Courrier des lecteurs

Brigitte Bourguignon : que peut-on en attendre ?

Publié le 03/06/2022

Des défis urgents et colossaux l’attendent mais en période de transition, jusqu'aux prochaines législatives, aura-t-elle la capacité et la volonté de s’attaquer à l'urgence ? Crise des hôpitaux et urgences saturées, déserts médicaux, pénurie de soignants et déficits abyssaux ne lui laissent aucune manœuvre à court terme. Le fait d'accoler la prévention à la santé dans l'intitulé de portefeuille semble accréditer la volonté d'Emmanuel Macron d'engager enfin un vrai chantier sur ce dossier mais ce n’est pas ce qui est le plus urgent.

Observons d'abord que la nouvelle ministre est marquée depuis 2012 par les couleurs du PS, élue sous cette étiquette députée dans le Pas-de-Calais. Avec la Loi Touraine et un numerus clausus trop serré, elle ne peut pas ignorer d’où vient le mal. Réélue en 2017 sous celles de LREM, elle devient alors présidente de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée, puis ministre chargée de l'Autonomie dans le gouvernement Castex. Elle a donc parfaitement suivi la politique de santé qui nous a amenés au bord du gouffre.

Mais pour l'heure, les défis immédiats et urgents sont considérables. Le malaise hospitalier demeure profond avec un été à hauts risques : pénurie et fatigue du personnel et crise des urgences avec au moins 120 services en détresse. La panne d'attractivité, les pénuries d'effectifs, l’absentéisme et les démissions imposent des mesures fortes et rapides. À l'hôpital, un « électrochoc » sur les moyens et les effectifs est réclamé à cor et à cri. Mais sans changer de fond en comble l’organisation hospitalière, rien ne sera possible et repasser aux 39 heures serait mal reçu avant les législatives. Un seul signal pourrait être donné dès son arrivée : réintégrer les soignants suspendus.

De premiers tests majeurs

En médecine de ville, les revendications ont pris de l'ampleur avant que soient lancées à la rentrée les négociations en vue de la nouvelle convention médicale. Dans ce contexte, la future « convention des parties prenantes », annoncée par le candidat Macron pour trouver dès cet été des solutions aux graves difficultés d'accès aux soins, et réformer le système de santé, seront les premiers tests majeurs pour la nouvelle ministre. En ville, la question des déserts médicaux s'est imposée lors de la campagne présidentielle avec des arbitrages délicats attendus sur la liberté d'installation et les délégations de tâches. Cautères sur jambe de bois ! En réalité, trop peu de praticiens sont dévolus aux soins et beaucoup trop à l’administratif.

Au-delà, deux ans après le Ségur de la santé, c'est au secteur dans son ensemble – des étudiants en santé aux blouses blanches en exercice, des prestataires de santé à domicile aux Ehpad – que la ministre devra apporter des réponses fortes. Dans les Ehpad, Emmanuel Macron a promis 50 000 nouveaux postes d'infirmières et d'aides-soignants sur cinq ans, alors que les candidats font défaut. L’Internat de médecine générale est trop tardif et pas assez formateur. Le prolonger d’un an pour envoyer les internes dans les déserts serait une fausse bonne idée.

S'agissant des comptes sociaux enfin, c'est déjà la préparation du projet de loi de financement de la Sécu (PLFSS 2023) qui se profile, avec une équation insoluble : engager le redressement de la Sécu, exsangue (24,6 milliards d'euros de déficit l'an passé, + 130 cantonnés dans la CADES) alors que les revendications du secteur n'ont jamais été aussi fortes avec une inflation qui approche les 5 %.

Mais il faudra attendre juin pour voir la direction qui sera prise. Le premier gouvernement Borne devrait s'élargir au début de l'été, à la lumière des résultats du scrutin. De nombreux noms avaient circulé pour succéder à Olivier Véran. Peut-être l’un d’eux succédera à l'actuelle titulaire après les législatives…

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Bernard Kron, Chirurgien, Membre de l'Académie Nationale de chirurgie

Source : Le Quotidien du médecin