Même en gardant à l'esprit les spécificités physiologiques du sommeil du sujet âgé, il n'est pas toujours simple de les distinguer d'authentiques troubles du sommeil.
Les troubles du sommeil les plus fréquents chez le patient âgé sont les insomnies avec mésusage d'hypnotiques, celles-ci ayant elles-mêmes plusieurs causes dont la dépression, et le syndrome d'apnées du sommeil (1). Le syndrome des jambes sans repos est très représenté également.
La tenue d'un agenda du sommeil peut être utile, dès lors que les performances du patient sont suffisantes pour le remplir.
Les insomnies
› Les critères diagnostiques sont les mêmes que chez l'adulte. On distingue l'insomnie d'endormissement, les difficultés de maintien du sommeil avec éveils nocturnes multiples et l'insomnie par réveil précoce. Le sommeil n'est pas récupérateur. L'insomnie devient chronique lorsqu'elle persiste au-delà de 3 mois (2).
« Un bon signe est la survenue d'une somnolence inhabituelle dans la journée : apparaissant à des horaires inaccoutumés pour une sieste, dans la matinée par exemple ou à des moments inappropriés (repas, conversation…), se répétant plusieurs fois dans la journée, associée à une fatigue matinale. Les siestes non réparatrices doivent aussi attirer l'attention. Ou bien l'apparition d'une insomnie de novo chez un sujet de 60-65 ans qui dormait bien jusque là. Il faut alors rechercher une cause à l'insomnie, notamment une dépression ou un syndrome d’apnées du sommeil, sans s'arrêter alors aux modifications du sommeil dues à l'âge. »
› Dans la majorité des cas, l'insomnie du sujet âgé est comorbide, incluse dans le cadre d'une pathologie organique ou psychiatrique, et souvent associée à une mauvaise hygiène du sommeil et/ou à des événements de vie perturbants. Si aucune cause n'est retrouvée, on parle d'insomnie primaire, rare chez la personne âgée. Il convient donc de rechercher :
- une pathologie d'organe : affections ostéo-articulaires, digestives, cancéreuses… à l'origine de douleurs, maladies cardiovasculaires (angor), respiratoires (asthme, BPCO, syndrome d'apnées du sommeil [SAS]), urologiques (dysurie, polyurie), neurologiques (maladie de Parkinson, démence, accidents vasculaires cérébraux), endocrinienne (hyperthyroïdie) ;
- dans le registre des pathologies psychiatriques, la dépression, qui doit toujours être évoquée en cas de réveil matinal trop précoce. Les troubles anxieux sont aussi de grands pourvoyeurs d'insomnies d'endormissement et de difficultés de maintien du sommeil ;
- la prise de médicaments susceptibles d'altérer le sommeil : corticoïdes à forte dose, bêta-bloquants, hormones thyroïdiennes, diurétiques, anticholinestérasiques utilisés dans le traitement de la maladie d’Alzheimer. Sans oublier la prise chronique d'hypnotiques (voir encadré E1) ;
- une mauvaise hygiène du sommeil : chez le sujet âgé, les principaux éléments à rechercher sont l'exposition insuffisante à la lumière du jour (sujet alité dans une pièce aux volets fermés ou mal éclairée), le manque d'activité physique et de contacts sociaux, la pratique de siestes trop longues, le temps passé au lit excessif, les horaires de lever irréguliers. Les événements tels qu'une hospitalisation, l'entrée en institution, les conflits, le décès d'un proche peuvent aussi induire une insomnie.
Le syndrome d'apnées obstructives du sommeil
› Celui-ci présente quelques particularités chez la personne âgée et il est largement sous-diagnostiqué dans cette population. Sa prévalence est pourtant 4 à 5 fois plus élevée que chez l'adulte, comprise entre 32 et 47 % après 65-70 ans (1).
Cliniquement, la somnolence diurne excessive, souvent à l'origine de la plainte chez l'adulte, est rarement évoquée par les sujets âgés, qui pourtant s'adonnent à des siestes fréquentes, longues (› 1h) mais non réparatrices. Ceux-ci mentionnent plus volontiers la fatigue matinale, les troubles de mémoire et de concentration, la nycturie, les sueurs nocturnes. Les ronflements sont présents, surtout chez l'homme ainsi que les apnées (penser à interroger l'entourage). Un piège : la surcharge pondérale n'est pas aussi fréquente que chez l'adulte.
L'échelle d'Epworth, outil de dépistage recommandé en soins primaires (3) et permettant d'évaluer la somnolence diurne dans 8 circonstances de la vie courante, reste adaptée au patient âgé dès lors que celui-ci est concerné par les items proposés : lecture, télévision, cinéma, passager d'une voiture en marche ou à l'arrêt, station assise au calme…
› Les critères polysomnographiques sont les mêmes que chez l'adulte : index d'apnées hypopnées (IAH : nombre total d'épisodes respiratoires enregistrés en polysomnographie rapporté au nombre d'heures de sommeil) ≥ 5 par heure de sommeil. La sévérité est importante lorsque l'IAH est ≥ 30 événements par heure (3).
› Rappelons que ce syndrome constitue par lui-même un facteur de risque cardiovasculaire et est aussi un facteur indépendant pour le développement d'une HTA, volontiers pharmacorésistante. Il élève le risque d'accidents coronariens et cérébrovasculaires, d'insuffisance cardiaque, de troubles du rythme et de la conduction, et augmente le risque de présenter un syndrome métabolique.
› L'utilisation d'hypnotiques de type benzodiazépiniques ou apparentés est formellement contre-indiquée en cas de syndrome d'apnées obstructives du sommeil (sauf si le patient est traité par une PPC).
« Quant aux hypnotiques anti-histaminiques, ils ne sont pas formellement contre-indiqués dans le SAS mais leur demi-vie longue risque d’accentuer une somnolence ou une fatigue diurne. »
› Les patients âgés peuvent bénéficier si nécessaire d’un traitement par pression positive continue.
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