Les inégalités en voie de disparition

Les données épidémiologiques soulignent que les décès cardiovasculaires sont plus nombreux chez les femmes que chez les hommes. Ceci a été montré aux Etats-Unis comme en Europe : les maladies cardiovasculaires sont à l'origine de la moitié des décès chez les femmes et de 40% des décès chez les hommes. Ces données brutes doivent toutefois être nuancées car les femmes vivent plus longtemps que les hommes.

Les décès prématurés, avant l'âge de 75 ans, sont par contre deux fois plus fréquents chez les hommes que chez les femmes, et ceux survenant avant l'âge de 65 ans, 3 à 4 fois plus fréquents chez les hommes.

Une hausse des infarctus du myocarde chez les jeunes femmes 

Le phénomène inquiétant est l'augmentation de l'incidence des infarctus du myocarde (IDM) chez les femmes jeunes. Une analyse française récente faite à partir des données du PMSI montre que sur la période 2002-2013, l'incidence des IDM a globalement baissé. Chez les patients de moins de 65 ans, cette incidence a été à peu près stable chez les hommes (+10% sur la période), mais elle a connu une augmentation de 25% chez les femmes, avec toutes les conséquences humaines, médicales et sociales que cela implique.

De même, l'analyse des registres entre 1995 et 2015 met en évidence une baisse de l'âge moyen des infarctus avec sus décalage de ST, de 2 ans chez les hommes et de 4 ans chez les femmes.

"Cette augmentation préoccupante des IDM chez les femmes jeunes est très probablement en lien avec le tabagisme", a souligné le Pr Nicolas Danchin.

 L'IDM chez la femme a-t-il des spécificités? Selon les données du registre FAST-MI, les femmes, en particulier les plus jeunes,  présentent plus souvent un syndrome coronaire aigu sans sus-décalage de ST. Mais en termes de présentation clinique, le registre e-MUST  tenus par le Samu-Smur d’Ile-de-France ne retrouve pas de différence marquée entre femmes et hommes. La seule différence notable concerne la plus grande fréquence chez les femmes d'une insuffisance cardiaque dès la phase aiguë de l'IDM, et ce dans toutes les tranches d'âge. 

Vers une égalité de prise en charge entre hommes et femmes ?

Y-a-t-il des différences entre femmes et hommes dans la prise en charge ? Le délai d'appel est plus long chez les femmes, sans que cela ne soit bien expliqué : plus grande résistance des femmes à la douleur ? Diagnostic moins souvent évoqué ?

Mais ensuite, la prise en charge est globalement comparable.

L'accès au traitement de reperfusion a nettement progressé depuis 1995, année où il n'était que de 33% chez les femmes comparativement à 56% chez les hommes, après ajustement sur l'âge. "Désormais, la différence  n'est plus statistiquement significative", a indiqué le Pr Danchin. La prise en charge médicamenteuse à l'hôpital est comparable, mais on note encore une moindre proportion de traitement approprié à la sortie de l'hôpital chez les femmes âgées. La différence la plus nette porte sur la prescription de statines, qui certes a progressé depuis 2005, passant de 11% à 42%, mais qui reste en deça de celle observée chez les hommes, de 20% en 2005 et de 54% en 2016.

Enfin, en termes de risque de décès, les femmes sont exposées à un risque accru de mortalité intra-hospitalière (4,9% vs 2,9%), mais à plus long terme (5 ans), leur risque tend à être plus faible que chez les hommes après ajustement sur l'âge et les facteurs de risque (- 13%, non significatif). Cette différence est encore plus nette -mortalité réduite de 26% à 5 ans- si l'on ajuste sur les données de prise en charge. 

Longtemps pointées du doigt, les différences de prise en charge entre les hommes et les femmes ont donc été fortement réduites.  La moindre mortalité à long terme chez les femmes pourrait cependant être encore plus marquée si leur prise en charge était strictement comparable à celle des hommes.

D'après la communication du Pr Nicolas Danchin, Paris.