Nutrition

BOISSONS ÉNERGISANTES : PAS SANS RISQUES

Publié le 17/11/2017
Article réservé aux abonnés
Elles connaissent un franc succès auprès des jeunes, sportifs ou non. Cocktails de stimulants comme la caféine, la taurine, le glucuronolactone ou des extraits de plantes, ces boissons ont de véritables contre-indications. Une nutrivilance médicale s'impose.
boisson

boisson
Crédit photo : phanie

Les boissons dites “énergisantes” (energy drinks) disposent d'un marché florissant, en dépit d’une expertise de l’Anses qui dénonce des effets indésirables parfois sérieux (1). Elles ne doivent pas être confondues avec celles dites “énergétiques”, assimilées à des boissons diététiques de l’effort adaptées aux besoins des sportifs (tableau 1).
Grâce à des allégations et assertions prônant des effets stimulants, anti-fatigue, anti-stress et sur la performance physique, ces boissons apparues sur le marché français en 2008 connaissent un franc succès, auprès des jeunes notamment. Ces sodas contiennent un cocktail de stimulants comme la caféine, la taurine, le glucuronolactone, des extraits de plante (guanara, ginseng, etc.) et parfois des vitamines B. Après des débuts laborieux dus à la prudence des autorités, l’offre s’est étoffée de plusieurs dizaines de références. La consommation se fait avant ou pendant le sport, mais aussi et surtout en-dehors, lors de soirées festives (bar, discothèque, entre amis) ou en période de révision. L'absorbtion concomitante de boissons alcoolisées accentue la sensation d’excitation et confère un sentiment d’invincibilité, tout en atténuant les effets propres de l’alcoolisation.

COMPOSITION

La plupart des boissons énergisantes (Red Bull, Monster Energy, Rockstar, Rumba, Burn Energy, Amp Energy, Red Rave, Dark Dog, etc.) contiennent peu ou prou (tableau 2) :

♦ De la caféine, qui a la propriété de lutter contre la fatigue, d’améliorer la mémoire et la concentration.

♦ Du sucre (saccharose, 26 g/25 cl) fournissant l’essentiel de l’apport calorique.

♦ De la taurine, acide aminé soufré naturellement présent dans l’organisme. Parmi d’autres fonctionnalités, on lui prête d’être un neurotransmetteur et de participer au renforcement de la contractilité cardiaque et musculaire. Un temps tenue pour responsable de la survenue de troubles psychocomportementaux, la taurine est aujourd’hui innocentée. Elle est utilisée parce qu’elle augmenterait la résistance à l’effort, diminuerait le temps de récupération et préviendrait les crampes.

♦ Du glucuronolactone, à la réputation sulfureuse, non méritée pour ce composé dont la formule est proche de celle du glucose. Il améliorerait la concentration, stimulerait les facultés intellectuelles et augmenterait la tolérance au stress sportif. Ces allégations demandent confirmation. 

♦ Des vitamines B, impliquées dans le métabolisme énergétique.


 

QUELLE UTILITÉ ?

Ces boissons “enrichies” ne sont pas anodines puisqu’elles exposent à des risques liés au mode de consommation (quantité excessive, association aux boissons alcooliques) – plus qu’aux substances qu’elles contiennent. Loin d’être démontrés, leurs effets sur la performance sportive viennent plutôt du conditionnement psychologique des sportifs, toujours à la recherche de stimulants ou de boosters de la résistance physique pour améliorer leurs performances. Elles sont parfois utilisées comme des supplétifs au dopage.

DES BOISSONS PAS ANODINES

Outre le risque d’addiction et l’aspect calorique qui n’est pas négligeable (100 kcal par canette de 25 cl), ces produits ne sont pas sans inconvénients, comme l’ont souligné la Société française de nutrition du sport et le rapport de l’Anses de 2013 (1, 2). Il s’agit de manifestations cardiaques à type de sensation d’oppression ou de douleurs thoraciques, de tachycardie, d’hypertension, de troubles du rythme pouvant aller jusqu’à l’arrêt cardiaque et de troubles neurologiques ou psychocomportementaux : anxiété, irritabilité, attaques de panique, hallucinations, pertes de jugement, sans oublier l'épilepsie. La consommation d’alcool majore ces risques. 

RÉSERVES ET CONTRE-INDICATIONS

Quelques conseils peuvent être utiles, à défaut de pouvoir empêcher les sportifs et les jeunes en général d’utiliser ces boissons :

♦ Éviter la consommation de boissons énergisantes en lieu et place des breuvages énergétiques pendant une activité physique.

♦ Ne pas les associer à alcool.

♦ Limiter la consommation à une unité et contrôler les autres sources de caféine.

♦ Exercer une vigilance toute particulière chez les enfants, adolescents et femmes enceintes, ou chez les personnes ayant une sensibilité connue à la caféine.

♦ Contre-indication en cas d’antécédents cardiaques ou psychiatriques.

UN DEVOIR DE NUTRIVIGILANCE

L’offre de compléments alimentaires et de boissons enrichies, soutenue par un marketing faisant le plus souvent fi des données rationnelles, est en constante progression. L’encadrement de ces produits par les autorités de sécurité sanitaire ne dispense pas les médecins d’être nutrivigilants, à la recherche de dérives de consommation, de mélange avec l’alcool, d’addiction et d’éventuels effets indésirables, en gardant à l’esprit que ces produits agissent principalement par les excitants qu’ils contiennent (caféine) et par la suggestion. Ils ne sont évidemment pas nécessaires pour la pratique sportive.

Bibliographie

1- Anses. évaluation des risques sanitaires des boissons dites énergisantes. Octobre 2013. http://www.anses.fr
2- Société française de nutrition du sport. Recommandations d’utilisation des boissons énergisantes. 2008. http://www.nutritiondusport.fr

Aucun liens d'intérêts avec le contenu de cet article.

 

Jean-Louis Schlienger (Professeur honoraire. Faculté de Médecine de Strasbourg) Mail : jean-louis.schlienger@wanadoo.fr

Source : lequotidiendumedecin.fr