Pneumo-pédiatrie

ASTHMES SEVERES ET « DIFFICILES » DE L’ENFANT

Publié le 22/06/2012
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Les formes les plus sévères comportent les asthmes avec allergies multiples et aux asthmes avec exacerbations viro-induites. Ecarter les affections mimant un asthme ou les fausses alertes sont des préalables avant le recours au spécialiste.

L’asthme sévère n’est pas une « maladie » mais un « syndrome » constitué d’entités ayant des phénotypes différents. Les formes les plus sévères de l’asthme comportent, en particulier, les asthmes avec allergies multiples et aux asthmes avec exacerbations viro-induites.

Il existe aussi un phénotype correspondant à la persistance de symptômes malgré un traitement supposé maximal ou « asthme difficile » qui correspond environ à 5 % des patients (1) (Anglicisme (difficult asthma) que l’on peut traduire par asthme difficile à traiter ou par asthme difficile à équilibrer).

ASTHME AVEC ALLERGIES MULTIPLES

Il existe de nombreuses relations entre la gravité d’un asthme et la présence de marqueurs allergiques :

- la précocité des sensibilisations et des allergies aux pneumallergènes,
- la présence d’une allergie aux moisissures et/ou aux blattes,
- l’association à une allergie alimentaire (AA) en particulier à l’arachide ou aux fruits à coque.

Au cours de l’asthme allergique, les patients qui ont le plus grand nombre de sensibilisations sont ceux qui ont le VEMS le plus amputé.

L’association entre asthme et AA est bipolaire. L’asthme est un facteur d’AA sévère pouvant mettre la vie en danger (nécessité d’un contrôle optimal de l’asthme au cours de toute AA) (2,3). L’AA est un facteur de gravité de la crise d’asthme (les patients admis en réanimation pour asthme aigu grave [AAG] ont plus souvent une AA que les enfants hospitalisés pour une crise tout venant (4).

ASTHME AVEC EXACERBATIONS VIRO-INDUITES

Les exacerbations faisant suite à des infections ORL surviennent le plus souvent après les vacances, quelques semaines après la rentrée scolaire de septembre, dénommées « épidémies d’asthme de septembre. » Les picornavirus (rhinovirus et entérovirus) sont plus souvent détectés chez les enfants atteints d’AAG que chez les témoins (52 % vs.29 %) (5).

Les enfants asthmatiques ont un défaut de l’immunité innée qui se traduit par une augmentation du nombre et de la durée des rhumes, une réplication intense et prolongée des virus dans les cellules de la muqueuse bronchique et dans les fibroblastes, la facilitation de la pénétration des allergènes par les altérations épithéliales viro-induites, un défaut de l’immunité innée avec diminution de la production par les cellules bronchiques et les macrophages alvéolaires d’interféron de type I (α et ß) et de type III (λ) (in 6).

ASTHME DIFFICILE

-› Les définitions de l’asthme difficile ou encore asthme problématique sévère sont nombreuses (Voir encadré).
-› Deuxième étape diagnostique : écarter une affection mimant un asthme difficile (faux asthmes difficiles), et éliminer les facteurs déclenchants ou favorisants d’un asthme dont le contrôle rendrait cet asthme maîtrisable par un traitement adapté (asthme vrais faussement difficiles car maîtrisables).

=› Les faux asthmes difficiles sont des maladies autres que l’asthme : obstruction des voies aériennes supérieures (stridor, laryngomalacie, trachéomalacie), obstruction des voies aériennes basses (kyste bronchogénique de la carène, corps étranger bronchique méconnu), séquelles des viroses respiratoires, dysplasie broncho-pulmonaire, ou les plus rares dyskinésies ciliaires primitives et le dysfonctionnement laryngé épisodique.

Un piège majeur est le vrai asthme compliqué par un corps étranger bronchique méconnu expliquant la résistance au traitement par CI + ß2-LA + parfois corticothérapie par voie générale.

L’anamnèse, l’examen clinique, la radiographie du thorax (en inspiration et expiration), la tomodensitométrie, et les EFR permettent le diagnostic.

=› Les vrais asthmes faussement difficiles sont expliqués par des facteurs favorisants ou déclenchants ignorés ou mal contrôlés :

- exposition persistante aux allergènes,
- affections ORL ignorées ou mal traitées (obstruction nasale, sinusite, polypes),
- tabagisme passif ou actif,
- drogues (cannabis), - reflux gastro-œsophagien (à la fois conséquence et facteur aggravant l’asthme),
- AA associée,
- facteurs émotionnels (agressivité de l’adolescent),
- les conditions socio-économiques défavorables (humidité de la maison, surexposition à l’extérieur, les blattes, les allergènes de souris) .

-› La 3ème étape du diagnostic consiste à évaluer l’adhésion au traitement et les techniques d’inhalation. Le test aux corticoïdes (1mg/kg pendant 15 jours) vise à estimer l’importance du facteur inflammatoire et son degré de réversibilité sur l’EFR faite avant et après.

- Si le test est positif il faut augmenter le traitement de fond et assurer une surveillance spécialisée. Le traitement associe les CI, les ß2-LA, les antileucotriènes, parfois la théophylline, ce qui n’empêche pas un recours plus ou moins fréquent aux ß2-CA et à des séquences de corticoïdes par voie générale aussi courtes que possible.
- Si le test aux corticoïdes est négatif une évaluation spécialisée est indispensable. Des nouveaux traitements sont à l’étude (anti IL-5, anti IL-13).


Pr Guy Dutau (Allergologue – Pneumologue – Pédiatre. Toulouse)

Source : lequotidiendumedecin.fr