Urologie

HYPERPLASIE BENIGNE DE LA PROSTATE : NOUVEAUX CONCEPTS, NOUVEAUX TRAITEMENTS

Publié le 13/04/2017
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L’hyperplasie bénigne de la prostate touche près d’un homme sur deux à partir de 60 ans. Les symptômes sont variables et peuvent perturber profondément  la qualité de vie, avec parfois des conséquences sur la sexualité. Cette pathologie voit ses indications thérapeutiques évoluer avec de nouveaux traitements moins radicaux que la chirurgie, qui reste le traitement de référence pour les formes sévères.
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Crédit photo : Professeur O HÉLÉNON

L’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP), anciennement appelée « adénome de la prostate », est très fréquente car elle atteint près d’un homme sur deux après 60 ans et peut débuter parfois avant 50 ans. Le diagnostic repose sur l’association de symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) associés à une augmentation de volume de la prostate sans limite inférieure.

LES FACTEURS DE RISQUE

L’âge, le syndrome métabolique et l’obésité sont des facteurs de risque pour la progression de l’HBP et des SBAU, avec également une prédisposition familiale. L’inflammation induite par le syndrome métabolique augmente le risque d’hyperactivité vésicale. L’inflammation chronique intra-prostatique favoriserait la prolifération cellulaire épithéliale et/ou musculaire lisse et donc l’augmentation du volume prostatique. Le métabolisme des androgènes et des œstrogènes, ainsi que leur ratio qui diminue avec l’âge jouent un rôle important dans la survenue d’une HBP. Il faut enfin signaler que le lien statistique entre HBP et cancer de la prostate a été récemment établi.

SYMPTOMATOLOGIE

Le diagnostic d’HBP repose sur l’association de symptômes du bas appareil urinaire et d’une prostate augmentée de volume sans notion plus précise de l’augmentation de son volume (1, 2).
Les troubles concernent la phase de remplissage vésical avec signes irritatifs (pollakiurie nocturne et/ou diurne, impériosités mictionnelles et parfois fuites), et la phase de vidange vésicale (faiblesse du jet, dysurie, mictions en plusieurs temps, résidu post-mictionnel).
La rétention ou les mictions par regorgements représentent l’évolution ultime de la dysurie. à l’échelon d’une population, il existe un lien statistique entre le volume de la prostate et les symptômes urinaires d’une part et entre les symptômes urinaires et les symptômes sexuels (dysfonction érectile, trouble de l’éjaculation et de l’orgasme) d’autre part, ces liens n’existant pas toujours à l’échelon individuel.

L’ÉVALUATION CLINIQUE

L’évaluation clinique des symptômes repose sur l’interrogatoire pour préciser l’état mictionnel ainsi que le retentissement sur la vie du patient. Certains hommes sont en effet capables de modifier complètement leur mode de vie pour s’adapter à leur état mictionnel.

► Il faut apprécier le retentissement sur la vessie et le haut appareil urinaire ainsi que les éventuelles complications infectieuses ou la présence de calculs de la vessie. Les auto-questionnaires validés sont utiles pour apprécier plus précisément l’état mictionnel (IPSS). La dernière question portant sur la qualité de vie est très importante pour la décision d’un traitement.
Les auto-questionnaires sur la sexualité (IIEF 5 ou 15) sont souvent utiles, compte tenu des implications possibles. Cette évaluation est nécessaire pour la décision thérapeutique, et les auto-questionnaires sont utiles dans les études, les essais cliniques et pour mesurer la réponse thérapeutique.

► L’examen clinique, et notamment le toucher rectal, garde toute son importance pour apprécier le volume de la prostate et vérifier l’absence d’induration qui orienterait vers un adénocarcinome de la prostate.

LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

► Il est recommandé de vérifier la stérilité des urines (bandelette urinaire, nitrites leucocytes) et, selon le contexte, de proposer un contrôle de la créatinine et du PSA (Prostatic Specific Antigen).

► L’échographie n’est pas systématique selon la HAS (1). Réalisée par voie sus-pubienne et transrectale (figure 1), elle explore la vessie et la prostate en vérifiant l’absence d’anomalie vésicale (paroi vésicale épaissie de lutte ou au contraire très fine hypocontractile, polype, diverticule, calcul), confirme le volume de la prostate, permet la mesure du résidu post-mictionnel et peut être couplée à une débimétrie.
Cet examen vérifie l’absence de retentissement sur le haut appareil urinaire.
Lorsque les symptômes sont d’interprétation difficile, signes obstructifs absents, par exemple (dysurie masquée par une hypercontractilité vésicale), un examen urodynamique et, éventuellement, une fibroscopie vésicale peuvent aider au diagnostic en confirmant l’obstacle prostatique et en éliminant d’autres diagnostics différentiels (tumeur de la vessie, sténose de l’urètre…).
 

