Repères patient

Arthrose métabolique : peut-on la prévenir ?

Publié le 23/05/2014
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Il est courant de dire que l'obésité fait le lit de l'arthrose, le surpoids augmentant les contraintes articulaires. On sait aujourd'hui que l'excès de poids peut aussi dégrader le cartilage par des mécanismes pro-inflammatoires induits par des cytokines du tissu graisseux : les adipokines.

J'EXPLIQUE

› L'excès de poids favorise l'arthrose et aggrave son évolution. Le risque d'arthrose du genou est, par exemple, 4 à 5 fois plus élevé chez les personnes obèses que chez les sujets ayant un indice de masse corporel normal. Pour chaque tranche de prise de poids de 5 kg, le risque d'arthrose augmente de 36%.

› Le rôle d'un facteur systémique associé au surpoids et aggravant l'arthrose, indépendamment des contraintes articulaires, a été évoqué par les études épidémiologiques : il y adeux fois plus d'arthrose des mains chez les sujets obèses !

› En fait, l'activation de la cellule cartilagineuse, le chondrocyte, est sous la dépendance double du stress mécanique et des adipokines (contenues dans le tissu adipeux) provoquant la synthèse d'enzymes protéolytiques et la destruction du cartilage articulaire (voir schéma).

› Au-delà de la relation entre surpoids et arthrose, il existe aussi une relation entre l'arthrose et d'autres éléments du syndrome métabolique comme le diabète de type 2, les dyslipidémies et l'augmentation du tour de taille abdominal. La présence de plusieurs paramètres du syndrome métabolique est associée à une multiplication par six du risque d'arthrose du genou. De même, plus il y a de facteurs de risque métaboliques, plus le risque d'être opéré d'une prothèse de la hanche ou du genou augmente.

JE CONSEILLE

› La perte de poids doit être un objectif primordial du traitement du sujet obèse arthrosique. Pour être efficace la réduction pondérale doit intéresser essentiellement la masse grasse (cf. adipokines).

› La découverte d'une arthrose chez l'obèse doit être l'occasion d'un bilan complet à la recherche d'anomalies métaboliques : tension artérielle, mesure du tour de taille, bilan glycémique et lipidique.

› Des programmes diététiques et d'exercices ont démontré leur utilité dans la gonarthrose symptomatique : une perte de poids de 5% réduit la douleur du genou de 30% et le handicap fonctionnel de 14%.

› La chirurgie bariatrique, qui peut être proposée chez les sujets dont le surpoids est très important, peut même provoquer une augmentation d'épaisseur du cartilage articulaire : une perte de poids moyenne de 6,3 kg/m2 serait associée à une augmentation de cartilage de 4 à 5 mm !

JE PRESCRIS

› Il n'existe pas, actuellement, de traitement pharmacologique susceptible d'inverser le processus arthrosique. La perte de poids à elle seule soulage significativement les symptômes et ralentit la dégradation articulaire.

› Les antalgiques simples sont la base du traitement médicamenteux symptomatique. Il faut prescrire des doses suffisantes, entre 3 et 4g/j de paracétamol. Les AINS ne sont indiqués qu'en cas de poussée inflammatoire et ce pendant quelques jours seulement. Il faut être extrêmement prudent avec ces molécules, dans cette population à risque métabolique car les AINS peuvent provoquer des accès hypertensifs, des troubles rénaux, des accidents cardio-vasculaires et cérébro-vasculaires.

› Les chondroprotecteurs, pris régulièrement pendant plus de 6 mois, peuvent retarder la dégradation du cartilage et diminuer les symptômes de l'arthrose. Une méta-analyse, concernant la glucosamine et portant sur 17 études cliniques, a démontré que ce traitement à la posologie de 1500 mg/j sur une durée de 3 à 6 mois, réduisait significativement la douleur de l'arthrose du genou, tout en ralentissant le pincement cartilagineux.

› La viscosupplémentation (injection d'acide hyaluronique intra-articulaire) permet, selon une méta-analyse récente portant sur 24 essais, de diminuer la douleur et l'impotence fonctionnelle à 24 semaines dans l'arthrose du genou. Des études IRM à 24 mois sont aussi en faveur d'un effet chondroprotecteur avec une diminution moindre de l'épaisseur du cartilage articulaire que dans le groupe contrôle (-0,3 vs -2,3 mm).

› La rééducation fonctionnelle a pour but de réduire la douleur et le handicap. Les techniques les plus intéressantes sont le renforcement musculaire, la balnéothérapie et le travail de l'équilibre et de la proprioception.

JE RENVOIE SUR LE WEB

Dr Éric Thomas (PH, responsable Unité Pathologies du rachis, département de Rhumatologie, CHU Lapeyronie, 34295 Montpellier cedex 5.)

Source : lequotidiendumedecin.fr