Pédiatrie

IDENTIFIER UN TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME CHEZ L’ENFANT

Publié le 07/02/2019
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L’autisme se manifeste dans les toutes premières années de l’enfant. Le diagnostic reste pourtant trop tardif en France et les parents inquiets ne savent pas toujours vers qui se tourner. Plus le diagnostic est posé tôt, plus les interventions mises en place aideront l’enfant dans son développement. En février 2018, la HAS a actualisé ses recommandations dans cet objectif, en différentiant le rôle de chaque professionnel en fonction de son niveau d’intervention.
Autisme

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Crédit photo : VOISIN/PHANIE

L’autisme est un trouble neuro-développemental (TND) qui peut se manifester entre un et deux ans et affecte différents champs du développement de l’enfant : langage, sociabilité, développement moteur et sensoriel. À ce jour, les enfants autistes sont diagnostiqués trop tardivement, en moyenne entre 3 et 5 ans. Si le diagnostic peut être posé dès 18 mois (contre 24 mois en 2005), la situation reste en réalité complexe en raison notamment d’inégalités d’accès au diagnostic sur le territoire et d’un manque de visibilité pour les familles qui ne savent pas à quels professionnels s’adresser.

Pour réduire le délai entre les premières inquiétudes parentales et la mise en place d’interventions appropriées, la HAS recommande aujourd’hui de notamment s’appuyer sur le médecin traitant pour repérer les signaux d’alerte et pour proposer au plus vite de premières actions. à cet effet, la HAS a établi une fiche de synthèse spécifiquement dédiée à la consultation en soins primaires. Des équipes spécialisées confirmeront en second lieu le diagnostic et initieront un projet d’interventions personnalisé.
Dans l’idéal, les interventions adaptées au trouble du spectre autistique (TSA), globales, personnalisées et coordonnées devraient être mises en œuvre si possible avant l’âge de 4 ans, dans le but de favoriser le développement de l'enfant et de réduire les surhandicaps.

UN DIAGNOSTIC DIFFICILE

Les critères diagnostiques actualisés par le DSM-5 sont définis dans deux dimensions symptomatiques que sont les déficits persistants de la communication et des interactions sociales observés dans des contextes variés ; et le caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités.

→ L’autisme peut ainsi être confondu avec différents troubles pouvant altérer la communication sociale et les interactions d’une façon similaire, tels que les troubles de l’audition, de la vision, du langage ou du développement moteur. Il peut aussi être confondu avec une affection neurologique ou d’autres troubles neuro-développementaux (troubles spécifiques du langage et des apprentissages dits “troubles dys”, trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité…).

→ Quand le TSA est de faible sévérité et n’est pas associé à une déficience intellectuelle, il pourra aussi passer inaperçu jusqu’à ce que les exigences sociales soient plus importantes (entrée à l’école, collège…), l’enfant pouvant “compenser” jusqu’à un certain point ses difficultés. L’autisme ne peut pas être diagnostiqué par un seul professionnel lors d’une consultation unique, ni chez soi grâce à un questionnaire sur Internet. Il requiert l’observation croisée de plusieurs professionnels spécialisés.

RÉAGIR DÈS LES PREMIÈRES ALERTES

La HAS recommande de ne pas minimiser l’inquiétude des parents, de s’appuyer sur la crèche et l’école pour repérer les signaux d’alerte.

Le médecin traitant est l’acteur clé pour établir un premier bilan et initier de premières actions sans attendre. À chaque rencontre avec l’enfant, notamment dans cadre des examens de santé obligatoires de 0 à 6 ans, le médecin traitant doit explorer sa communication et sa motricité.

→ Les signes d’alerte majeurs de TSA sont :

Quel que soit l’âge :
– l’inquiétude des parents concernant le développement de leur enfant, notamment en termes de communication sociale et de langage,
– la régression des habiletés langagières ou relationnelles, en l’absence d’anomalie à l’examen neurologique.

• Chez le jeune enfant :

– l’absence de babillage, de pointage à distance ou d’autres gestes sociaux pour communiquer à 12 mois et au-delà (faire coucou, au revoir, etc.),
– l’absence de mots à 18 mois et au-delà,
– l’absence d’association de mots (non écholaliques) à 24 mois et au-delà.

→ Les autres signes d’alerte d’un trouble neuro-développemental avant 18 mois ou d’un TSA à partir de 18 mois sont les suivants :

• Avant 18 mois, persistance de particularités de développement de l’enfant concernant son niveau de vigilance, son sommeil, la diversification alimentaire, la régulation des émotions, le développement de son répertoire moteur, l’exploration inhabituelle des « objets » de l’environnement. Il n’existe à ce jour aucun marqueur pathognomonique d’une évolution vers un TSA avant 18 mois.

• Autour de 18 mois, l’association d’au moins deux signes parmi des difficultés d’engagement relationnel, d’attention, de réciprocité et de réaction sociales (initiation, réponse et maintien de l’attention conjointe, regard adressé, sourire partagé, pointage à distance coordonné avec le regard, réponse au prénom), de langage réceptif et expressif, dans le jeu socio-imitatif et symbolique ou les réponses sensorielles (recherche ou évitements de sensations). Aucun de ces signes pris de façon isolée n’a de valeur prédictive.

• Au-delà de 18 mois et jusqu’à l’adolescence, signes précédents ou difficultés relationnelles précoces et persistantes (difficultés à créer des liens amicaux, à engager, suivre ou participer à une conversation, à prendre des initiatives sociales [sorties, invitations…], à comprendre ou interpréter des intentions, des expressions langagières, le second degré, etc.) combinées à des particularités dans le comportement et les intérêts prenant un caractère anormalement répétitif, restreint et stéréotypé.

