TROD en officine, PrEP en ville, comment la crise sanitaire pourrait accélérer la prévention du VIH

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Publié le 07/10/2020
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Crédit photo : S.Toubon

La crise sanitaire liée au Covid-19 a profondément déstabilisé les stratégies de prévention du VIH en France, révèle une étude présentée à l'occasion du congrès de la Société française de lutte contre le sida (SFLS), qui se tient virtuellement du 7 au 9 octobre.

La Dr Rosemary Dray-Spira, directrice adjointe du Groupement d'intérêt scientifique EPI-PHARE (ANSM-CNAM), s'est penchée sur le système national des données de santé (SNDS) en se concentrant sur les données de remboursement des médicaments délivrés sur ordonnance en pharmacie de ville et sur les actes de biologie prescrits réalisés en ville. L'objectif : mesurer l'évolution de l'utilisation des antirétroviraux (ARV) et de la prophylaxie pré-exposition (PrEP), pendant et après le confinement, et ce jusqu'au 13 septembre 2020.

L'évolution des délivrances d'ARV (hors PrEP) suit l'évolution des autres traitements chroniques, déjà observée par EPI-PHARE : un pic la première quinzaine du confinement, reflet d'un réflexe de stockage (de 35 000 à 45 000 délivrances par quinzaine, soit + 5 %), puis un retour à la normale, légèrement (de 1 %) au-dessus du niveau attendu (lui-même supérieur à ceux de 2018 et 2019) dès la fin mars.

La PrEP cassée par le confinement

En revanche, la crise du Covid a fortement infléchi le recours à la PrEP. Le nombre de délivrances a chuté de 5 500 par quinzaine avant le confinement, à 3 000 fin mars, soit une baisse de - 36 % par rapport au niveau attendu. La courbe remonte au déconfinement, mais n'a toujours pas rattrapé en septembre le niveau attendu (-19 %, soit près de 30 000 délivrances de moins que prévu).

Les instaurations de PrEP, qui avaient augmenté de 32 % début 2020 par rapport à 2019, s'effondrent pendant le confinement (-47 % par rapport à 2019), avant de remonter cet été (+14 % par rapport à 2019) sans pour autant retrouver l'élan de l'avant-confinement.

Même schéma pour les tests de sérodiagnostic VIH : leur nombre s'élevait à 150 000 tests par quinzaine avant le confinement, il tombe à 60 000 en mars (-50 %) puis remonte après le confinement tout en restant inférieur de 15 % à ce qui était attendu. Soit une différence de près de 650 000 tests par rapport aux niveaux escomptés.

Concrètement, cela signifie une « moindre couverture pour les personnes exposées, et des délais au diagnostic pour les personnes infectées », commente la Dr Rosemary Dray-Spira.

Vers la primoprescription de la PrEP en ville et des TROD en officine ?

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ces observations, à commencer par une baisse des relations sexuelles en raison des contraintes sanitaires, objet d'une enquête en cours de l'Inter-COREVIH en Ile-de-France.

Mais la désorganisation des structures de prévention ou d'infectiologie a sûrement joué, selon le Pr Gilles Pialoux, membre de la SFLS. « Nous étions envahis par le Covid-19 à Tenon, si bien que nous avons réorienté notre file active en ville, ou en téléconsultation. Or l'instauration d'une PrEP, qui suppose une démarche pluridisciplinaire, s'accorde mal avec la téléconsultation », explique-t-il. « Mais nous sommes depuis organisés avec des circuits séparés : il faut dire aux patients de revenir dans les centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (CEGIDD) et dans les centres de soins, sans avoir peur d'un risque d'infection au Covid-19 », exhorte-t-il.

La SFLS plaide aussi pour la réalisation des tests diagnostiques, là où les personnes se trouvent, notamment dans les officines. Quelque 75 % de 1 500 pharmaciens sondés par la SFLS seraient disposés à proposer des TROD VIH et hépatite dans leurs officines, une très grande majorité d'entre eux (95 %) réalisant déjà des tests grippe et angine. « La rémunération n'est guère un obstacle à leurs yeux. Ils veulent surtout être formés à l'entretien et mis en lien avec le réseau de confirmation d'une positivité et l'aval pour orienter la personne », précise Julie Langlois, du groupe « pharmaciens » de la SFLS, qui a mené l'étude, à la demande de la Direction générale de la santé (DGS).

Enfin, la SFLS compte sur la publication « fin novembre-début décembre » d'un décret d'application ouvrant la porte à la primoprescription de la PrEP en ville. « Le texte devait sortir en mars. Cela devrait se débloquer sous peu », espère le Dr Pascal Pugliese, président de la SFLS, en annonçant le lancement d'une plateforme d'e-learning pour accompagner les nouveaux prescripteurs.


Source : lequotidiendumedecin.fr