Dons de gamètes à l’étranger et poursuites judiciaires

Un rappel à la loi adressé aux gynécologues

Publié le 07/02/2013
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Crédit photo : S TOUBON

LA CIRCULAIRE signée du directeur général Jean-Yves Grall, a d’abord été envoyée fin décembre au Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), qui l’a adressé aux conseils départementaux. Les Agences régionales de santé (ARS) ont été chargées d’informer les praticiens en établissement.

Dans le détail, les médecins ne sont pas punissables s’ils reçoivent une publicité ou une sollicitation de l’étranger. Mais ils peuvent être poursuivis dès qu’ils transmettent une information sur une clinique ou un organisme étranger d’aide médicale à la procréation (AMP) à leur patiente, même s’ils ne reçoivent pas de paiement ni d’avantage. « Les risques encourus sont indépendants de la rémunération du praticien français par la clinique ou l’organisme étrangers ainsi que du recours effectif des patients, ainsi informés, à l’offre », insiste la circulaire.

« En l’espèce, le médecin est responsable de la mise en relation de ses patients avec la clinique ou l’organisme étranger dont les pratiques (en matière de don de gamètes) ne sont pas conformes à la législation nationale et permet donc, en toute connaissance de cause, un détournement de la loi française », peut-on encore lire dans le courrier du ministère de la Santé qui s’appuie sur l’expertise de la Direction des affaires criminelles et des grâces.

Même si la patiente renonce à entamer les démarches à l’étranger, le médecin est passible de sanctions, pour tentative de commettre le délit d’entreprise. La punition : 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, « sur le fondement » de l’article 511-9 du code pénal*.

Le ministère justifie ce rappel par l’augmentation du nombre de couples français qui se rendent à l’étranger pour bénéficier d’un don d’ovocytes alors que la gratuité et l’anonymat du don, érigés en principe en France, n’y sont pas toujours respectés. Entre 1 800 et 3 600 femmes auraient eu recours à un don d’ovocytes à l’étranger en 2009.

Les autorités tirent aussi la sonnette d’alarme sur « le démarchage de plus en plus offensif des praticiens français par des cliniques et des organismes étrangers ».

Des médecins stupéfaits

Émoi chez les gynécologues. S’ils sont unanimes pour qu’existe une condamnation des médecins qui acceptent d’être rémunérés, ils fustigent les sanctions contre les professionnels qui veulent avant tout aider leurs patientes. « Il y a des tentatives de corruptions. Moi-même j’ai reçu des lettres d’officines me proposant de l’argent, c’est interdit, et il est légitime de le rappeler. Mais tous les gynécos orientent des femmes à l’étranger, en donnant des adresses académiques, universitaires, plutôt que de laisser le couple se perdre dans des allers et venues mercantiles », conteste le Pr René Frydman. Le Dr Joëlle Belaisch-Allard, vice-présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) souligne, elle, les difficultés du don d’ovocytes en France. « Lorsqu’une patiente jeune me consulte pour un don d’ovocyte, je lui dis que le délai d’attente est de 18 mois à 2 ans. Quand une patiente a 40 ans, oui, j’ai donné des adresses en Espagne. Mais les patientes vont les chercher toutes seules sur internet ! », rapporte-t-elle. « Il existe avant tout un vrai problème de moyens concernant le don d’ovocytes en France. C’est toute l’organisation qui est à revoir ; il y a trop de demande, notamment de femmes qui ont la quarantaine, trop peu de donneuses, très mal indemnisées », poursuit la responsable du CNGOF. Le Dr Joëlle Belaisch-Allard estime que l’auto-conservation des ovocytes, pour les femmes de 35 ans, résoudrait la question en cinq 5 ans, en jouant sur l’offre et sur la demande.

*article 511-9 du code pénal : « Le fait d’obtenir des gamètes contre un paiement, quelle qu’en soit la forme, à l’exception du paiement des prestations assurées par les établissements effectuant la préparation et la conservation de ces gamètes, est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Est puni des mêmes peines le fait d’apporter son entremise pour favoriser l’obtention de gamètes contre un paiement, quelle qu’en soit la forme, ou de remettre à des tiers, à titre onéreux, des gamètes provenant de dons ».

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9216