→ En cas de signaux d’alerte constatés par l’entourage ou le médecin lui-même, ce dernier doit consacrer une consultation dédiée à la recherche de signes de TSA, dans un délai de 3 semaines. Cette consultation peut aussi se destiner à repérer des enfants au risque sensiblement plus élevé que la population générale :

– enfants nés prématurément ou exposés à des facteurs de risque pendant la grossesse (médicaments, par exemple valproate ; toxiques comme l'alcool),
– enfants présentant des troubles du neuro-développement dans un contexte d’anomalie génétique ou chromosomique connue et habituellement associée au TSA,
– fratries d’enfants avec TSA.

→ Lors de la consultation dédiée, l’examen clinique approfondi du développement de l’enfant en vue du repérage des signes de TSA peut s’appuyer sur la passation d’outils de repérage* adaptés à l’âge de l’enfant.  

• Pour les enfants de 16 à 30 mois : M-CHAT (voir tableau 1), complété en cas de résultats confirmant un risque de TSA par un entretien structuré plus précis avec les parents au moyen du M-CHAT - Follow-up ;

• Après l’âge de 4 ans : questionnaire de communication sociale (SCQ) ;

• Chez l’enfant et l’adolescent sans trouble du développement intellectuel associé  : Autism Spectrum Screening Questionnaire (ASSQ), Autism-spectrum Quotient (AQ) et Social Responsiveness Scale (SRS-2).

→ Si la suspicion d’autisme est confirmée, le médecin va orienter l’enfant vers une consultation spécialisée pour confirmer le diagnostic. Le délai d’attente étant encore long (6 mois à 1 an parfois) et devant être réduit, le médecin traitant proposera sans attendre :

– des examens ORL et ophtalmologique, des bilans orthophoniques et du développement moteur pour une première évaluation des besoins de l’enfant,
– et si nécessaire de premières interventions de rééducation (orthophonie, kinésithérapie, psychomotricité…) et de socialisation de l’enfant (crèche, centre de loisirs) avec une demande de vigilance particulière des différents professionnels.

→ Parallèlement, orienter – sans attendre – l’enfant vers une consultation de 2e ligne à visée diagnostique spécialisée dans les troubles du neuro-développement auprès d’un pédopsychiatre et/ou d’un pédiatre en lien avec une équipe de 2e ligne constituée de professionnels spécifiquement formés aux TND et au TSA.

→ En cas de doute sur le résultat du repérage, proposer un nouvel examen approfondi rapproché par le médecin habituel, dans un délai d'un mois.

→ Si le risque de TSA n’est pas confirmé lors du repérage, il convient de poursuivre la surveillance du développement de l’enfant par le biais d'un suivi médical habituel, notamment des examens obligatoires de 0 à 6 ans.

→ Dans les cas où les inquiétudes des parents persistent bien que le médecin de premier recours ne confirme pas ces craintes, ils doivent avoir la liberté de prendre un deuxième avis. Il est alors nécessaire que le médecin ayant procédé au premier examen donne par écrit ses observations à caractère médical afin de faciliter l’accès à un deuxième examen.
 

TARIFICATION SPÉCIFIQUE

Dans le cadre de sa recommandation, la HAS a proposé une tarification spécifique pour les consultations de suivi et de coordination réalisées par le médecin assurant le suivi habituel de l’enfant ou de l’adolescent en ALD pour un TSA. C'est désormais chose possible dans le cadre conventionnel (art. L 162-1-7 du CSP).

La consultation de repérage des troubles du spectre autistique est considérée comme très complexe. Elle sera facturable et enregistrée dans le dossier médical sous le code "CTE" et sera facturée via le code prestation "CCE" d'une valeur de 60 euros.

La consultation annuelle de suivi et de prise en charge d'un enfant autiste sera enregistrée sous le code "CSE" et facturée via le code "CCX" d'un montant de 46 euros.

L’ANNONCE DU DIAGNOSTIC PAR LES ÉQUIPES SPECIALISÉES

L’annonce du diagnostic est une obligation déontologique. Il est recommandé qu’elle soit effectuée si possible en présence des deux parents, dans une consultation dédiée avec le médecin (pédopsychiatre, pédiatre ou neuropédiatre compétent dans le domaine des TSA) et si besoin un autre professionnel. Pour l’annonce du diagnostic, il est recommandé d’utiliser le terme de trouble du spectre de l’autisme (TSA) en référence au DSM-5.

Il est rappelé que le terme “psychose infantile” est inapproprié toute forme d’autisme. Si l’enfant a reçu un diagnostic qui n’est pas en référence avec la CIM-10 ou le DSM-5 (par exemple psychose infantile ou dysharmonie évolutive), une démarche de réactualisation du diagnostic peut être proposée aux parents au regard de l’actualisation des connaissances.

Étant donné la complexité et les difficultés du parcours diagnostique, une attention accrue est nécessaire pour les familles en situation de vulnérabilité sociale, culturelle, ou bien dans les cas où les parents sont eux-mêmes en situation de handicap.
Les besoins de la famille doivent être pris en compte, ainsi que son niveau de stress et sa qualité de vie, afin de l’orienter vers des mesures d’aide et de soutien adaptées à ses besoins et ses priorités (psychoéducation, éducation thérapeutique, associations d’usagers, soutiens psychologiques, aides sociales, etc.).



Bibliographie

1- HAS. Trouble du spectre de l’autisme. Signes d’alerte, repérage, diagnostic et évaluation chez l’enfant et l’adolescent. Recommandation de bonne pratique. Février 2018.https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_468812/fr/trouble-du-spectre-de…


Dr Linda Sitruk (synthèse de la recommandation de la HAS)

Source : lequotidiendumedecin.fr