Cancer du poumon

Lever les freins à l’accès à l’innovation

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Publié le 26/11/2018
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Avec plus de 30 000 décès annuels, le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer en France, chez l’homme mais désormais aussi chez la femme. Dans la plupart des cas, le diagnostic est fait à un stade avancé, métastatique chez 7 patients sur 10, pour lesquels le traitement était historiquement basé sur une chimiothérapie, avec un pronostic très sombre (70 % de décès à 1 an).

La révolution génomique, en marche depuis une dizaine d’années, a permis de mettre en évidence certaines mutations génétiques (mutation d’EGFR, translocation d’ALK et de ROS1), accessibles à des thérapies ciblées, beaucoup plus efficaces et mieux tolérées que les chimiothérapies, et administrées par voie orale, donc moins contraignantes. Avec ces traitements ciblés, qui concernent environ 15 % des patients dans le cadre de l’autorisation de mise sur le marché (AMM), une diminution de la taille de la tumeur est rapportée dans 80 % des cas, et la survie peut être prolongée de plusieurs années. « Il est en effet possible de donner successivement plusieurs thérapies ciblées, au fur et à mesure du développement des résistances », précise le Pr Nicolas Girard, de l’Institut Curie.

De nouvelles modalités de remboursement bien malvenues

Grâce aux 28 plateformes de génétique moléculaire des cancers réparties sur l’ensemble du territoire, tous les patients ont pu bénéficier d’une analyse des biomarqueurs génétiques, avec depuis quelques années un accès aux nouvelles technologies de séquençage (NGS, pour next generation sequencing). D’autres mutations, rares, ont ainsi été mises au jour, et de nouvelles thérapies ciblées ont été évaluées, non dans des études randomisées, au trop faible nombre de patients, mais dans des études de cohorte. « Mais l’absence d’études de phase III empêche l’accès de ces médicaments au marché, regrette le Pr Girard, qui plaide pour une évolution des règles. Par ailleurs, la mise en place depuis janvier dernier de nouvelles modalités de remboursement (sur facturation avec un médecin prescripteur) ralentit l’accès à ces plateformes et menace leur recours automatique en routine. »

Deuxième révolution, plus récente, le développement de l’immunothérapie, qui agit non en détruisant directement les cellules cancéreuses, mais en les « démasquant », ce qui permet au système immunitaire de les reconnaître. Pour les 30 % de patients dont la tumeur est sensible aux inhibiteurs de checkpoint, l’immunothérapie seule permet une survie de 70 % à 1 an, au prix de peu d’effets secondaires. Des résultats équivalents sont rapportés lorsqu’elle est associée à la chimiothérapie, cette fois chez tous les patients. « Mais là aussi les réglementations ne sont plus adaptées, souligne le Pr Girard : encore récemment il n’était pas possible d’avoir une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) lorsque l’immunothérapie avait déjà une AMM dans un autre cancer. L’élargissement des ATU aux extensions d’indication devrait permettre de lever l’un des freins à l’accès à l’innovation tout en respectant les procédures indispensables à l’évaluation du médicament. »

D’après un entretien avec le Pr Nicolas Girard, Institut Curie, Paris

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin: 9705