La prise en charge de l'hypertension artérielle et les stratégies thérapeutiques qui en découlent se sont affinées, au vu des récents résultats issus des dernières études publiées en ce domaine. La mise à jour 2009 des recommandations européennes sur la prise en charge de l'HTA (1) fait notamment le point sur les nouveaux schémas thérapeutiques.
Certains principes ayant présidé à la prise en charge de l'HTA dans les recommandations antérieures n'en sont pas pour autant obsolètes.
EN PREMIERE INTENTION
- Une fois prise la décision de traitement (en fonction du niveau de risque cardiovasculaire du sujet), la monothérapie reste la règle en première intention, toujours accompagnée des mesures hygiéno-diététiques. Les cinq classes d’anti-hypertenseurs majeurs – diurétiques thiazidiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), inhibiteurs calciques, antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARAII), bêta-bloquants – peuvent être utilisées.
Tous sont efficaces sur la baisse de la pression artérielle et concourent à la réduction du risque cardiovasculaire global. Le choix de la molécule dépend du profil du patient, notamment de l'existence d'éventuelles comorbidités (encadré 1) et/ou contre-indications. Une remarque : le choix d'un bêta-bloquant comme monothérapie de première intention peut être ensuite difficile à gérer si une bithérapie s'avère nécessaire par la suite, les combinaisons recommandées préférentiellement ne comportant pas de bêta-bloquant (voir infra). "La monothérapie initiale, versus la bithérapie d'emblée, ne doit pas être dépréciée, souligne le Pr Girerd. Elle est très efficace au début de la prise en charge, puisque presque trois-quarts des nouveaux hypertendus sont contrôlés par une monothérapie.
En outre, aucun essai thérapeutique ne plaide actuellement pour la bithérapie d'emblée systématique. Chez les sujets âgés, celle-ci expose au risque de baisse tensionnelle excessive et trop rapide. Le cas des HTA évoluées ou avec atteinte vasculaire associée est bien sûr différent". Pour la Société européenne d'hypertension (ESH), la bithérapie initiale, qui permet d'obtenir une baisse supplémentaire de la PA, offre des avantages chez les hypertendus à haut risque cardiovasculaire, pour lesquels un contrôle précoce de la PA est souhaitable (1). A noter que les objectifs tensionnels ont été rediscutés par l'instance européenne (encadré 2).
- Après quatre semaines de traitement par monothérapie, la conduite à tenir dépend des résultats obtenus. La HAS, dans ses recommandations de 2005 (2), préconise, en cas de réponse insuffisante (baisse de la PA systolique › 10 % de la PAS initiale, mais sans avoir atteint les objectifs tensionnels) et si la tolérance est bonne, d'augmenter la dose ou d'instaurer une bithérapie.
"L'efficacité de l'augmentation de la posologie est inégale selon la molécule utilisée. Cette option peut être retenue s'il s'agit d'un diurétique ou d'un antagoniste calcique, mais n'a pas d'intérêt pour les bêta-bloquants ou les IEC. La situation est intermédiaire pour les ARA II et l'aliskiren (premier inhibiteur direct de la rénine) (voir aussi encadré 3)". Si le premier médicament est totalement inefficace (baisse de la PAS < 10 % de la PAS initiale) ou est mal toléré, la recommandation est de changer de classe thérapeutique (switch).
LES COMBINAISONS D'ANTIHYPERTENSEURS
- Les règles d'association des antihypertenseurs entre eux ont évolué ; aujourd'hui, quatre combinaisons doivent être privilégiées (schéma 1), basées sur l'association d'un bloqueur du système rénine-angiotensine (SRA) avec soit un diurétique thiazidique, soit un inhibiteur calcique. Parmi les essais sous-tendant cette recommandation, figurent l'étude PROGRESS (menée avec le perindopril associé à l'indapamide), l'étude HYVET (même combinaison), l'étude ADVANCE (même combinaison), l'étude ASCOT (perindopril + amlodipine), l'étude ACCOMPLISH (bénazépril + hydrochlorothiazide ou amlodipine). "Le dogme jusque là bien établi qui consistait à inclure un diurétique dans toute bithérapie est donc battu en brèche, et il existe désormais des alternatives à l'utilisation systématique d'un diurétique lorsque plusieurs médicaments antihypertenseurs sont nécessaires au traitement".
"En pratique, ces quatre combinaisons s'adressent plutôt aux sujets ayant débuté leur traitement par un IEC ou un ARA II en monothérapie, ces patients représentant près de 50 % des cas en France. L'ajout d'un inhibiteur calcique est intéressant lorsqu'il existe des perturbations métaboliques ainsi que chez les hommes, qui tolèrent généralement assez mal les diurétiques. Le choix d'un diurétique comme seconde molécule est pertinent chez les femmes, dont la tolérance aux calciques est souvent mauvaise, en cas de rétention hydrosodée".
