Le décalage entre l’attrait fantasmé de la société pour les technosciences et les innovations de la science se trouve exacerbé par la vulgarisation des avancées technologiques dans les films de science-fiction et dans certains médias. « Aujourd'hui, un certain sensationnalisme extrapole les résultats scientifiques et suscite des débats passionnés sur l’« homme augmenté », y compris au sein de la communauté des chercheurs », souligne Nathanaël Jarrassé, chercheur au CNRS, Institut des systèmes intelligents et de robotique (ISIR - UPMC).
Dans les laboratoires de recherche, les innovations technologiques dédiées notamment aux personnes amputées, porteuses de prothèses, sont remarquables. Mais plusieurs facteurs limitent et retardent leur transfert en vie réelle. « En effet, l'appareillage dédié aux personnes amputées concerne un marché de niche : les investissements des entreprises nécessaires au transfert de prototypes de laboratoires sont importants, mais les retours sur investissement restent faibles. En outre, certaines prothèses très sophistiquées souvent médiatisées restent des objets qui ne sont fonctionnels qu’en laboratoire. Dans la vraie vie, ces appareils seraient, tels quels, loin d'être utilisables : le patient mettrait trop de temps à les installer, les configurer et les maintenir fonctionnels », note Nathanaël Jarrassé.
Le long apprentissage des personnes appareillées
Ainsi, la complexité, pour l'utilisateur, induite par ces technologies a tendance à être méconnue du grand public. « On a, aujourd'hui, tendance à penser que c'est la technologie qui fait tout. Ce mythe est largement entretenu par les films de science-fiction mettant régulièrement en avant, par exemple, des exosquelettes capables de transformer les hommes en surhommes. Or à l'heure actuelle, aucun exosquelette n'est capable d'augmenter les capacités de l'être humain. Les appareillages disponibles pour les patients réparent encore très mal et nécessitent beaucoup d'énergie de la part des utilisateurs pour pouvoir les faire fonctionner correctement », affirme Nathanaël Jarrassé.
De fait, l’appropriation des prothèses nécessite un long apprentissage : l’appropriation instantanée n'est encore qu'un mythe engendré par la fiction. Exemple : les prothèses proposées aux patients amputés du membre supérieur sont composées d’une main plus ou moins sophistiquée et d’un poignet rotatif motorisés, exploitant une technologie dite myoélectrique (utilisant les signaux électriques d’activation musculaire mesurés par des électrodes placées dans l’emboîture de la prothèse). Aussi simples qu’elles paraissent, ces prothèses exigent des heures d’entraînement pour pouvoir être commandées correctement et de façon instinctive. « Aujourd'hui, les prothèses de mains sont très innovantes et permettent une préhension fine des objets. Les patients doivent, néanmoins, apprendre une multitude de codes de contractions musculaires très précis pour pouvoir les piloter », note Nathanaël Jarrassé. Il est donc fondamental de rappeler que, bien que décrits comme « robotiques », ces dispositifs ne sont pas autonomes mais des outils qui ne sont rien sans le contrôle expérimenté de leur utilisateur.
D'après un entretien avec Nathanaël Jarrassé, chercheur au CNRS, Institut des systèmes intelligents et de robotique (ISIR - UPMC)
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