[[asset:image:11752 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":["Professeur O.H\u00c9L\u00c9NON"],"field_asset_image_description":["\u00c9chographie transrectale d\u0027une prostate hyperplasique avec aspect h\u00e9t\u00e9rog\u00e8ne habituel de la zone transitionnelle (clich\u00e9s 1 et 2) et lobe m\u00e9dian (clich\u00e9 2)"]}]]

► Dans certains cas, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) multiparamétrique (figure 2) permet d’évaluer le volume de la prostate et d’étudier son parenchyme, notamment en cas d’induration au toucher rectal ou de progression du PSA. Dans certains cas, des biopsies écho-guidées de la prostate sont nécessaires pour éliminer un cancer évolutif.

► Au terme de ces explorations, les indications thérapeutiques sont proposées et discutées avec le patient en fonction de la sévérité des symptômes et d’un éventuel retentissement sur la vessie et le haut appareil urinaire. Le volume de la prostate ne représente pas une indication à lui seul car en l’absence de retentissement sur la vessie et le haut appareil urinaire, ce sont les symptômes et la gêne ressentie par le patient qui guident les indications thérapeutiques.
 

[[asset:image:11753 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":["Professeur O.H\u00c9L\u00c9NON"],"field_asset_image_description":["IRM prostatique s\u00e9quences T2 axiales (clich\u00e9s 3 et 4), coronale (clich\u00e9 5) et sagittale (clich\u00e9 6) : HBP de 80 ml avec lobe m\u00e9dian et vessie diverticulaire"]}]]


 

LE TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX

► Les traitements médicamenteux reposent principalement sur les alphabloquants, souvent efficaces, mais ayant parfois des effets secondaires gênants : hypotension orthostatique, troubles de l’éjaculation (éjaculation rétrograde ou anéjaculation) et, plus rarement, de l’érection. Ils agissent sur les cellules musculaires lisses de la prostate et du trigone vésical en favorisant leur relaxation et en facilitant ainsi la miction.

► Les inhibiteurs de la 5 alpha réductase ont pour but de réduire le contingent de cellules épithéliales de la prostate, et donc de réduire le volume prostatique. Ce traitement hormonal inhibant la production de dihydrotestostérone, métabolite actif de la testostérone au niveau des cellules prostatiques, agit plus lentement, et il est d’autant plus indiqué que le volume prostatique est important et peut être associé aux alphabloquants. Les inhibiteurs de la 5 alpha réductase diminuent le taux de PSA environ par deux. Ils peuvent chez certains patients perturber l’érection et diminuer le volume de l’éjaculat ainsi que la libido.

► La phytothérapie est parfois efficace sur les symptômes de l’HBP dans les formes modérées ou intermédiaires et peut être utilisée seule ou en association, notamment avec les alphabloquants.

► Les agents anticholinergiques sont parfois associés avec prudence aux alphabloquants pour diminuer les symptômes irritatifs mais ils augmentent le risque de rétention.

► Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 à demi-vie longue pris quotidiennement et à faible dose ont une efficacité dans certains cas sur les symptômes urinaires de l’HBP avec un retentissement positif sur la sexualité. Il n’y a pas de remboursement pour ce traitement dont le principal écueil est le coût.

► De nouvelles stratégies verront le jour, combinant phytothérapie et compléments alimentaires dans le but de diminuer l’inflammation locale et les autres facteurs de prolifération cellulaire, à l’exemple de la vitamine D dont l’augmentation des apports diminue le risque de développer un HBP (3).

LES INDICATIONS DE LA CHIRURGIE

La chirurgie classique

► En cas d’inefficacité des traitements médicamenteux, l’alternative est la chirurgie, résection mono-polaire transurétrale de la prostate (RTUP) ou adénomectomie voie haute lorsque la prostate a un volume supérieur à 80 ml.

► Très efficace sur l’amélioration du débit urinaire (amélioration de la vidange vésicale), la chirurgie entraîne dans la plupart des cas une disparition de l’éjaculation (éjaculation rétrograde) pouvant avoir des conséquences parfois négatives sur la qualité de l’orgasme. La dysfonction érectile post-opératoire est rare, soit psychologique, soit liée à une atteinte accidentelle (électrocoagulation) des bandelettes vasculo-nerveuses. Les saignements sont parfois importants avec, dans moins de 5 % des cas, la nécessité de transfusion.
La résection bipolaire permet de diminuer les risques de saignement, notamment pour les patients ayant un traitement anticoagulant ou anti-agrégant plaquettaire.
Les infections post-opératoires sont rares mais parfois sévères. L’apparition d’une incontinence est très rare et est le plus souvent liée à l’état préopératoire.

