Plus de 14 000 femmes enceintes subiraient des violences physiques chaque année en France, soit près de 2 femmes sur 100, démontre l'équipe EPOPé 1153 de l'Inserm et de l'Université Paris Descartes, dans une étude publiée dans « Maternal and Child Health Journal ».
L'objectif de l'étude était de connaître la prévalence des violences pendant la grossesse, les facteurs de risque et les conséquences pour la mère et l'enfant. L'équipe s'est appuyée sur les données recueillies lors de l'Enquête nationale périnatale (ENP) réalisée en 2016, auprès de 12 330 femmes séjournant dans des maternités publiques et privées. Les données sont issues d'entretiens réalisés avec les femmes pendant leur séjour post-partum, de questionnaires remplis par les parturientes (9 questions sur des sujets sensibles dont la violence*) et des dossiers médicaux. « C'est la première fois que l'ENP soumet une question sur la survenue de violences physiques pendant la grossesse ce qui nous permet d'en avoir une description à l'échelle des naissances en France », explique au « Quotidien » la chercheuse Inserm Marie-Josèphe Saurel-Cubizolles.
Sur les 12 330 femmes participant à l'étude, 220 ont rapporté un épisode de violence physique (à distinguer de violence conjugale) pendant leur grossesse, soit une prévalence de 1,8 %.
Association forte entre précarité et violences
Deux facteurs associés à ces violences se détachent nettement : le statut du couple, et les moyens financiers du ménage dans lequel vit la femme. Ainsi, plus de 6 % des femmes célibataires ou n'habitant pas avec le conjoint rapportent des violences, contre 1 % de celles vivant en couple. Soit un excès de risque pour les premières de 2,89.
L'on observe aussi une augmentation de la proportion de femmes victimes de violences alors qu'elles sont enceintes parallèlement au revenu mensuel du foyer : de 0,5 % lorsqu'il se situe au-delà de 4 000 euros à 6,6 % lorsqu'il tombe au-dessous de 500 euros.
La consommation de cannabis est également significativement associée à la violence physique pendant la grossesse : 7,8 % des femmes victimes en consomment, contre 2 % des femmes non violentées (soit un risque relatif multiplié par 3). Ainsi que le fait d'avoir eu par le passé une IVG.
Détresse chez la mère, prématurité pour le nourrisson
Les conséquences de ces violences sont lourdes pour la femme comme pour l'enfant. Les victimes de violences sont 62 % à faire part d'un épisode de tristesse (vs 23 %) et 51 % à signaler une perte de plaisir (vs 18 %) pendant leur grossesse, et ce pendant au moins deux semaines. 21 % d'entre elles ont eu recours à une consultation médicale pour détresse psychologique. « Cela a un impact sur le vécu de la grossesse et sur la façon dont ces femmes peuvent assumer leur futur rôle de mère » commente Marie-Josèphe Saurel-Cubizolles.
Le taux de prématurité spontanée est significativement plus élevé chez les petits des femmes maltraitées pendant leur grossesse (près du double). Et près de 16 % de ces femmes ont accouché d'un nourrisson ayant nécessité un transfert en unité néonatale de soins intensifs (contre 8 % des enfants des autres femmes).
Oser poser la question
À la lumière de cette étude, « l'on devrait inciter les soignants à interroger systématiquement leurs patientes sur d'éventuelles violences qu'elles subiraient », considère la chercheuse Marie-Josèphe Saurel-Cubizolles. L'entretien prénatal du 4e mois pourrait être l'occasion d'aborder le sujet. Il faudrait également développer des centres pour accueillir certaines de ces femmes, pour qui de telles situations pourraient se répéter, ajoute-t-elle.
Enfin, des travaux de recherche multidisciplinaire devraient être développés pour identifier ce qui peut aider les femmes à sortir d'une relation violente.
*La question posée était : pendant votre grossesse, quelqu'un vous a-t-il frappée, giflée, battue ou poussée intentionnellement, ou maltraitée physiquement d'une autre façon ?
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