Polémique autour du protocole national de diagnostic et de soins

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Publié le 14/06/2018
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Le Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) de la borréliose de Lyme et autres maladies vectorielles à tiques finira-t-il par sortir ? Surtout, sera-t-il signé par les sociétés savantes ?

Selon nos informations, le collège de la Haute Autorité de santé (HAS) devrait adopter définitivement le PNDS ce mercredi 13 juin ; le protocole devrait être présenté publiquement la semaine prochaine. Mais à l'heure où nous écrivons ces lignes, le 12 juin, impossible de dire si le PNDS sera validé par l'ensemble des participants du groupe de travail, et en particulier, par le partenaire de la HAS sur le dossier, la Société de pathologie infectieuse de la langue française (SPILF). 

Rappel des épisodes précédents : Après 18 mois de discussions avec les différentes parties, le collège de la HAS valide le 11 avril dernier le PNDS. Puis le soumet pour approbation à la SPILF. 

Début mai, la société savante envoie une lettre à la présidente de l'agence, la Pr Dominique Le Guludec, co-signée par les sociétés savantes de médecine interne, de neurologie, le collège national professionnel de maladies infectieuses, le conseil national professionnel de rhumatologie, celui de psychiatrie, les sociétés françaises de dermatologie, de microbiologie, de mycologie médicale, la société d'étude et de traitement de la douleur, et le centre national de référence des Borrelia. Son objet : alerter la présidente de la HAS sur « le manque de clarté et demander des éclaircissements sur plusieurs points », explique au « Quotidien » la présidente de la SPILF, la Pr France Roblot, chef de service au CHU de Poitiers. « Le protocole tel qu'il est rédigé n'est pas assez aidant pour les médecins généralistes ; la démarche diagnostique n'est pas suffisamment claire ». « Ce protocole censé remplacer le consensus de 2006 ne doit pas être moins efficace »

Ultime réunion de travail le 11 juin

La lettre, publiée début juin par « Science et Avenir », demande que la stratégie diagnostique soit mieux définie avec un chapitre sur la stratégie du diagnostic microbiologique, « pierre angulaire d'une prise en charge optimale », qui apporte des précisions sur les « techniques de référence ».   

Le courrier demande aussi que le chapitre concernant le SPPT (symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe), proposé(e) par la Fédération française des maladies à vecteurs tiques (FFMVT) soit revu car il contient « des imprécisions qui pourraient créer de la confusion et complexifier la prise en charge ». La SPILF demande que soit exprimée l'absence d'intérêt d'un traitement au-delà de 28 jours. 

Depuis, la HAS est revenue vers la SPILF avec d'autres propositions que les infectiologues doivent analyser, explique le Pr Roblot. Une ultime réunion de travail a eu lieu le 11 juin. La SPILF demande la poursuite de la réflexion, d'autant plus que le climat est tout sauf serein.

Faut-il voir dans la démarche de la SPILF une tentative de blocage, comme le disent certaines associations de patients ? La SPILF dément. « Ces patients existent ; il faut faire quelque chose. Nous sommes favorables à la création d'un parcours de soins, avec des centres de prises en charge spécialisés assurant des consultations longues et pluridisciplinaires, pour qu'un patient qui pense avoir la maladie de Lyme puisse avoir le même bilan sur toute la France », explique le Pr Roblot. « On ne se serait pas engagé dans ce travail de révision du consensus de 2006 si on ne jugeait pas cela intéressant. Nous sommes prêts à des évolutions, mais elles doivent s'appuyer sur des données scientifiques validées et publiées dans des revues faisant autorité ». 

La Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques (FFMVT) juge au contraire la démarche de la SPILF « incompréhensible voire choquante », selon les mots du Pr Christian Perronne, chef de service en infectiologie à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches. « Malgré des discussions parfois tendues, nous étions tous tombés d'accord le dernier jour sur un texte court, un consensus a minima. Pourquoi le contester par-derrière et revenir à la case départ, sans nous prévenir, en bafouant les règles du jeu d'un groupe de travail ? », s'interroge-t-il, tout en contestant, sur le fond, les positions de la SPILF sur les tests et l'existence d'un lyme chronique. 

La HAS peut-elle adopter un protocole sans la validation des experts ? Oui, rien n'empêche des membres de travail de se désolidariser du texte. Ce 12 juin, la SPILF ne souhaitait pas préjuger de sa réaction. 

 

C.G.

Source : Le Quotidien du médecin: 9673