► L’électro-vaporisation par laser ou par résecteur bipolaire permet de limiter les saignements et la durée d’hospitalisation, mais elle a les mêmes conséquences que la chirurgie classique sur l’éjaculation et ne permet pas l’analyse anatomopathologique.

► L’énucléation endoscopique de l’adénome par laser ou résecteur est une alternative intéressante à l’adénomectomie trans-vésicale avec un saignement moindre, l’absence d’ouverture de la vessie et une hospitalisation courte, mais une intervention souvent plus longue avec une courbe d’apprentissage importante.

► Dans certains cas, en cas de petite prostate très dysuriante et résistant au traitement médicamenteux, l’incision cervico-prostatique endoscopique peut améliorer le débit urinaire et préserver le plus souvent l’éjaculation.

► Enfin, lorsqu’il existe un lobe médian isolé et obstructif, la résection transurétrale de cette excroissance prostatique dans la vessie en préservant le reste de la prostate peut permettre de restaurer une miction de bonne qualité tout en maintenant une éjaculation antérograde.

Les techniques mini-invasives

Dans ce contexte, avec une population cible de près de la moitié des hommes de plus de 60 ans, l’apparition de nouvelles techniques thérapeutiques « mini-invasives » est très attendue, notamment si leurs conséquences sur la sexualité sont plus limitées que les traitements de référence.

► Ainsi, la radiofréquence (Prostiva®) peut remplacer, dans certains cas, le traitement médicamenteux et ne perturbe pas l’éjaculation.

► L’embolisation des artères prostatiques (EAP) par des microparticules améliore l’état mictionnel et peut retarder ou supprimer l’indication chirurgicale. Ce nouveau traitement préserve mieux la sexualité que la chirurgie, car l’éjaculation est conservée mais semble moins efficace sur les paramètres urodynamiques.

► Le traitement par implants intra-prostatiques (Urolift®) permet d’ouvrir l’urètre prostatique et ainsi d’améliorer le débit urinaire en conservant le plus souvent l’éjaculation. Certains auteurs ont proposé de réaliser une résection trans-urétrale réduite de l’adénome prostatique préservant la prostate au niveau et légèrement au-dessus du veru montanum afin de préserver l’éjaculation.

► Ces différents nouveaux traitements alternatifs, qui ont pour but de préserver l’éjaculation, n’ont pas de recul supérieur à cinq ans et peuvent laisser en place un obstacle résiduel qui impose une bonne contractilité vésicale. Une évaluation rigoureuse de ces nouvelles thérapeutiques est indispensable pour juger de l’efficacité au cours du temps et des effets secondaires, afin de permettre de préciser les indications thérapeutiques de ces différents traitements en fonction du stade de la pathologie et des attentes de chaque patient.

EN RÉSUMÉ

L’HBP est une pathologie très fréquente et peut perturber la vie de la moitié des hommes de plus de 60 ans. L’évaluation des conséquences de cette pathologie sur la qualité de vie et son retentissement sur la vessie et le haut appareil est essentielle pour guider le choix du traitement qui doit être adapté à l’importance des symptômes. En l’absence de complications, les médicaments sont indiqués en premier avec les alphabloquants, les inhibiteurs de la 5 alpha réductase, la phytothérapie, les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 et, dans certains cas, les anticholinergiques. En cas d’échec ou de complication, la chirurgie est indiquée car elle reste le traitement le plus efficace (résection mono ou bipolaire, vaporisation laser, énucléation endoscopique ou trans-vésicale). Les nouvelles modalités thérapeutiques (EAP, Urololift®) ont démontré leur efficacité, leur moindre morbidité et peuvent représenter une alternative intéressante à la chirurgie, lorsque la fonction vésicale le permet.

 

Bibliographie
1- Recommandations de l'European Association of Urology (EAU) 2015. http://uroweb.org/guideline/treatment-of-non-neurogenic-male-luts/
2- Recommandations AFU. 2015. www.urofrance.org
3- HAS. Recommandations 2003.www.hassante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/hbp_2003_recommanda…
4- Descazeaud A, Barry Delongchamps N, Cornu JN et al. Guide de prise en charge en médecine générale des symptômes du bas appareil urinaire de l’homme liés à une hyperplasie bénigne de la prostate. Comité des troubles mictionnels de l’homme de l’Association française d’urologie (CTMH-AFU). Prog Urol. 2015.
5- Mohamed B, Boehm K, Trudeau V et al. Medical management of benign prostatic hyperplasia: Results from a population-based study. Can Urol Assoc J 2016.

LIENS D'INTÉRÊTS : Le Pr Nicolas Thiounn déclare n'avoir aucun lien d'intérêts relatif au contenu de cet article.

Pr Nicolas Thiounn (service d’urologie, HEGP, Université Paris Descartes. 20, rue Leblanc, 75015 Paris. Email : nicolas.thiounn@aphp.fr)
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Source : lequotidiendumedecin.fr