Plus d'un actif sur cinq en France (22,2 %) présente un trouble psychiatrique probable, selon une étude transversale réalisée par une équipe de psychiatres français soutenus par la Fondation Pierre Deniker et publiée dans « Plos One ».
L'étude, réalisée en mars 2018, inclut 3 200 participants de 18 à 80 ans, des actifs recrutés par mail dans un panel IPSOS. Elle est la première se pencher sur la population globale des travailleurs, et non des publics spécifiques, soulignent les auteurs. La prévalence de troubles psychiatriques a été mesurée à l'aide du questionnaire général de santé 28 (GHQ-28), une auto-évaluation permettant la détection de troubles mineurs, en sondant quatre dimensions : dépression, anxiété, retentissement social et plaintes somatiques. C'est d'ailleurs parce que les troubles psychiatriques sont ainsi rapportés, sans avoir fait systématiquement l'objet d'un diagnostic que les auteurs parlent de « troubles probables ».
Quelque 22,2 % des répondants présentent un score révélateur de troubles psychiatriques - un résultat cohérent avec la proportion de plus de 17 % de consommateurs de psychotropes retrouvée dans l'étude. Certaines populations semblent plus à risque : les femmes (où cette proportion s'élève à 25,8 %), les personnes touchant un bas salaire (31 %), les malades chroniques depuis plus de 6 mois (37 %), les actifs travaillant plus de 50 heures par semaine (34 %) ou encore ceux qui ont connu deux périodes de chômage (26 %).
Déséquilibre entre vie pro et perso, 1er facteur de risque psychosocial
Les auteurs Astrid Chevance et coll. ont identifié 10 facteurs de risques psychosociaux associés à un trouble psychiatrique, en soumettant les participants à une liste de 44 questions. Au premier rang, arrive le fait d'avoir des difficultés à gérer les responsabilités professionnelles et personnelles et l'équilibre entre ces deux domaines (dont fait état 15 % de la population étudiée) : 45 % des travailleurs exposés à un tel risque présenteraient un score pathologique au GHQ-28, vs 18 % des personnes qui n'y sont pas exposées.
Vient ensuite l'absence de soutien des collègues (dont témoignent 28 % des sondés), qui augmente de 53% le risque de présenter un trouble psychiatrique, ainsi que le sentiment de peur lors du travail, ressenti par 63 % des personnes interrogées.
Les autres facteurs de risques associés, quoique dans une moindre mesure, sont la peur de l'avenir professionnel, l'insatisfaction à l'égard des compensations financières et symboliques du travail, des situations professionnelles éprouvantes émotionnellement, des problèmes de communication au sein de l'entreprise, ou encore des efforts trop intense de concentration, des tâches trop répétitives, ou la perte de l'estime de soi.
La santé mentale, plus que jamais une priorité face au Covid-19
Dans un communiqué accompagnant la publication de cette étude, la Fondation Pierre Deniker alerte sur l'aggravation du déséquilibre entre vie professionnelle et vie personnelle dans la crise sanitaire liée au Covid-19. Aussi rappelle-t-elle l'importance de « mettre au centre du travail, la question de la santé mentale des actifs, dont la fragilité risque d’être mesurée dans les mois à venir ».
« On constate en psychiatrie un écart de 12 à 18 mois entre le moment d’une crise économique et l’apparition de ses conséquences sur la santé mentale des personnes. Au moment où nous mesurons précisément les liens, pour le meilleur et le moins bon, entre santé mentale et travail, nous rappelons que la santé mentale ne peut être une question de santé publique accessoire », conclut le Pr Raphaël Gaillard, chef de pôle au GHU Paris/Sainte-Anne et président de la Fondation Pierre Deniker.
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