Ce projet est en réalité une véritable intrusion dans le colloque singulier entre le patient et son médecin. Qui mieux que lui, qui accompagne son malade dans son ultime chemin, sait ses souffrances, sa solitude, ses désirs et hésitations… ? Pour des raisons sociales et scientifiques, la médecine moderne a transporté ce colloque du domicile à l’hôpital où il est maintenant partagé avec infirmiers, infirmières et le collège médical où il y a toujours un confident particulier.
Les médecins ont depuis bien longtemps cherché à procurer une fin sans douleur. Malheureusement ils ne peuvent pas tout. Ils ont donc participé à l’élaboration de la loi Claeys-Leonetti. De “belles âmes” qui ne sont pas en charge des problèmes s’autorisent à la traiter d’Hypocrite au motif que les drogues utilisées pour l’antalgie tuent le malade… mais que proposent-ils ? On ne sait pas bien mais en tout cas, tout autre chose sous un masque humanitaire, disent-ils, en se drapant dans la dignité. Serait-ce à dire que les médecins accompagnent indignement leurs malades ? Quelle honte…
Ils dissimulent d’ailleurs ce que j’appellerai leur “Gène” dans des artifices sémantiques et des périphrases qui laissent à penser qu’ils auraient des problèmes pour appeler un chat, un chat et donc la Vérité en face… Une personne qui se donne la mort : c’est un suicide. Une personne qui l’aide en cas d’incapacité physique : c’est un suicide assisté. Une personne qui agit à sa place : c’est une Euthanasie. Ils auront beau tripoter la langue, personne n’est dupe et cela ne changera rien.
En plus, ils emploient un énorme et monstrueux abus de langage en osant parler de soin ! C’est attentatoire à la Médecine et à la totalité du corps médical. On ne soigne pas quand on tue. De surcroît, le projet envisage que le tiers éventuel intervenant soit “volontaire” mais il ajoute “ou un médecin ou infirmier désigné par le patient”. Mais comment une loi pourrait donner à quiconque le droit de désigner celui qui va le tuer ! C’est impensable, un droit signifie en face, obligation ! … Réponse ? La loi n’a pas à intervenir dans le colloque singulier. Mais il y a encore pire. Depuis des années l’État n’a rien fait pour développer des centres de soins palliatifs et de plus on apprend que l’un d’entre eux vient de fermer… c’est Ubuesque. Alors, il botte en touche en agitant ce projet non réfléchi, prétendant résoudre ces effroyables problèmes et il en profite pour y adjoindre une autre situation dramatique et tout aussi respectable mais qui n’a rigoureusement rien à voir avec la fin de vie remplissant les quatre conditions requises puisqu’il en manque deux. On veut nous faire croire que les cas sont identiques. Pas le moins du monde. L’angoisse de celui qui apprend être atteint d’une maladie incurable est un tout autre problème et cette loi ouvrirait la porte à une multiplicité ingérable d’interprétations amenant inexorablement à des dérives parfaitement enregistrées dans les pays qui ouvrent cette porte.
Si l’État persiste, il faudra qu’il crée des structures totalement indépendantes du système médical et hospitalier. Le corps médical saura lui donner une “recette” éprouvée qu’il utilisera sans aucune aide médicale autre. La pose d’une perfusion leur sera enseignée bénévolement par les drogués. Quant à un sauvetage “à l’envers”, ils appelleront les urgences !
Ils osent parler de modalités de mise en œuvre comme si on avait à choisir entre le cyanure instantané et un voyage séraphique vers un Nirvana !
Que ne réfléchissent-ils pas à ce qu’ils ont vécu lors d’une anesthésie générale.
Enfin, ce projet n’aborde pas les cas ultra-complexes type Lambert qui ont bouleversé tant de monde… Est-il possible de reprendre cela sereinement, j’en doute quand on n’appelle pas un chat par son nom.
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