- Les autres associations – bêta-bloquant + diurétique ou inhibiteur calcique, diurétique + inhibiteur calcique – peuvent toujours être prescrites, en fonction du profil particulier de chaque patient.
"Les bêta-bloquants ont donc disparu des associations préférentielles en bithérapie recommandées par l'ESH, ce qui complique un peu la situation lorsque cette classe thérapeutique a été prescrite en première intention. Certains pays du nord de l'Europe vont même jusqu'à les exclure de la gamme des molécules à privilégier en monothérapie initiale. En outre, l'association diurétique thiazidique + bêta-bloquant est pointée du doigt quant à son rôle potentiellement délétère au plan métabolique : elle est déconseillée, sauf nécessité particulière, chez les patients ayant une prédisposition au diabète, par exemple en cas de syndrome métabolique ou d'intolérance au glucose. Chez l'hypertendu présentant un diabète avéré et recevant déjà cette association médicamenteuse, il est difficile en revanche de savoir si ce traitement constitue un facteur d'aggravation du diabète. Tout au plus peut-on dire que cette prescription n'est pas conforme aux recommandations habituelles, qui privilégient l'administration d'un bloqueur du SRA chez le diabétique".
- L'association IEC + ARA II, dont l'efficacité pour la prévention cardio-vasculaire et la tolérance chez les sujets à haut risque en prévention secondaire ont fait l'objet de plusieurs études, notamment dans l'étude ONTARGET (telmisartan + ramipril), n'est pas recommandée en routine (1). Elle expose en effet à un risque majoré d'effets secondaires (hyperkaliémie, élévation de la créatininémie). Elle peut avoir sa place, sous réserve d'études ultérieures, chez les patients porteurs d'une néphropathie avec protéinurie persistante, la combinaison de deux bloqueurs du SRA ayant un meilleur effet antiprotéinurique que l'administration isolée de l'un des constituants (1).
- Selon l'ESH, les combinaisons fixes doivent être préférées aux combinaisons libres, essentiellement pour des raisons d'amélioration de la compliance (1). Dans les associations fixes combinant un bloqueur du SRA avec un diurétique, c'est l'hydrochlorothiazide qui est utilisé. Lorsque l'association se fait avec un antagoniste calcique, on a recours (en France) soit à l'amlodipine, soit à la lercanidipine, toutes deux appartenant à la famille des dihydropyridines, soit au vérapamil.
L'association fixe bénazépril + amlodipine (utilisée dans l'étude ACCOMPLISH) n'est pas disponible en Europe. "La classe des inhibiteurs calciques est inhomogène, et le choix de la combinaison peut s'appuyer sur les propriétés des différentes molécules. L'amlodipine à dose maximale est la plus efficace sur le plan tensionnel mais la moins bien tolérée ; la lercanidipine à dose maximale est moins efficace mais bénéficie de la meilleure tolérance ; le vérapamil est intermédiaire en terme d'efficacité et en ce qui concerne les effets secondaires, il occasionne moins de flush, moins d'œdèmes des membres inférieurs, mais davantage de constipation".
- Les nouvelles règles d'association des antihypertenseurs placent les IEC et les ARA II sur le même plan, que la combinaison soit faite avec un diurétique ou avec un inhibiteur calcique. Or, la HAS, dans un récent avis sur le bon usage de ces médicaments, préconise, lorsque le médecin est amené à prescrire un inhibiteur du SRA pour traiter une HTA essentielle, de favoriser les IEC et de réserver les sartans aux patients ayant une toux sous IEC (3).
Car les deux classes thérapeutiques ont une efficacité similaire dans l'HTA, leurs effets indésirables sont comparables, en dehors d’une toux sèche (plus fréquente sous IEC mais cédant à l’arrêt du traitement), mais les sartans sont plus coûteux que la plupart des IEC. "L'argument d’efficience économique développé dans cette fiche de bon usage du médicament concerne les IEC et les sartans prescrits en monothérapie. Il n’y a pas de recommandations édictées concernant les combinaisons fixes d’antihypertenseurs car leur efficience étant supérieure à celle de la monothérapie cela conduirait à conseiller une bithérapie fixe à tous les hypertendus ! ".
- Chez les 15 à 20 % d'hypertendus ne répondant pas à une bithérapie, il est nécessaire de passer à la trithérapie. Les guidelines européens se positionnent clairement sur ce point, en recommandant la triple combinaison bloqueur du SRA + inhibiteur calcique + diurétique thiazidique à doses efficaces (1). Les autres classes thérapeutiques, notamment les bêta-bloquants, restent utilisables si le contexte clinique le nécessite, par exemple chez le coronarien. "Cette précision sur les modalités de la trithérapie est importante, et l'on remarque la réapparition dans ce contexte du diurétique, dont le caractère systématique de la prescription avait disparu en bithérapie".
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