Maxime Smadja, président de l'association Avec nos proches

« Face aux aidants, il y a un sentiment d’impuissance »

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Publié le 28/11/2022
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Pharmacien installé à Chatou (Yvelines) et ancien aidant, Maxime Smadja préside depuis 2021 l’association Avec nos proches. Selon lui, il est essentiel que les médecins généralistes prennent davantage en compte la santé des aidants, susceptibles de développer eux-mêmes des maladies. Une étude BVA-Novartis publiée en 2020 a montré que l’âge moyen d’un aidant se situait à 64 ans.

Crédit photo : DR

Il y aurait en France plus de 11 millions de personnes qui soutiennent quotidiennement un proche en perte d’autonomie ou en situation de handicap. Quel est le profil type de l’aidant ?

Maxime Smadja : Au vu du nombre important d’aidants en France, il va sans dire que les situations sont très variées. Cela peut aussi bien être un parent qui s’occupe d’un enfant handicapé que quelqu’un qui s’occupe de son frère ou de sa sœur souffrant d’addiction. Les statistiques montrent toutefois qu’il y a une majorité de femmes parmi les aidants. Il a aussi été observé que la tranche d’âge des 60-65 ans est la plus représentée. Dans ce cas de figure, les aidants d’une soixantaine d’années s’occupent le plus souvent de leurs parents ou encore de leur conjoint.

À cet âge-là, le risque qu’ils développent eux-mêmes une maladie est d’autant plus important…

M. S. : Oui, c’est pour cela qu’il est essentiel que leur santé soit aussi prise en compte. Les aidants sont des personnes qui ont tendance à s’oublier un peu. Et d’ailleurs, les médecins généralistes en sont les premiers témoins. Comme ils suivent sur le long terme des patients aidés, ils peuvent s’apercevoir qu’au fil du temps, la santé des aidants se dégrade. Avec les différentes tâches que les aidants assurent (toilette, aide pour le lever et le coucher…), des douleurs physiques comme le mal de dos peuvent apparaître. Peuvent ensuite en découler des pathologies plus graves. Des problèmes d’ordre psychologique, d’anxiété, voire de dépression, surviennent aussi régulièrement chez les aidants. On observe également un stress et une fatigue extrême qui peuvent conduire à l’épuisement. Une étude menée en 2021 par notre association auprès d’anciens aidants a montré que 24 % d’entre eux avaient souffert de problèmes psychologiques, 21 % de troubles du sommeil et 16 % de douleurs physiques. Ces problématiques étaient apparues au cours de la période d’aide.

Quelles sont les clés pour repérer un aidant lorsqu’on est médecin généraliste ?

M. S. : En tant que pharmacien, je n’ai évidemment pas la même approche que les généralistes car je ne travaille pas en cabinet médical. En revanche, je pense qu’il y a quelques clés pour mieux appréhender le rôle des aidants et aussi mieux les repérer. En premier lieu, je pense qu’il est essentiel d’automatiser le fait que si une personne accompagne un proche malade en consultation, cela signifie que cette personne est forcément aidante. En ce qui concerne les aidants que les médecins ont dans leur patientèle, c’est un sujet qui arrive généralement assez vite dans l’échange. Si un patient se plaint de douleurs physiques ou de troubles du sommeil en raison de sa situation d’aidant, cela doit mettre la puce à l’oreille du médecin. Souvent, il y a face aux aidants une méconnaissance, un sentiment d’impuissance de la part des professionnels de santé. C’est tout à fait normal puisque c’est un sujet qui n’est absolument pas abordé pendant les études de santé.

Que conseillez-vous à un médecin qui veut agir concrètement ?

M. S. : Forcément, lorsqu'on est face à ce type de situations on ne sait ni quoi faire ni quoi proposer. Il faut savoir qu'il existe pourtant des solutions à l'échelle locale et nationale. Cela peut être du soutien moral proposé par des associations comme la nôtre, des orientations vers des structures qui proposent du répit, des aides financières etc. Ensuite, il faut parvenir à changer notre regard, changer notre façon de parler. Demander à l'aidant comme il va est déjà une très bonne chose. Le généraliste peut ensuite envisager de prendre l'aidant à part quelques secondes pour lui dire qu'il l'a reconnu comme aidant, essayer ensuite d'identifier ses éventuelles difficultés. Cela peut être le moment opportun pour lui de dire qu'il existe des solutions et des aides pour le soutenir et l'orienter vers des structures dédiées.

L’interprofessionnalité est-elle une piste pour améliorer le repérage des aidants ?

M. S. : Effectivement, l’interprofessionnalité, que ce soit dans le cadre de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ou sous d’autres formes, est une des solutions qu’il faut encourager et promouvoir. Cette nouvelle façon de travailler va faciliter l’échange entre professionnels de santé et donc permettre un meilleur repérage des aidants. Ce lien entre les professionnels de santé renforce également la possibilité d’effectuer un suivi des prises en charge et améliore ainsi le parcours de soins. Pour l’instant, ces collaborations interprofessionnelles ne sont pas encore très présentes mais elles se développent progressivement. Le numérique en santé, avec l’usage de messageries sécurisées pour communiquer entre professionnels, va permettre de renforcer ces liens. Par ailleurs, l’interprofessionnalité peut aussi être un bon moyen de favoriser la formation de professionnels qui travaillent ensemble.

L’association Avec nos proches propose une formation certifiante à destination des professionnels de santé désireux de se former à la thématique des aidants. Depuis 2012, l’association propose une ligne téléphonique nationale anonyme, disponible 7 jours sur 7 de 8 à 22 heures La ligne est tenue par des aidants bénévoles.


Source : Le Généraliste