Prostitution des mineurs : un rapport préconise de former les soignants aux signes évocateurs

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Publié le 16/07/2021
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Crédit photo : AFP

Face à la prostitution des mineurs, « les professionnels de santé ont un réel rôle à jouer en matière de repérage et de parcours de soins, pour autant qu’ils soient formés sur les enjeux et contours de cette violence plus spécifique », indique un rapport remis le 13 juillet à Adrien Taquet, Secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Le travail, piloté par Catherine Champrenault, procureure générale près la Cour d'Appel de Paris, et réalisé par une trentaine d'experts (dont des médecins), devrait servir de base à un plan national, annoncé en octobre. 

Facilité par l'émergence des réseaux sociaux, le phénomène, en augmentation mais toujours mal connu, concernerait de 7 000 à 10 000 adolescents selon les associations, une fourchette « approximative, peut-être en deçà de la réalité ». Les victimes seraient en majorité des jeunes filles de 15 à 17 ans, vulnérables, de tous les milieux sociaux. Loin de se considérer comme victimes, beaucoup affirment agir par choix, parlant de « michetonnage » ou d'« escorting ». Un autre profil est celui des mineurs non accompagnés, qui a lui seul, mériterait un rapport, lit-on. 

Tentatives de suicide, IST, addictions, conduites à risques... 

De la même façon que des travaux existent sur les signes évocateurs de maltraitances intrafamiliales, notamment sexuelles, il est important d'identifier les signaux évocateurs d'une situation de prostitution, des « feux rouges » qui doivent immédiatement conduire les professionnels de santé à initier un parcours de soins, voire un signalement, avance le rapport. 

Sans dresser de liste exhaustive, le groupe de travail évoque à titre d'exemple les tentatives de suicide, ou encore des demandes de soin liées à des infections sexuellement transmissibles, des infections gynécologiques ou une grossesse précoce. « La consommation de toxiques ou les conduites à risques, les conséquences du stress post-traumatique, la dépression ou l’addiction constituent d’autres portes d’entrée auprès des professionnels de santé », est-il précisé. Le soignant doit alors repérer et initier un parcours de soins, qui devra être multidisciplinaire (somatique, psychotraumatique, psychoaffectif...).

Les experts suggèrent d'améliorer la formation de professionnels de santé aux symptômes de violences, et aux questions plus spécifiques de prostitution. Ils insistent sur l'importance des partenariats entre différents dispositifs de santé pour faciliter le repérage des victimes mineures (maison des adolescents, centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues - CAARUD -, centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie - CSAPA -, centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic - CeGIDD -, unités d’accueil pédiatriques pour les enfants en danger – UAPED —, unités médico-judiciaires…).

Accompagnement des victimes, dérogation au secret médical 

Les professionnels de santé ont aussi un rôle à jouer dans l'accompagnement des victimes de la prostitution, considèrent les experts. Ils invitent alors à renforcer des dispositifs déjà existants (notamment les unités d’accueil pédiatriques enfants en danger (UAPED) ou les médecins référents protection de l'enfance des conseils départementaux) et à favoriser le travail en réseau des services de pédiatrie, de santé des adolescents, de pédopsychiatrie, de psychiatrie et de médecine légale, « pour être réactifs aux demandes (ou aux non-demandes) »

Enfin, le groupe de travail recommande d'étendre le dispositif de levée dérogatoire du secret médical dès lors qu'un mineur exerce une activité prostitutionnelle. Actuellement, l’article 226-14 du Code pénal permet la levée du secret professionnel pour les médecins en cas de sévices ou privations constatés sur le plan physique ou psychique. Ceci même sans l'accord de la victime, lorsqu'elle est mineure. Néanmoins, certains jeunes nient toute violence, et défendent même un choix de vie, ce qui ne permet pas alors, pour le médecin, de s'inscrire dans le cadre de l'article 226-14. « Dans la mesure où la loi proclame l'interdiction de la prostitution des mineurs en France et considère ces derniers comme des victimes à protéger, il importe de permettre la levée du secret professionnel y compris dans les cas où le mineur se présenterait comme pleinement consentant à l'activité prostitutionnelle » argumentent les experts. 


Source : lequotidiendumedecin.fr