CHAPITRE 1 : ANTICOAGULATION ET FIBRILLATION ATRIALE 

Publié le 20/05/2016
Article réservé aux abonnés

Pour quels patients ?

Le risque majeur de la fibrillation atriale est la formation de thrombus intra-auriculaire (en particulier au niveau de l’auricule gauche) potentiellement responsable d'accident vasculaire cérébral et d'ischémie de membres. Un traitement anticoagulant efficace permet de se prémunir de ce risque mais s'accompagne d’un sur-risque hémorragique.

(> Des études dédiées ont permis de déterminer 8 facteurs de risque emboliques rassemblés dans le score CHA2DS2-VASc (cf. tableau 1). Si un score à 0 s’identifie la population avec le plus faible risque pour qui l’anticoagulation n’est pas nécessaire (risque inférieur à 0, 85 % par an), un score supérieur ou égal à 2 pose l’indication formelle d’un traitement (risque de 2 à 15 % par an) (voir tableau 2). Un score à 1 pose une indication relative à balancer avec le risque hémorragique de chaque patient.

[[asset:image:10071 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]

 

[[asset:image:10076 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]


 
Les différentes molécules anticoagulantes

Pendant de nombreuses années, l'anticoagulation curative dans le cadre des troubles du rythme supraventriculaire reposait sur les seules antivitamines K. Cette classe a été l’un des traitements pharmacologiques les plus prescrits en France puisque la Haute Autorité de santé estimait que près de 1 % de la population générale était sous antivitamines K en 2009 avant l’avènement des nouveaux anticoagulants directs (NOADs). Leur emploi est néanmoins soumis à un certain nombre de contraintes pour le patient sur le plan alimentaire, des associations médicamenteuses et du contrôle biologique régulier de l’INR et est le premier pourvoyeur d’accident iatrogène en France.

Ces limites ont poussé l’industrie à développer de nouvelles classes médicamenteuses, plus stables sur le plan pharmacologique, s'affranchissant de la mesure d’un indice d’efficacité/sécurité et probablement plus sûres que les antivitamines K. Actuellement, trois molécules sont disponibles sur le marché : un antithrombine, le dabigatran, et deux anti-Facteur X activé, le rivaroxaban et l’apixaban (voir tableau 3).

> Le dabigatran est le seul antithrombine direct disponible à la prescription. Son efficacité a été démontré par un essai international de phase III randomisé, en double aveugle, l’étude RE-LY (1), en comparaison avec la warfarine. Deux doses du médicament étaient testées, la dose de 150 mg matin et soir et celle de 110 mg matin et soir.

Les deux doses ont atteint le critère principal de jugement qui était la non-infériorité avec la warfarine sur la survenue d’accident vasculaire cérébral ou d’embolie systémique comme sur la mortalité toutes causes. Mais si la dose la plus forte se montrait supérieure sur le plan anti-ischémique, il existait un prix à payer hémorragique notamment gastro-intestinal.

Pour cette raison, la dose de 110 mg est à préférer chez les patients à haut risque hémorragique. L'insuffisance rénale sévère (clairance inférieure à 30 ml/minute) représente une contre-indication formelle. À noter qu’il est le seul nouvel anticoagualnt direct à bénéficier d’un antidote spécifique, l’idarucizumab, un anticorps monoclonal capable de reverser l’effet anticoagulant en quelques minutes et disponible sur le marché pour un usage hospitalier depuis le début de l’année 2016. L’étude RE-VERSE AD a validé son utilisation intéressante avec plus de 90 % des patients receveurs avec une coagulation normale au cours de l’intervention et aucune complication hémorragique grave en post opératoire.

> Le rivaroxaban est le seul nouvel anticoagulant direct ne nécessitant qu'une seule prise journalière, ce qui représente l'un de ses principaux avantages par rapport à ses concurrents. Il s’agit d’un anti-Xa, également testé dans un grand essai international de phase III, randomisé contre la warfarine, l'essai ROCKET-AF (2).

La molécule a atteint le critère de jugement principal de non-infériorité sur la survenue d'AVC ou d'embolie systémique sans élévation du taux d’hémorragie. La dose de 20 mg est recommandée pour l'ensemble des patients et celle de 15 mg pour les patients présentant une insuffisance rénale modérée (avec un débit de filtration glomérulaire de 30 à 49 ml/min). Une contre-indication relative existe pour l'insuffisance rénale sévère (de 15 à 29 ml/min) et absolue dans l'insuffisance rénale terminale (inférieure à 15 ml/min).

> L'apixaban, la dernière molécule en date, est anti-Xa testé dans l’étude ARISTOTLE contre la warfarine (3), démontrant, elle, une supériorité à la fois en termes d’accident ischémique (près de 20 % de baisse), en termes d'accident hémorragique (-30 %) et en termes de mortalité (près de 11 %). La posologie recommandée de 5 mg deux fois par jour à diminuer à 2, 5 mg chez les patients de plus de 80 ans, de moins de 60 kg et avec une créatinine supérieure à 133 umol/l.
 

[[asset:image:10081 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]

Stratégie et considérations cliniques

S'il paraît clair que les nouvelles molécules représentent une avancée par rapport au traitement par antivitamines K, aucune donnée sérieuse ne permet de les comparer entre elles. Libre à chaque praticien de se faire une expérience avec chacune des molécules et d’en déterminer la plus adéquat à chaque patient.

De la même façon, s'il existe une indication à débuter par un nouvel anticoagulant direct. en cas de découverte de fibrillation atriale, seule un INR instable avec une difficulté d'équilibration doit guider un éventuel switch vers ces nouveaux traitements comme le recommande la Société européenne de cardiologie.


Source : lequotidiendumedecin.fr