Pendant la première vague, les hospitaliers se seraient majoritairement contaminés entre eux, selon une étude néerlandaise

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Publié le 29/07/2021

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Médecin, infirmier… Quels types de soignants ont été contaminés par le Covid pendant la première vague ? Et par qui ? Des chercheurs néerlandais, dont les résultats sont publiés le 28 juillet dans le JAMA Network Open, se sont penchés sur la question. Menée au plein cœur de la première vague, du 23 mars au 25 juin 2020, cette étude de cohorte a suivi 801 soignants de deux centres hospitaliers néerlandais.

Pour déterminer l’incidence du SARS-Cov-2 chez ces hospitaliers, une sérologie était réalisée toutes les 4 semaines, pendant 18 semaines. Ces données ont été couplées avec un suivi épidémiologie et une analyse phylogénétique des SARS-Cov-2 infectants malades et soignants des CHU, pour identifier les grappes de transmissions. Et tenter de comprendre qui a contaminé qui.

Infirmiers et jeunes médecins plus touchés 

Médecin et infirmier étaient répartis en trois groupes : 439 d’entre eux travaillaient au contact direct de patient Covid, 164 dans des services hors Covid, et 198 sans aucune relation avec le patient.

Résultat : « le risque d'être infecté par le SARS-CoV-2 était près de 4 fois plus élevé chez les soignants dans les services COVID-19 que chez ceux ne prenant pas en charge de patient », indiquent les auteurs. En détail, 13,2 % des médecins et infirmiers au chevet des patients Covid ont été contaminés [IC à 95 %, 9,9 %-16,4 %]. Un taux d’incidence deux fois plus élevé que chez les hospitaliers exerçant dans des unités non-Covid, où 6,7 % d’entre eux ont été infectés [IC à 95 %, 2,8 % à 10,5 %]. Enfin, les personnels n’ayant aucun contact avec les patients affichaient un taux de contamination proche de celui relevé en population générale précise l’étude, de 3,6 %.

Le différentiel était également palpable au sein même du groupe des soignants en contact avec des malades. En effet, être mobilisé aux urgences ou en soins intensifs était moins vecteur de contamination que d’exercer en unité régulière de soin covid. Ainsi, alors que 8 % des urgentistes et 7 % des équipes de soins intensifs ont été infectés, cette incidence grimpait à 25 % pour les médecins et infirmiers exerçant dans les services Covid.

« Les taux d'infection parmi les professionnels de la santé travaillant dans les unités de soins intensifs et les services d'urgence étaient similaires à ceux travaillant dans des soins non liés au COVID-19 », souligne l’étude.

Plus étonnant, les chercheurs se sont penchés sur les taux d’incidence en fonction du niveau d’expérience et du métier exercé. Dans les services Covid, 14,9 % des infirmières ont été touchées. Presque autant que les jeunes médecins en formation (14,7 %) - ou « phycisian resident », l’équivalent de la période post-internat. Les médecins plus expérimentés étaient deux fois moins touchés par le Sars-Cov-2, avec 6,4 % de positifs.

Aucun cluster lié à un patient 

Deuxième objectif de l’étude : comprendre les voies de transmission au sein de l’hôpital. Et les résultats sont plus que surprenants. La phylogénétique des virus étudiés montrait que les soignants se contaminaient très majoritairement entre eux, et non via les patients.

« Les analyses phylogénétiques et épidémiologiques combinées n'ont trouvé aucune transmission de patient à professionnel de la santé mais plusieurs occurrences de transmission de soignant à soignant », précise ainsi l’étude, qui a identifié trois clusters potentiels de transmission interéquipe, mais aucun provenant d’un patient.

Des limites méthodologiques 

Si médecins et infirmiers se contaminent entre eux, comment expliquer qu’ils soient davantage touchés lorsqu’ils sont affectés en unité Covid ? Les chercheurs avancent quelques pistes, expliquant par exemple que certains professionnels de santé étaient infectés avant même la première admission d’un patient Covid ou encore qu’une proportion importante d’entre eux a pu continuer à travailler sans savoir qu’ils étaient infectés. Rien de spécifique cependant aux services Covid.

L’hypothèse la plus sérieuse est celle d’une organisation différente des services. Toujours selon l’étude, la forte affluence dans les services au contact des patients Covid aurait pu entraîner une concentration de soignants. « Les salles de repos étaient donc plus encombrées que d'habitude et plus bondées que dans les services de soins non Covid-19 en raison de la réduction des soins réguliers », poursuit-elle. Et les soins intensifs auraient été modérément épargnés car « la distanciation sociale y est plus facile ».

Reste que ces résultats doivent être pris avec des pincettes. L’étude phylogénétique, basée sur des prélèvements nasopharyngés - et permettant de conclure que les soignants se contaminaient entre eux - reste entachée de nombreux biais méthodologique. Limite principale : tous les échantillons nasopharyngés des patients et des professionnels de santé n’étaient pas disponibles pour un séquençage viral. L’échantillonnage des soignants a été plus que modeste, avec 26 échantillons collectés, et 39 de patients.

Au regard de ces limites, l’hypothèse d’une contamination de patient à soignant « ne peut pas être complément exclu », tempère toutefois les auteurs. Ils insistent ainsi sur l’importance de la prévention au sein des équipes et recommandent de considérer davantage cette voie de transmission hospitalière.


Source : lequotidiendumedecin.fr