« Les électrochocs dont notre société a besoin » : c'est ainsi qu'Édouard Philippe a qualifié les arbitrages – 40 mesures réparties en 3 axes – faits par le gouvernement, en conclusion du Grenelle contre les violences conjugales.
Ouvert le 3 septembre dernier, il s’est clos ce 25 novembre, journée internationale pour l'élimination de la violence contre les femmes, et a impliqué quelque 4 500 acteurs en 11 groupes de travail. « L'un des premiers succès de ce Grenelle a été de briser cette chaîne du silence », s'est félicité le Premier ministre.
Quelque 220 000 femmes majeures sont victimes de violences au sein du couple chaque année. En 2018, 121 ont été tuées dans le cadre conjugal ainsi que 28 hommes.
Exigence de réactivité
La protection des victimes est au cœur du plan, avec comme objectif premier, l'exigence de réactivité, dès les premiers signes de violence. C'est dans ce cadre qu'une évolution du secret médical – « question très difficile, redoutable » – est en cours de concertation et va se prolonger avec le Conseil national de l'Ordre des médecins, a indiqué Édouard Philippe.
S'il a rappelé que le secret médical était un principe fondateur de la relation de confiance entre patient et médecin, il a également estimé qu'il faudrait « offrir aux médecins la possibilité d'y déroger quand cela peut sauver des vies », dans certains cas très précis, comme « une urgence absolue avec risque de renouvellement de violences ». L'accord de la victime pourrait alors ne pas être indispensable.
Notion d'emprise dans le Code pénal
La notion d'emprise sera inscrite dans les Codes pénal et civil « afin de dire aux victimes qu'elles ne sont pas à l'origine de ce qui leur arrive », a argumenté Édouard Philippe. Le gouvernement veut aussi punir le suicide (ou la tentative) forcé, en en faisant une circonstance aggravante à l'infraction qui réprime actuellement le harcèlement moral. En 2018, 217 femmes se seraient suicidées en raison de violences conjugales subies.
80 postes de travailleurs sociaux
Toujours pour protéger les victimes, 80 postes supplémentaires d'intervenants sociaux seront créés dans les commissariats et brigades (contre 271 aujourd'hui), et le 3919 - Violences femmes info sera joignable 24h sur 24. Une proposition de loi portée par les députés LREM Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha, présentée en janvier prochain, devrait permettre de supprimer l'obligation alimentaire de l'enfant une fois adulte à l'égard du parent meurtrier et de suspendre ou d'aménager l'autorité parentale en cas de violences.
D'autres mesures avaient déjà été dévoilées : la réquisition des armes à feu d'un homme violent dès la première plainte, l'élaboration d'une grille d'évaluation du danger destinée aux gendarmes et aux policiers, le développement du dépôt de plainte à l'hôpital ou encore, la généralisation des bracelets antirapprochement dès 2020.
Vers des centres régionaux de prise en charge des auteurs
Le Premier ministre a exhorté à s'emparer de la question de la prise en charge des auteurs des violences, ne serait-ce que pour lutter contre la récidive. Dès l'enquête, ils seront l'objet d'une évaluation médico-psycho-sociale pour les orienter vers des protocoles existants, comme des groupes de parole.
Un appel à projet sera lancé pour qu'existent au moins deux centres de prise en charge des hommes violents dans chaque région, financés à 50 % par l'État. Et un nouveau dispositif pour soigner les troubles liés à l'alcool (présents dans 30 à 40 % des situations de violence) doit être mis en place.
Enfin, tout un volet de mesures vise à « traiter à la racine » les questions de violence et à éradiquer le machisme : elles concernent essentiellement l'école. Édouard Philippe a promis que l'État consacrera à ce sujet 360 millions d'euros l'an prochain et que 30 millions d'euros seront dédiés à la création d'espaces rencontres entre enfants et parents.
Accueil mitigé des acteurs de terrain
« Nous sommes loin des mesures chocs qui nous avaient été promises » réagit auprès du « Quotidien » le Dr Gilles Lazimi, militant à SOS Femmes 93 et au Collectif féministe contre le viol, professeur associé en médecine générale. « Beaucoup de mesures sont déjà dans la loi, explique-t-il. Tout l'enjeu réside dans son application et dans les moyens dont on dispose pour la mettre en œuvre ». Le généraliste dénonce aussi dans l'évolution du secret médical « une fausse bonne idée ».
« Le gouvernement rate le coche », commente Caroline De Haas, du collectif #NousToutes. « La déception est à la hauteur de l'immense mouvement, de l'attente soulevée ces derniers mois », a-t-elle ajouté, en regrettant que le Premier ministre n'ait « pas eu un mot » pour la mobilisation de samedi, et que les montants alloués ne soient pas à la hauteur des enjeux.
« Il est nécessaire de renforcer des dispositifs spécialisés comme l'hébergement et l'accompagnement des victimes », a pointé estimé Françoise Brié, qui dirige la Fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF).
Enfin, la présidente de la Voix de L'enfant Martine Brousse salue de premières avancées qui vont dans le bon sens pour les femmes et les enfants, deux causes à ne pas dissocier, selon elle. Et d'espérer que d'autres mesures relatives à la prise en charge des soins et à la prévention des violences trouvent rapidement une traduction concrète.
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