants de la société civile) pour traiter les problèmes éthiques, juridiques et sociétaux posés par les différents outils de traçage dans le contexte de la stratégie de déconfinement.


Source : lequotidiendumedecin.fr