Le point de vue du Dr Gilles Lazimi*

Il ne faudrait pas oublier le rôle des parents dans l’accompagnement de leurs enfants

Publié le 08/10/2018
Gilles Lazimi

Gilles Lazimi
Crédit photo : Nicolas Moulard

C’est un fait, les enfants et jeunes adolescents ont de plus en plus facilement accès à des images à caractères pornographiques. Un très grand nombre de sites et de réseaux sociaux en sont inondés. Et il est facile pour des jeunes de tomber sur ce type de contenus. Ce tout accès au net par les smartphones peut amener n’importe quel enfant ou adolescent sur des sites potentiellement délétères pour eux, tant pour leur perception des relations sexuelles, que pour leur approche amoureuse future.

Imposer des filtres aux hébergeurs est une excellente idée

La survenue, parfois inopinée chez des très jeunes enfants, d’images pornographiques choquantes, avec des images sexistes et dégradantes pour les femmes sur les réseaux sociaux, les recherches Google et autres sites marchands doivent être empêchées sur les ordinateurs des enfants et sur les smartphones.

La proposition du président Macron de confier le contrôle de ces contenus en ligne au CSA est intéressante. Imposer des filtres aux sites et aux hébergeurs pour limiter l’accès des plus jeunes est aussi une excellente idée. Encore faut-il que nous soyons capables techniquement d’empêcher tout contournement. Et que l’État y affecte le personnel suffisant.

Néanmoins, c’est avant tout aux parents d’effectuer un contrôle. Il leur revient aussi de s’interroger : confier aux enfants trop jeunes des smartphones et autres tablettes est un risque.

Les jeunes ne sont pas plus sexualisés que leurs aînés

Et puis, il ne faudrait pas oublier le rôle des parents dans l’accompagnement de leurs enfants. Ces images et films peuvent en effet perturber plus ou moins gravement certains enfants déjà fragilisés par un manque d’attention parentale ou des violences psychologiques, physiques ou sexuelles, un manque d’affection, un abandon entraînant une baisse d’estime de soi, des difficultés relationnelles, des troubles du comportement, des difficultés scolaires. L’aide à la parentalité, la sensibilisation au développement de l’enfant et une éducation bienveillante, sans violence, peut permettre de développer les compétences psycho sociales de nos enfants et les mettre à distance de ces dangers.

Quant à penser que la pornographie sur internet est responsable de tous les maux, tous les débordements sexuels et les violences sexistes, voilà une généralisation bien simpliste ! Certains répètent à foison que notre jeunesse est dépravée. Il n’en est rien ! Oui, il y a des modes, mais les jeunes ne sont pas plus sexualisés ou libérés sexuellement que leurs aînés. Gardons-nous de chercher des raisons extérieures à une sexualité des jeunes qui est normale et pas de façon notable différente de celle de leurs parents. L’âge moyen du premier rapport est à 17 ans chez la jeune femme et chez le jeune garçon, il n’y a pas de modification depuis plus de 40 ans.

L'impact de la pornographie est faible

Dans Le Monde, Janine Mossuz-Lavau estimait récemment, à propos de son étude sur la sexualité des Français, que l’impact de la pornographie auprès des jeunes est faible : « Je pense qu’il ne faut pas en faire une montagne. Les jeunes font très bien la différence entre ce qu’ils voient sur écran et ce qui va se passer pour eux. » Pour un grand nombre, la consommation d’images pornographiques s’inscrit dans un processus de développement normal et peut se comprendre comme une conduite exploratoire et transgressive banale pour l’âge. Si les adolescents sont élevés dans une famille aimante, présente, disponible et attentionnée, ces images ne développeront pas de troubles ni de difficultés futures.

Notre jeunesse est attentionnée, amoureuse et loin des débordements sexuels évoqués par certains. Les violences sexistes existent depuis bien longtemps, bien avant la pornographie sur internet. Elles sont encore massives, toujours insuffisamment condamnées par la justice, mais elles diminuent, grâce aux campagnes de sensibilisation, à la libération de la parole et à la diminution de l'intolérance.

Le rôle des séances d'éducation à la sexualité

Il ne faudrait pas d’ailleurs qu’un certain discours sur les ravages de la pornographie fasse l’impasse sur la responsabilité des parents et de notre société qui reste sexiste. Rappelons que le premier lieu d’apprentissage de toutes les violences est la famille. Plus de 85 % des auteurs de violences sexuelles sont des parents ou des proches des mineures. L’impact des violences conjugales, des violences physiques et sexuelles sur les enfants est majeur sur leur développement, leur apprentissage, l’estime d’eux-mêmes, leurs relations aux autres et leur capacité à se défendre, à subir des violences ou à en être responsable.

Il est important d’être à l’écoute de son enfant, pour l’aider à être critique, afin qu’il ou elle puisse faire la différence entre les images vues et la réalité des relations filles-garçons. Les séances d’éducation à la sexualité et à l’égalité sont essentielles aussi pour leur permettre de développer un sens critique envers la pornographie. Elles sont encore insuffisamment réalisées dans les établissements ; et malheureusement pas réalisées par des professionnels du Planning familial ou de l’Égalité homme femme.

* Médecin généraliste, centre de santé de Romainville(93), enseignant à la Faculté de Médecine Sorbonne Universite, membre du Haut Conseil à l’Egalité Femmes-Hommes

Source : Le Quotidien du médecin: 9692