PMA : l’Agence de la biomédecine lance une campagne pour encourager les dons de gamètes

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Publié le 20/10/2021
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Crédit photo : S.Toubon

Alors que la nouvelle loi de bioéthique a fait évoluer les modalités de l’assistance médiale à la procréation (AMP), l’Agence de la biomédecine (ABM) lance une campagne de communication avec un double objectif : sensibiliser le grand public au don de gamètes et informer sur le droit d’accès aux origines.

Si les campagnes de sensibilisation au don sont régulières depuis 2008, « la nouveauté, c’est son ampleur », indique Emmanuelle Cortot-Boucher, directrice générale de l’ABM, saluant un budget multiplié par près de cinq pour atteindre 3,8 millions d’euros. L’enjeu est d’accompagner deux « avancées » de la loi de bioéthique, poursuit-elle.

3 500 demandes supplémentaires attendues en 2021

L’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules va conduire à une augmentation des demandes, prédit Emmanuelle Cortot-Boucher, estimant que les nouvelles modalités pourraient entraîner 3 500 nouvelles demandes en 2021. Côté spermatozoïdes, les « stocks sont suffisants », assure-t-elle. En 2019, sur les près de 107 000 paillettes disponibles, 6 900 ont été utilisées. « Même si la demande est dynamique », il n’y a pas « d’inquiétudes sur la disponibilité ».

La situation est plus nuancée concernant les ovocytes, pour lesquels « les stocks sont en flux tendus, rappelle la Dr Claire de Vienne, médecin référent en AMP à l’ABM. Les ovocytes sont souvent donnés le jour même du prélèvement. S’il y a congélation, ils seront utilisés dans les 3 mois ».

Pour l’heure, 3 300 nouveaux couples ont sollicité un don de gamètes en 2019 et 4 000 sont en attente d’un don. Mais si les dons de gamètes sont en hausse, ils ne permettent pas de couvrir la demande, notamment pour les personnes issues de la diversité. Ces couples « attendent plus longtemps que les autres, et c’est surtout vrai pour les ovocytes », souligne la Dr de Vienne. Ainsi, si l’attente peut être de 1 à 2,5 ans en moyenne pour un don d’ovocytes, le délai peut atteindre plus de 5 ans parfois pour les couples issus de la diversité, ce qui peut faire échouer le projet.

L’enjeu de la campagne est ainsi d’encourager le don de gamètes en mettant en avant l’« acte de solidarité » qu’il représente. Cette empathie envers les futurs parents est d’ailleurs une des principales motivations au don de gamètes, selon les résultats d’un baromètre Viavoice (septembre 2021). Selon cette enquête menée par téléphone, 80 % des personnes interrogées sont favorables au don de gamètes (76 % en 2020) et plus d’une personne sur 2 (55 %) se déclarent prête à en faire un. Reste que seulement 17 % de ces sondés se disent suffisamment informés sur le don de gamètes.

Le consentement à l'accès aux origines, une « condition du don »

L’autre évolution issue de la loi de bioéthique relève du régime juridique encadrant l’AMP avec un droit d’accès aux origines permettant que l’enfant né d’un don puisse, à sa majorité, accéder à ses origines. Cette dernière modalité « devient une condition du don », insiste Emmanuelle Cortot-Boucher.

Cette nouvelle disposition entrera en vigueur à partir du 1er septembre 2022 et ouvrira l’accès aux données non identifiantes (âge au moment du don, caractéristiques familiales ou professionnelles, état général, motivations au don et caractéristiques physiques), voire à l'identité du donneur si l'enfant le souhaite. « Le donneur et la personne receveuse ne connaîtront pas leur identité respective », rappelle le Pr Philippe Jonveaux, directeur du département Procréation, embryologie et génétiques humaines à l’ABM.

Une commission ad hoc, la Commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, sera créée sous l’égide du ministère de la Santé pour traiter les demandes d’accès aux origines. Ceux qui ont réalisé un don avant l’adoption de cette nouvelle modalité pourront se manifester auprès de cette commission pour donner leur consentement à cette démarche.

En cas de demande d’un enfant, la commission contactera le donneur pour lui demander son consentement, qu’il pourra refuser d’accorder. « Son identité et ses informations ne seront transmises qu’en cas de consentement », insiste Emmanuelle Cortot-Boucher, indiquant qu’après l’entrée en vigueur du droit à l’accès aux origines, les gamètes pour lesquels les anciens donneurs sollicités n’auront pas donné leur consentement seront détruites.

Un volet de la nouvelle campagne de l’ABM sera dédié à l’information des donneurs et des donneuses. Avec le slogan « Je suis né d’un don. Je ne cherche pas un parent, mais des réponses », l’objectif est d’« expliquer les motivations des enfants, leur démarche », précise la directrice de l’ABM.

Concrètement, la campagne se compose de spots vidéo et radio, de partenariats avec des influenceurs et d’inserts dans la presse écrite pour encourager au don, un acte « gratuit, librement consenti et réalisé dans un établissement hospitalier ». Pour les professionnels de santé, trois modules de formation seront disponibles sur le site vidal.fr.

L’Ined lance une enquête sur les AMP « hors cadre » 

Alors que la France disposait avant l’adoption de la nouvelle loi de bioéthique d’une « des législations les plus restrictives d’Europe », le recours à l’AMP en dehors du cadre légal et médical français reste mal connu.

Afin de mieux comprendre et quantifier le phénomène, l’Institut national d’études démographiques (Ined) lance une enquête et invite toutes les personnes qui se sentent concernées à remplir un questionnaire retraçant leur parcours. Les données disponibles permettent d’établir que « la France fait partie des pays qui viennent le plus nourrir les recours transnationaux en Europe », observent la sociologue Virginie Rozée et la démographe Élise de La Rochebrochard, toutes deux chercheuses à l’Ined, dans une publication de « Population et sociétés ».

Une étude qualitative qu’elles ont menée en 2010-2012 montre que les recours à l’AMP « hors cadre » visent à « contourner les restrictions légales et médicales », mais aussi à « obtenir des soins médicaux considérés comme plus rapides, plus efficaces et plus personnalisés, en particulier pour les couples hétérosexuels qui pouvaient légalement recourir à une AMP en France ».

Si la révision de la loi de bioéthique va certainement réduire ces recours « hors cadre », certains cas sont laissés à la marge : les couples d’hommes qui n’ont pas accès à la gestation pour autrui, les transgenres, les cas d’AMP post-mortem ou les demandes de Ropa (méthode Ropa pour réception d’ovocytes de la partenaire), lorsque la grossesse est menée par une femme avec les ovocytes de sa partenaire. « Tous ces éléments semblent indiquer que l’AMP transnationale va perdurer en France », estiment les chercheuses.


 

Source : lequotidiendumedecin.fr