La NFS de cette femme de 85 ans, traitée pour une fibrillation atriale par AVK, un diabète et une polydiscarthrose montre une anémie avec un taux d’Hb à 10,3 g/100 ml. le VGM est à 87mg, les plaquettes à 450 000/mm3, la ferritine à 65 mg/l, la clearance de la créatinine à 35 ml/mn, l’INR à 1,98, la CRP à 33mg/l (N<10). Trois mois plus tôt son taux d’hémoglobine était à 11,1. Un dosage des réticulocytes est alors demandé : 45 000/mm3.
COMMENT INTERPRETER LES RESULTATS DE NFS ?
Cette patiente présente une anémie normochrome normocytaire aregénerative. Sa ferritine est normale de même que le volume globulaire.
- La ferritine est normale, mais un taux normal n’élimine pas une carence martiale, car il est augmenté en cas d’inflammation. L’anémie est normocytaire ce qui, à priori, ne semble pas en accord avec une anémie ferriprive mais les personnes âgées ont fréquemment un déficit d’absorption des folates et de la B12 responsables d’une macrocytose dissimulant alors la microcytose liée à la carence martiale.
- La CRP élevée et la thrombocytose (qui est egalement un bon marqueur de carence en fer) révèlent un processus inflammatoire modéré et probablement chronique. Un phénomène inflammatoire chronique peut participer à l’anémie de cette femme dont le taux d’hémoglobine était déjà un peu bas trois mois plus tôt mais il ne devrait pas suffire pour expliquer sa chute récente.
- La clearance de la créatinine est basse, une insuffisance rénale chronique participe au mécanisme d’une anémie mais celle –ci n’est pas à un stade suffisamment sévère pour expliquer l’anémie
- Si plusieurs causes peuvent être en jeu, la crainte première pour cette femme est celle d’une carence martiale par saignement, d’autant qu’elle est sous anticoagulant pour sa FA.
QUELS EXAMENS COMPLEMENTAIRES ?
- Un coefficient de saturation de la transferine qui, s’il est abaissé, est en faveur d’une carence martiale, mais sa fiabilité est mauvaise en cas de syndrome inflammatoire. « Nous lui préférons le dosage du récepteur soluble de la transferrine. A la différence de la ferritine, il n’est pas modifié en cas de maladie inflammatoire. Lorsqu'il est élevé, il affirme une carence en fer. » Un taux élevé chez cette patiente doit faire rechercher très rapidement un saignement digestif (coloscopie et FOGD). Les endoscopies digestives sont bien tolérées par les personnes âgées.
- Un dosage de B12 et de folates, de principe. Leur carence participe à l’anémie mais elle ne peut être responsable de la baisse rapide du taux d’hémoglobine.
- Une TSH et une exploration du syndrome inflammatoire (EPP, bilan hépatique…)
- Pas de dosage du fer sérique qui n’est pas un bon examen.
UNE PATHOLOGIE PLURI FACTORIELLE À CET ÂGE
L’anémie est fréquente chez le sujet âgé. On estime que 10 à 15 % des personnes entre 75 et 85 ans ont une anémie et 20 à 25 % après 85 ans. Il n’y a pas de réduction du taux d’hémoglobine par processus physiologique lié à l’âge mais la réponse médullaire est plus lente avec le temps et les situations pathologiques augmentent chez les sujets âgés (les polymédications aussi…). Il faut rechercher une cause curable devant toute modification du taux d’hémoglobine de plus de 1g/100 ml ou un taux inferieur à 11,5/100 ml.
› Chez la personne âgée, plusieurs étiologies peuvent coexister :
- une maladie inflammatoire
- une carence protidique et vitaminique
- une malabsorption des folates et de la B12
- une carence martiale due à une perte, souvent chronique, par saignement habituellement d’origine digestive (polypes, diverticules, hernie hiatale…). Mais aucune cause n’est décelée dans plus de 30 % des cas. Les personnes âgées ont toujours un "fond" inflammatoire qui majore le taux de ferritine et rassure à tort. Une ferritine basse est pathognomonique et ne nécessite aucun autre dosage puisque elle affirme la carence en fer.
- une insuffisance rénale chronique par déclin progressif de la production rénale d’EPO
- une hypothyroïdie
- un syndrome myélodysplasique…
Il faut se souvenir que l’anémie des personnes âgées est peu microcytaire, le VGM qui augmente avec l’âge et du fait des carences multiples en folates et B12 perd son intérêt diagnostique. Et il faut penser à demander, seulement en deuxième intention, si la ferritine est normale et que le doute persiste, un dosage du récepteur soluble de la transferrine qui permet de différencier les anémies ferriprives des anémies des maladies chroniques (inflammatoires, néoplasiques…).
TRAITER L’ ANÉMIE
L’anémie de la personne âgée doit être traitée car elle est responsable de complications majeures (chutes, fatigue, insuffisance cardiaque, complications neuropsychiatriques…). Aucun sujet âgé ne doit rester au dessous de 10 gr d’hémoglobine quelle que soit l’étiologie de l’anémie.
› Dans les anémies ferriprives, le fer per os n’est pas toujours bien absorbé et sa tolérance n’est pas toujours bonne, les troubles du transit étant assez fréquents. L’idéal dans ce contexte sont des perfusions de fer. Le Veinofer ® doit nécessairement être perfusé à l'hôpital du fait de risque d'hypotension grave.
« Il existe maintenant un fer plus simple à manipuler à domicile et avec moins d'effets secondaires : le Ferinject® (carbomaltose ferrique), néanmoins la prescription reste toujours le fait d'un médecin hospitalier, le médicament étant disponible en pharmacie de ville. Des perfusions mensuelles peuvent se faire à domicile par l’infirmière, avec possibilité d'injecter 1 g en perfusions de 15 minutes."
› La voie intraveineuse a plusieurs avantages : permettre une recharge rapide et de qualité en étant sûr de l'observance, éviter les troubles du transit (le fer per os constipe), contourner le risque de malabsorption, Permettre de ne pas masquer un melæna.
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