LA MIGRAINE EST caractérisée par la survenue de crises répétées de céphalées invalidantes pendant quelques heures à quelques jours chez un sujet normal. L’International Headache Society distingue la migraine sans et avec aura, cette dernière se caractérisant par des symptômes neurologiques focaux et transitoires qui précèdent ou accompagnent les céphalées.
La prévalence de la migraine en France est à nette prédominance féminine, puisqu’elle est globalement de 7,9 % en France, mais elle est maximale chez les femmes, 11,2 %, contre 4,0 % chez les hommes, soit 3 femmes pour un homme (1). Cette prévalence est particulièrement élevée chez les femmes entre 25 et 65 ans. Cela s’explique par le rôle physiopathologique des hormones sexuelles féminines. Le substrat de l’aura migraineuse et peut-être de la migraine consiste en en une brève excitation suivie d’une phase prolongée de dépression de l’activité neuronale qui se propage à la surface du cortex, phénomène bien décrit sur le plan expérimental et connu sous le nom de dépression corticale envahissante (2). Les caractéristiques cliniques de la migraine peuvent être envisagées pendant les menstruations, la grossesse et enfin au cours de la contraception orale.
Règles
La migraine menstruelle est définie par un renforcement menstruel des crises. Elle est caractérisée par sa durée plus longue qu’une crise non menstruelle, induisant un handicap fonctionnel plus important, et par sa prévisibilité, une anticipation négative étant ainsi possible. Deux stratégies thérapeutiques sont possibles. La première consiste à contrôler la maladie par un traitement de la crise, la seconde à envisager un traitement prophylactique périmenstruel, hors AMM mais fondé sur des preuves cliniques (3). Cette prévention peut faire appel à divers traitement sous réserve de leurs contre-indications, cardiovasculaires pour les triptans, digestives pour les AINS et gynécologiques pour l’estradiol.
Grossesse
La grossesse est classiquement une période de lune de miel, la migraine s’améliorant pendant cette période dans 60 à 70 % des cas (4). La seule difficulté réside donc dans la prise en charge médicamenteuse, qui ne doit pas induire de risque iatrogène. Le traitement de la crise peut faire appel au paracétamol, aux anti-inflammatoires avant le 6e mois, contre-indiqués au-delà de cette date en raison du risque de non-fermeture du canal artériel. Ce risque doit être expliqué à la patiente qui doit s’abstenir d’ibuprofène, souvent considéré comme du paracétamol. Concernant les triptans, les données disponibles sont rassurantes, en particulier au cours du premier trimestre. Les patientes peuvent donc être rassurées. Une étude norvégienne très récente, qui a porté sur 69 929 grossesses, confirme l’absence de risque au cours du premier trimestre, même s’il ne l’écarte pas au cours des 2e et 3e trimestres, en soulignant particulièrement le risque d’atonie utérine et d’hémorragie de la délivrance (5). Le traitement de fond peut faire appel aux bêtabloquants, en particulier le métoprolol.
Contraception
La contraception orale, enfin, augmente le risque neuro-vasculaire de certaines patientes migraineuses. Chez les femmes de moins de 35 ans, ayant une migraine avec aura et présentant des cofacteurs (tabagisme ou traitement estroprogestatif oral), le risque relatif de migraine atteint 34,4, chiffre impressionnant à pondérer par le risque neurovasculaire faible dans cette tranche de la population (6). Une véritable prévention devient ainsi possible. Celle-ci doit être individualisée. En cas de migraine avec aura « active » en particulier, les estroprogestatifs sont donc contre-indiqués, au profit des progestatifs ou d’un autre mode contraceptif.
Références
(1) Henry P, et coll. Prevalence and clinical characteristics of migraine in France. Neurology 2002 ; 59 (2) : 232-7.
(2) Bolay H, et coll. Intrinsic brain activity triggers trigeminal meningeal afferents in a migraine model. Nat Neurosci 2002 ; 8 : 136-42.
(3) Pringsheim T, et coll. Acute treatment and prevention of menstrually related migraine headache : evidence-based review. Neurology 2008 ; 70 (17) : 1555-63.
(4) MacGregor EA. Migraine in pregnancy and lactation: a clinical review. J Fam Plann Reprod Health Care 2007 ; 33 (2) : 83-93.
(5) Nezvalova_-Henriksen K, et coll. Triptan exposure during pregnancy and the risk of major congenital malformations and adverse pregnancy outcomes: results from The Norwegian Mother and Child Cohort Study. Headache 2010 (accepté pour publication). doi: 10.1111/j.1526-4610.2010.01619.x.
(6) MacGregor EA. Migraine and use of combined hormonal contraceptives: a clinical review. J Fam Plann Reprod Health Care 2007 ; 33 (3) : 159-69.
Conflits d’intérêt du Dr Lantéri-Minet : compensations personnelles ou pour le Département d’activités de conseil ou de recherche clinique avec les laboratoires suivants : Allergan, Almirall SAS, AstraZeenca Pharmaceuticals, Glaxo-Smith Kline Inc, Grunenthal, Eli Lilly & Company, Johnson & Johnson, Medtronic, Menarini, Merck, Pierre Fabre, Pfizer Inc, sanofi-aventis, UCB, Zambon.
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