Suspension du vaccin AstraZeneca : pourquoi la France maintient sa confiance

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Publié le 12/03/2021

Crédit photo : AFP

Les autorités sanitaires se veulent rassurantes et pédagogues, après l’annonce de plusieurs pays de suspendre l’utilisation du vaccin anti-Covid d’AstraZeneca par « mesure de précaution » à la suite d’événements thrombo-emboliques rapportés chez des personnes vaccinées.

« Les informations disponibles à ce jour indiquent que le nombre de thrombo-embolies chez les personnes vaccinées n’est pas supérieur à celui observé sur l’ensemble de la population » , a affirmé immédiatement l’Agence européenne des médicaments (EMA).

30 cas de thromboses en Europe, pas de lien de causalité selon l’EMA

Selon le comptage de l’EMA, 30 cas de thromboses ont été signalés à la date du 10 mars pour plus de cinq millions de personnes vaccinées dans sa zone (Union européenne, Norvège et Islande). « Il n’y a actuellement aucun élément permettant d’établir un lien de causalité entre la vaccination et ces évènements, qui ne sont pas listés comme des effets secondaires de ce vaccin », indique l’EMA. Des investigations sont en cours, mais pour l’heure, le rapport bénéfice/risque du vaccin reste positif et la vaccination avec ce produit doit être poursuivie, préconise l’agence sanitaire.

Même son de cloche du côté de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « Oui nous devrions continuer à utiliser le vaccin d’AstraZeneca, il n’y a pas de raison de ne pas l’utiliser », a déclaré Margaret Harris, l’une de ses porte-paroles.

Pas lieu de suspendre la vaccination en France

En France, un cas de thrombose multiple dans un contexte de CIVD (coagulation intravasculaire disséminée) a été analysé par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) le 11 mars. « Rien ne permet de conclure que cet effet soit en lien avec le vaccin », commente l’ANSM. Depuis le début de la vaccination avec AstraZeneca, 3 013 cas d’effets indésirables ont été analysés (syndromes pseudo-grippaux).

Le ministre de la Santé Olivier Véran a repris l’argumentaire lors de sa conférence de presse du 11 mars. « Il n’y a pas lieu de suspendre les injections de vaccin AstraZeneca. Le bénéfice apporté par la vaccination est jugé supérieur au risque à ce stade », a-t-il répété.

Quant aux experts, l’heure est à la circonspection. Sephen Evans, professeur de pharmaco-épidémiologie à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, qualifie de « super prudente » la position des pays nordiques, basée sur « des cas isolés, alors que la balance bénéfice-risque est toujours très en faveur du vaccin ».

« Au regard de l’intérêt de la vaccination, (cette décision est) un peu curieuse », a commenté au micro de France Info le Pr Rémi Salomon, président de la commission médicale d’établissement de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. « Il y aurait pu y avoir éventuellement une concertation entre les pays européens parce que ça brouille un tout petit peu le message. D’autant que quand on arrête la vaccination pour plusieurs jours, on prend du retard sur le calendrier vaccinal », a-t-il ajouté.

« Un principe de précaution, vous pouvez le mettre en place quand vous n’avez pas une maladie qui est en train de dévaster l’ensemble de la planète », a estimé aussi sur France Info le Pr Jean-Daniel Lelièvre, chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital Henri Mondor à Créteil (AP-HP), expert à la Haute Autorité de santé et auprès de l’OMS.

Des suspensions en domino

Pour rappel, lundi 8 mars, l’Autriche a cessé d’administrer un lot de vaccins produits par le laboratoire anglo-suédois, après le décès d’une infirmière de 49 ans qui a succombé à de « graves troubles de la coagulation » quelques jours après l’avoir reçu. Dans la foulée, l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie et le Luxembourg ont suspendu les vaccinations avec les doses de ce lot (le ABV5300) livré dans 17 pays et comprenant un million de vaccins. Une enquête préliminaire de l’EMA a estimé deux jours plus tard qu’il n’existait aucun lien entre le vaccin et le décès survenu en Autriche.

De son côté, l’Italie a interdit l’utilisation d’un autre lot de vaccins AstraZeneca (ABV2856), « à titre de précaution, suite aux informations sur certaines réactions indésirables graves ». LAgence italienne du médicament (AIFA) a souligné qu’aucun lien de cause à effet n’avait été établi entre l’administration du vaccin et les réactions graves. Qu’importe. La Roumanie a enchaîné, en interrompant la suspension de la vaccination avec 4 200 doses AstraZeneca provenant du même lot que celui suspendu en Italie. « Nous prenons cette mesure par extrême précaution, sans qu’aucune raison scientifique ne nous y ait contraints en Roumanie », a précisé le Centre national de vaccination jeudi à Bucarest.

En revanche, le Danemark, qui recense un cas de décès par thrombose d’une personne immunisée, puis la Norvège et l’Islande sont allés plus loin ce 11 mars, en suspendant l’utilisation du vaccin AstraZeneca, et pas seulement de certains lots, par précaution, après « des cas graves de formation de caillots sanguins » chez des personnes vaccinées. « À l’heure actuelle, on ne peut pas conclure à l’existence d’un lien entre le vaccin et les caillots sanguins », a précisé l’Agence sanitaire danoise, qui réévaluera sa décision d’ici à 15 jours.


Source : lequotidiendumedecin.fr